Entre rumeurs et fantasmes, le retour en France de la chaîne de restauration rapide Burger King défraie la chronique. Ces dernières années, l’enseigne a adopté une communication moins lisse que son rival McDonald’s. Une «love story» publicitaire avec l’agence Crispin Porter & Bogusky, qui a pris fin l'an dernier.

Au royaume des hamburgers, le roi s'appelle Whopper. C'est en tout cas l'avis des aficionados français de l'enseigne de restauration rapide Burger King, qui lui vouent un véritable culte depuis son départ de l'Hexagone en 1997. Les rumeurs sur le retour de la marque en France sont récurrentes, à l'image de celle de ce début d'année. Internet a bruissé d'articles, de billets et de tweets qui annonçaient l'ouverture d'un Burger King dans le nouveau centre commercial de la gare Saint-Lazare à l'occasion de son inauguration le 21 mars, et d'une association avec le groupe de restauration Autogrill sur les autoroutes.

Mais ces rumeurs ont essuyé une cascade de démentis. Interrogés par Stratégies, Gares & Connexions, la filiale de la SNCF qui gère les gares françaises, infirme cette ouverture, ainsi que le Procos (Promotion des commerces et services spécialisés) les propos rapportés par Le Figaro de son président qui accréditaient ce retour. Contacté par Stratégies, Burger King répond de son côté par une langue de bois à couper un Whopper: «(…) Nous réévaluons sans cesse notre portefeuille de restaurants dans le monde entier et prenons des décisions stratégiques selon plusieurs critères (…) dans différents pays, y compris la France. Nous n'avons cependant aucune information précise au sujet du marché français à l'heure actuelle.»«A moins de racheter une chaîne déjà implantée, l'hypothèse du retour de Burger King dans les centres-villes est peu crédible», analyse Dominique Bénézet, délégué général du Syndicat national de l'alimentation et de la restauration rapide (Snarr).

En 1997, une quinzaine d'années après son arrivée, Burger King quitte la France précipitamment. «Son image était bonne, de nombreux Français l'ont regretté, se rappelle Dominique Bénézet. A l'époque, Burger King considérait qu'il n'y avait pas assez de place sur le marché français pour trois enseignes spécialisées dans les hamburgers. » L'enseigne au Whopper (770 millions de francs de chiffre d'affaires) était en effet troisième sur le marché, loin derrière Quick (2,6 milliards) et le leader McDonald's (environ 7 milliards). «Burger King ne reviendra pas en France par lui-même, analyse Rémi Vilaine, directeur général du cabinet Gira Foodservice, spécialisé dans la restauration hors domicile. Il peut éventuellement passer par une société comme Autogrill, qui gère en franchise plusieurs réseaux de restauration, une option bien moins risquée pour un galop d'essai.»

En France, il persiste un contraste saisissant entre la notoriété actuelle de la marque et son échec commercial passé. Plusieurs raisons peuvent l'expliquer. Sur le plan affectif, Burger King a peut-être bénéficié d'un effet «Poulidor». «Partout en Europe, la chaîne a toujours été en deuxième position», observe Michael Jones, ancien directeur de Gira Foodservice en Europe. Son départ a créé un manque qui rend plus précieuses les fréquentations de ses restaurants à l'étranger par nos compatriotes. Certains avancent aussi des raisons culinaires. «Pour les connaisseurs de hamburgers, Burger King jouit d'une meilleure image de qualité que McDonald's, relève Michael Jones. Leurs produits sont grillés au feu et non sur plaque, comme chez le concurrent californien, ce qui donnerait un goût plus “naturel”.»

Deux challengers

Créée en 1954 par David Edgerton et James McLamore à Miami en Floride, la chaîne Burger King affirme rapidement cette forte identité. Elle crée une mascotte, le personnage du King, le pendant, dans un style plus débonnaire, de Ronald McDonald's. Trois ans plus tard, la chaîne élabore son burger emblématique, le Whopper, qui demeure son produit phare. Dans les années 1970, la marque adopte le slogan «Have it your Way» Mais la deuxième enseigne de hamburger aux Etats-Unis connaît une véritable traversée du désert jusqu'au début des années 2000. De 1990 à 2004, Burger King a changé neuf fois de PDG et huit fois d'agence de publicité.

A la suite du rachat par les fonds d'investissement TPG et Bain Capital, le nouveau PDG, Brad Blum, veut une nouvelle image pour Burger King. Il s'agit de raviver la flamme d'une marque et des ventes en net déclin. En janvier 2004, il choisit l'agence du moment aux Etats-Unis, Crispin Porter & Bogusky, qui n'avait pourtant jamais travaillé pour un si gros budget. Entre les deux challengers, tous deux originaires de Miami, le courant publicitaire passe. Commence alors une série de campagnes, notamment interactives, dans lesquelles l'accent est mis sur l'innovation, l'humour et l'introduction d'une pointe de «branchitude». «En cinq ans, la créativité de Crispin Porter & Bogusky a revitalisé une marque auparavant moribonde, à travers des réalisations remarquables et souvent avant-gardistes», écrit Advertising Age en 2009.

Parmi celles-ci figurent les fameuses «Simpsonize Me», «Subservient Chicken», «Whopper Sacrifice», les «Xbox King Games» ou encore la «Fantasy Ranch». A l'occasion de la sortie du film Les Simpson en 2007 et sur fond de partenariat au long cours, la campagne «Simpsonize Me» traduit l'idée d'une transformation des êtres humains en personnages du célèbre dessin animé américain. L'application virale en ligne a rencontré un succès impressionnant tout comme celle du «Subservient Chicken». Dans le registre de l'expérimentation sur le Web, elle est empreinte d'une veine surréaliste, voire absurde. Le décor est constitué d'une pièce d'appartement dépouillée, dans laquelle un homme est grimé en poulet et exécute de manière interactive les actions demandées par les internautes. L'application est pionnière à l'époque (2004), à tel point que lors du dernier Cannes Lions, le festival de la publicité mondiale, une polémique a éclaté sur l'attribution de prix à l'agence Buzzman pour sa campagne Tipp-Ex rappelant «Subservient Chicken», elle-même primée à Cannes précédemment.

Audacieux pari

Sur Facebook, la marque et son agence fétiche se sont également distinguées par un pari audacieux en 2009: prendre le contre-pied de la course aux amis. «Whopper Sacrifice» propose alors de supprimer des amis de son profil Facebook afin d'obtenir en échange des Whopper gratuits. Le «buzz» a d'autant plus pris que le réseau social de Mark Zuckerberg aurait demandé à Burger King d'arrêter cette opération… qui a obtenu un Lion d'or à Cannes. Autre signe des foisonnantes idées interactives de Crispin Porter & Bogusky, les jeux vidéo «Xbox King Games», qui ont obtenu le Grand Prix Titanium au Festival de Cannes en 2007.

Cette saga publicitaire rencontrera son ultime consécration à travers une mise en abyme de Burger King, devenu vedette d'une publicité pour une autre marque. Réalisé par l'agence française Leg en 2010, le film d'Eurostar réalise ce tour de force. Il vante les mérites du Whopper comme une véritable publicité pour ce dernier, mais dévoile à la fin l'adresse du restaurant de St-Pancras à Londres, accessible en 2h15 depuis Paris…

Mais toute belle histoire a une fin: Burger King se sépare de l'agence Crispin Porter & Bogusky en 2011. Six mois auparavant, l'enseigne a été rachetée par le fonds 3G. Ce sont désormais les agences McGarry Bowen (rachetée par le Japonais Dentsu en 2008), Pitch ainsi que Mother et David (Ogilvy) qui s'occuperont de l'enseigne au Whopper.

 

(encadré)

Dates et chiffres clés

1954. Création de Burger King à Miami.

Années 1970. Lancement de la signature «Have it you Way».

1980-1997. Présence en France.

2004. Crispin Porter & Bogusky remporte le budget et lance la campagne «Subservient Chicken».

2007. Campagne «Simpsonize Me».

2011. Fin de la collaboration avec Crispin Porter & Bogusky.

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