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Sud Ouest, Midi libre, la Voix du Nord, les DNA... De nombreux quotidiens régionaux se tournent vers Internet pour publier des informations à caractère très local... afin de contrer les géants du web.

Dans la mutation numérique de la presse quotidienne régionale (PQR), les informations locales joueront un rôle de plus en plus déterminant. Ces pages rédigées par des correspondants non titulaires de la carte de presse permettent à des communautés de lecteurs de se tenir informés de tout «événement» touchant à la vie de leur commune. L'enjeu pour les journaux est de garder sur la Toile cette position centrale.

La géolocalisation des contenus et des lecteurs ouvrent des perspectives nouvelles. En autorisant la conception d'une information numérique de proximité au niveau du pâté d'immeubles, à l'exemple de médias hyperlocaux expérimentés aux États-Unis (Patch.com, présent dans 23 Etats, DNAinfo.com à New York et Everyblock.com, proposé dans 16 villes), elle rend possible une publicité plus précise, moins chère et accessible à davantage d'annonceurs.

Plusieurs journaux en sont à l'étape des réalisations. Il y a trois ans, le Midi libre a proposé à des correspondants d'ouvrir un blog rattaché au site (midilibre.fr). Il s'agissait de récupérer de l'audience et des revenus partis ailleurs. «On s'était rendu compte que certains correspondants ouvraient des blogs chez Overblog et y plaçaient de la publicité Google.

Aujourd'hui, ils sont 290 à publier sur notre site du texte, des photos, de la vidéo, sans les contraintes du papier, avec une relecture à posteriori,» explique Michel Pélamourgue, le directeur délégué aux nouveaux médias des Journaux du Midi.

La transition est aussi l'occasion de trouver la relève des plus anciens, lesquels travaillent à présent en binôme avec un jeune rompu aux nouvelles technologies. Michel Pélamourgue rappelle qu'il fait face à des concurrents de taille mondiale. «Google et Orange convoitent l'hyperlocal. Nous utilisons l'outil de la société Purl pour que les commerçants locaux diffusent leur publicité en ligne uniquement dans leur zone de chalandise. Pour cela, les articles sont géolocalisés.» Au bout de trois ans, le bilan est mitigé. Certains blogs locaux recueillent des centaines de connexions quotidiennes mais «la publicité n'est pas encore au rendez-vous et il faudra mettre en place une force commerciale», estime-t-on au journal.

La reconquête du lectorat via le local peut aussi s'appuyer sur le papier. C'est ce qu'à choisi l'hebdomadaire 7 à Neudorf, Neuhof, Meinau, lancé par les Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA) en août 2010 dans trois quartiers de Strasbourg (totalisant 90000 habitants). Pour Christian Bach, responsable des services multimédia des DNA, le papier était plus approprié pour créer une marque de proximité et générer des revenus. La Toile n'arrivait qu'au deuxième plan. «Les ambitions étaient à la fois rédactionnelles et économiques. La formule devait pouvoir être dupliquée. On a choisi de faire un hebdomadaire de ville, là où l'audience s'érode et la diffusion est difficile. Je voulais aussi qu'on descende d'une marche, aller voir les parents d'élèves, les gens dans les conseils de quartiers, les clubs sportifs… en mettant en avant les réponses qu'ils apportent aux problèmes plutôt que de se contenter de souligner ces problèmes.»

Cette information peu institutionnelle, développée sur des articles longs (4 000 signes) requiert un engagement de la part de l'unique journaliste professionnelle, Julie Reux. «J'anime une équipe de correspondants, je leur donne des sujets, des conseils, des angles. L'article leur est payé 30 euros et ils participent à la promotion de l'hebdo.» La publicité mise sur le quartier commerçant de Neudorf. La diffusion locale du journal permet de viser plus petit et moins cher. Christian Bach revendique environ 300 abonnés et une diffusion de 2 000 exemplaires dont 1 000 payés (50 centimes d'euro). Même avec des coûts réduits, l'avenir de l'hebdomadaire est incertain. Mais les journalistes sont persuadés de la valeur sociale de la proximité.

Le marché publicitaire local sur Internet

La reconversion numérique des correspondants concerne tous les journaux et l'expérience déjà ancienne du Midi libre a retenu l'attention. Xavier Lambert, chef d'édition Internet à Sud Presse (Sudinfo.be), la cite lorsqu'il évoque le projet de ce groupe belge de presse régionale. «Les blogs de correspondants lancés il y a un an nous ont permis de revenir à notre cœur de métier, qui est de travailler sur les communautés d'intérêt ou locales. Sur les éditions papier, à cause des coûts, ces pages d'information microlocale avaient perdu beaucoup de place. Le numérique nous permet d'y revenir. Des correspondants qui nous avaient quittés sont revenus »

Les correspondants du quotidien Sud-Ouest (Midi libre appartient au même groupe) ont blog ouvert depuis deux ans et ils sont une centaine à ce jour, souligne Laurent Cramaregeas, le directeur adjoint des rédactions. À la différence de Midi libre, l'immense majorité du contenu du site provient du papier et les écrits de correspondants passent par le secrétariat d'édition. L'étape suivante lancée récemment consiste à créer des webchroniques, des pages organisées autour des articles de correspondants et enrichies d'informations pratiques locales, telles que les annonces d'événements, horaires de services, adresses d'associations. «Ces pages ne seront pas identifiées comme des blogs, mais comme des pages locales», précise Laurent Cramaregeas.

À La Voix du Nord, Pierre Mauchamp, rédacteur en chef adjoint, a étudié les expérimentations menées en France et ailleurs. «L'hyperlocal est un axe important du projet 2012-2015. En 2013, le nouveau CMS [Content Management System, ou outil de gestion de contenu] affichera sur la page d'accueil du lecteur les informations, les services concernant les centres d'intérêt et les localités indiqués lors de son inscription, laquelle est déjà obligatoire pour consulter ces pages locales.» L'autre idée concerne la participation des lecteurs au processus de production d'information. Perdre une position en surplomb est «une chance de montrer au public qu'on est de bonne foi et pas manipulés», explique Pierre Mauchamp. Bref, que l'audience est coPour les journalistes, le problème est que la mutation se fait dans une période difficile, sur fond de fusion avec Nord éclair. «La direction dit qu'il faut aller chercher 5 à 7 millions d'euros sur Internet. Le numérique, c'est très intéressant, mais c'est beaucoup de travail en plus. Faudra-t-il négliger le papier pour l'alimenter?», demande Vincent Tripiana, localier à Maubeuge et délégué du Syndicat national des journalistes.

Cette information locale pourra-t-elle se financer? Le «freemium», qui consiste à ne faire payer que l'information locale exclusive, est mis en pratique sur le site du Progrès et intéresse La Voix du Nord. Le marché publicitaire local sur Internet suscite beaucoup d'attentes. «Il représente 280 millions d'euros, soit 17% des dépenses publicitaires sur le Net et était inexistant il y a quatre ans», note Xavier Guillon, directeur général de France Pub. Pour agréger les petits budgets, rarement plus de 500 euros, certains comptent sur un système en self-service comme Adwords de Google. L'outil Purl, qui est sur ce créneau, est utilisé par le Midi libre, Sud-Ouest ou encore Le Télégramme. Mais pour convaincre le fleuriste d'Uzès ou le boucher de Bapaume, il faudra déployer de la force de vente. Là aussi, le terrain devra être quadrillé.

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