Pour sortir d'une mauvaise passe, la marque aux chevrons a renoué avec le passé en replongeant dans son patrimoine. Histoire d'une renaissance.

Le 12 avril dernier, de nombreux VIP et journalistes fêtaient au C42 les DS Days. Il ne s'agissait pas d'une énième mondanité dans le club à la mode, mais de la célébration des deux années de succès de la ligne DS (200 000 exemplaires vendus) dans le showroom de Citroën qui, à l'instar de ses concurrentes, a pignon sur l'avenue des Champs-Elysées. Avec une différence notable: la marque aux chevrons dispose depuis septembre 2007 -après trois ans de travaux- d'une vitrine entièrement reconceptualisée par l'architecte Manuelle Gautrand, afin de faire la démonstration de son savoir-faire technologique. Et Citroën n'a cessé, depuis l'inauguration de ce site, de faire parler d'elle...
Cette reconstruction préfigurait en effet l'ambitieux chantier sur la marque et les produits qui allait suivre. Notamment ces trois dernières années, avec «la renaissance de l'appellation DS et le lancement d'une ligne pour s'imposer sur un nouveau segment», explique Xavier Duchemin, le directeur marketing et communication de Citroën. Mais «la DS est la partie émergente d'un travail qui a commencé bien avant, avec la Xsara Picasso [le monospace commercialisé fin 1999], véritable tournant ayant permis à Citroën de renouer avec le succès», précise Christophe Lafarge, le président de H, l'agence qui a mené le volet publicitaire de cette refonte globale. Pour lui, il s'agit de «la plus grosse évolution que le secteur automobile a connue depuis celle d'Audi dans les années 1995-2000».
Pourtant, à l'entendre, «la marque revient de nulle part», bien qu'elle bénéficie «d'un patrimoine de modèles mythiques comme la Traction, la 2CV ou la DS...». La production de modèles tels l'AX, la ZX ou la Saxo l'avait ringardisée. Au point que, au début du XXIe siècle, Citroën se retrouvait au 15e rang mondial, avec des ventes autour du million d'unités. Et, circonstance aggravante, certains produits sont devenus plus forts que la marque. «Ses acheteurs déclaraient rouler en Picasso, pas en Citroën», raconte Xavier Duchemin. De quoi poser problème alors que se préparait le lancement de nouveaux produits. Pour Hugues Reboul, responsable du budget chez H, «il fallait redonner un statut à la marque pour l'aider à vendre les modèles qui arrivaient».
Cinq ans plus tard, les résultats sont là. «Une croissance des ventes de 50% et la meilleure part de marché depuis les années 60», se félicite son directeur marketing et communication. Le constructeur s'est hissé au 13e rang mondial, et 30% des ventes s'effectuent dorénavant hors Europe. La Chine est devenue son deuxième marché. Mieux encore, Citroën occupait en septembre dernier le 2e rang dans l'étude de référence sur l'appréciation des marques françaises de Claude Posternak, et le 1er rang dans l'automobile devant Peugeot. Un constat qui se vérifie dans d'autres études (cf. encadré). «Les Français sont prêts à récompenser Citroën quand la marque renoue avec l'audace», analyse a posteriori Christophe Lafarge.

 

Créative et technologique

Pour y parvenir, «Citroën est passée par un renouvellement du style, par une diversification, avec 20 modèles au lieu de 12 précédemment; elle a amélioré sa couverture des différents segments de marché, et pénétré le marché premium avec la ligne DS», résume le dirigeant de H. Et pour amplifier ce changement, la filiale de PSA a franchi une étape décisive, celle de la relance de la marque, entamée le 5 février 2009. Ce jour-là, elle dévoile un logo où les chevrons figurent désormais en relief et sont sortis du carré rouge. Et une nouvelle signature: «Creative technologie». «Le travail sur les valeurs de la marque a fait ressortir le caractère visionnaire et technologique de Citroën, les termes d'audace et de créativité... relate Xavier Duchemin. Nous avons retenu un slogan structurant, qui signifiait bien le fait d'être en avance avec notre créativité».
Cette signature, globale car compréhensible au plan international, va désormais s'illustrer à travers les messages publicitaires. Pour assurer la cohérence du discours, chaque campagne doit montrer un apport technologique. Même sur un ton divertissant, à l'instar du spot pour la C3, où le véhicule se balance au bout d'une grue pour mettre en valeur le pare-brise panoramique. La nouvelle identité va se déployer et se concrétiser sur l'ensemble du réseau Citroën avec, par exemple, un plan sur cinq ans de modernisation des concessions. Elle est également mise en scène dans les salons où les stands accueillent grands écrans et autres dispositifs événementiels en conséquence (jeux vidéo, véhicules en suspension, etc.).
Cette nouvelle identité prend toute son ampleur à travers la ligne DS. Pour concurrencer BMW, Audi ou Mercedes, sur un marché premium attractif -9% des volumes pour 18% des revenus et 40% des profits-, la marque française s'appuie sur son histoire et joue la carte de la technologie. Mais «il fallait se distinguer, défendre une attitude, un état d'esprit pour entraîner l'adhésion», explique Christophe Lafarge. D'où cette thématique de l'anti-rétro pour la DS3, de celle de la rébellion contre les règles pour la DS4 (un modèle combinant les concepts) et celle de la distinction pour la DS5, la voiture hybride.
Ainsi, tout en réutilisant une appellation mythique, la première proclame -d'abord par un teasing en affichage puis par des vidéos- qu'il faut tourner le dos au passé, et met à contribution les dernières innovations en termes de communication: réalité augmentée, application mobile, vidéo in print, réseaux sociaux... En six mois, la DS3 dépasse rapidement sa concurrente directe, la Mini, et ses objectifs de vente annuels. «On a montré que l'on pouvait s'imposer sur un segment», se réjouit Xavier Duchemin, qui relève en outre que «60% des acheteurs n'avaient pas eu encore de véhicule de notre marque». Selon Christophe Lafarge, «DS a désinhibé Citroën sur sa capacité à adopter des codes modernes.» Seront-ils encore efficaces face à la crise économique? Début 2012, les ventes ont accusé un recul à deux chiffres...


(sous papier)

 

Une image au beau fixe

«De nombreux indicateurs sont en hausse sur ces dernières années, pour l'ensemble des actions publicitaires et marketing de Citroën», relève Benoît Tranzer, directeur général de l'institut d'études Millward Brown France, qui mesure annuellement, avec Brand Z, la force des marques sur 40 marchés. Un focus sur la cible des 18-65 ans propriétaires de voitures depuis moins de quatre ans ou acquéreurs potentiels de véhicules neufs dans les deux prochaines années montre que la marque explose ses scores en notoriété spontanée entre 2009 et 2011. «A part de voix égale, cela traduit une hausse de la qualité publicitaire et une meilleure perception en termes de message et de pertinence», décrypte Benoît Tranzer.
La marque se distingue sur différents items. Les sondés jugent ainsi Citroën attirante, avec plus de style, et seraient davantage prêts à se montrer au volant d'un des modèles qu'auparavant. Elle bénéficie même d'une dimension de popularité, «critère généralement attribué au leader». Au final, «les Français en ont une image de plus en plus positive, souligne l'expert. Citroën est passé au 1er rang des marques françaises automobiles sur le «brand voltage», un indicateur mêlant tous les résultats de l'étude». Une évolution inverse à celle de Renault, et qui rapproche l'inventeur de la DS de Volkswagen. Dès lors, «on se situe dans le registre des valeurs émotionnelles, et pas seulement sur celui du prix », conclut Benoît Tranzer.

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