Même bouteille iconique, même image de festivité et même positionnement premium qu’à l’origine: à 150 ans, la marque aborde aujourd'hui le virage du digital avec des expériences interactives poussées.

Perrier fête cette année ses 150 ans mais l'histoire de «la princesse des eaux de table» débute bien avant qu'un certain Louis-Eugène Perrier ne s'y intéresse. Tout commence en 1863 lorsque Napoléon III autorise par décret le commerce de la source minérale gazeuse des Bouillens qui jaillit à Vergèze, un petit village du Gard. D'un établissement thermal parti en fumée en 1869, le docteur Louis-Eugène Perrier donne naissance en 1898 à la Société des eaux minérales. Il s'associe en 1903 à l'Anglais John Harmsworth, qui prend les rênes de la société. Ce dernier baptise la source du nom de son propriétaire et crée la forme iconique de la bouteille, inspirée, dit-on, des massues indiennes qu'il utilise pour ses exercices physiques.

Convaincu que «le positionnement de Perrier est d'être une boisson à part entière et non une simple eau de table», comme l'indique Muriel Koch, directrice marketing chez Nestlé Waters France-Belgique en charge de la marque, Sir Harmsworth «décide de miser sur le côté festif et lance le slogan "Le champagne des eaux de table" en 1903». Un positionnement unique pour l'époque, mais qui coule de source, puisque déjà en 1870, les premières réclames de la Société des eaux minérales vantaient les mérites de «La princesse des eaux de table». Sous l'impulsion de Sir Harmsworth, Perrier sera commercialisée dans les colonies britanniques et deviendra «une icône à l'étranger avant même d'être connue dans son pays d'origine», remarque Muriel Koch. La petite bouteille verte se verra même décerner le titre de Fournisseur breveté de sa Majesté le roi d'Angleterre.

 

 

L'affiche, support phare

Ce n'est qu'après-guerre que l'Hexagone découvre la boisson pétillante lorsqu'en 1946, Gustave Leven acquiert la source et décide de faire de Perrier un produit de consommation de masse. Il peut alors compter sur son associé Jean Davray, génie publicitaire de la bouteille verte pendant quarante ans, à qui l'on doit notamment les slogans «Perrier, l'eau qui fait pschitt» (une onomatopée qui deviendra, en 1955, le nom d'un nouvelle boisson de la société depuis rachetée par le groupe Castel) ou encore «Perrier c'est fou». Dès son arrivée en 1946, cet auteur de romans privilégie l'affichage dans la lignée des créations réalisées pour Perrier dans les années trente par les affichistes Domergue, Brenot et Libis. Villemot, Savignac et Morvan signent ces nouvelles réclames. Dali réalisera même en 1969 une page dans Le Figaro et France Soir, et Andy Warhol 38 toiles à l'effigie de la petite bouteille de verre en 1983. Mais pour que Perrier devienne populaire, la marque commence en 1923 à sponsoriser le Tour de France. En 1978, elle devient le partenaire officiel de Roland-Garros.

Mais elle n'oublie pas les médias de masse et commence dès les années soixante à prendre la parole à la télévision avec Georges Lautner, François Reichenbach et Philippe Lorin. Commençent alors deux décennies dominées par la folie et l'impertinence, on pense à la métaphore érotique du spot «La Main». Le slogan «Perrier, c'est fou» vit alors ses vingt glorieuses.

Lorsque s'éteint son concepteur Jean Davray en 1985, la marque cherche un second souffle. D'autant plus que le slogan, aussi percutant soit-il, n'a plus d'impact sur les ventes. Entre alors en scène l'agence Ogilvy & Mather, qui remporte le budget en 1989. «On a repris Perrier à un gros moment de rupture», raconte Benoît de Fleurian, directeur général d'Ogilvy & Mather Paris. L'image de marque était formidable mais "C'est fou" avait fini par être déconnecté de la réalité du produit. Avec l'épisode du benzène qui a traumatisé la marque [des traces de cette substance ont été retrouvées dans treize bouteilles aux Etats-Unis en 1990, ce qui a conduit au retrait de 160 millions de packs], il fallait réinjecter du produit dans la communication et rétablir le statut naturel, pur et intouché de Perrier. C'est là que l'on a sorti la campagne "De l'eau, de l'air: la vie"».

 

Une folle communication

Film iconique de la saga Perrier, «La lionne», réalisé par Jean-Paul Goude, sort en 1990. Primé à Cannes, il marque le début de la courte mais prolifique ère Ogilvy. «En deux ans, on a eu coup sur coup une multitude de films publicitaires qui ont vraiment boosté la marque», note Muriel Koch. En 1991, suit le film de Ridley Scott qui fait danser des planètes au rythme de Sex Machine de James Brown. Axé sur le sport, «Le mirage» met ensuite en scène le joueur de tennis John McEnroe qui dispute un match avec une balle et une raquette invisible. En 1993, ce sont des petits soldats de plomb qui se lancent à l'assaut d'un réfrigérateur pour en libérer les bouteilles de Perrier. Récompensé par un Grand Prix Stratégies et un Lion d'argent à Cannes, ce spot marque toutefois la fin de la collaboration d'Ogilvy et de Perrier: la marque, rachetée en 1992 par le groupe Nestlé Waters, tombe dans l'escarcelle de Publicis.

Un coup dur pour Ogilvy... et pour Perrier qui entre alors dans une phase de tâtonnement publicitaire. «Publicis a eu beaucoup de mal avec Perrier, ils étaient trop dans le produit, il n'y avait plus d'aura mythique», analyse Benoît de Fleurian. La nouvelle communication proposée par Publicis s'appuie sur la violence des bulles, mais le ton est trop éloigné des films précédents et le résultat n'est pas probant. En 1997, l'agence retombe sur ses pattes avec «L'ivresse d'un Perrier», réalisé par Bruno Aveillan, mettant en scène des personnages qui prennent vie sur la chanson d'Edith Piaf La Foule. Publicis revient aux fondamentaux de la marque, la fête. Mais, ironie de l'histoire, ce film sera le dernier pour l'agence, car Perrier a déjà choisi de retourner vers Ogilvy. L'agence lance la saga des T-shirts, notamment à l'effigie d'Albert Einstein, et signe en 2000 «Les Egyptiens», spot réalisé par Jean-Jacques Annaud, puis travaille sur «des innovations produits comme Perrier fluo, indique Benoît de Fleurian, mais ce n'était plus des grands films Perrier. Il y a donc eu une volonté très nette de revenir vers Perrier nature et d'en refaire un produit iconique».

C'est ainsi qu'en 2009 arrive le film «Melting», dans lequel l'eau gazeuse est l'ultime rafraîchissement dans un monde qui fond sous une chaleur écrasante. Cette année marque aussi l'arrivée du digital dans la saga Perrier. Avec des expériences comme «La Main», «Dita» (avec la sulfureuse Dita Von Teese) ou «Le Club», Perrier investit le terrain des 25-35 ans. Pour Muriel Koch, «le digital est un média d'expérimentation, on y fait des choses qu'on ne ferait pas en télévision» et de fait, comme l'indique encore Benoit de Fleurian, «la télévision permet de traiter le désir du rafraîchissement et le Web permet d'aborder l'aspect social». Dernière-née de l'imagination des BNF, team créatif en vogue d'Ogilvy, «Secret Place» a été lancée le 2 avril. Cette expérience interactive, plus que sociale, aspire l'internaute dans une soirée électrique à la quête d'une bouteille de Perrier qui ouvrira à cinq chanceux les portes des plus folles soirées du monde. Après tout, «Perrier, c'est fou».

 

 

Dates clés

1863. Napoléon III autorise par décret l'exploitation de ce qui deviendra la source Perrier.
1870. Première réclame et premier slogan pour «la princesse des eaux de table».
1898. Louis-Eugène Perrier devient propriétaire de la source.
1946. Jean Davray prend les commandes de la publicité et fait décoller l'affichage.
1970. Lancement du slogan «Perrier, c'est fou».
1976. Perrier part à la conquête des Etats-Unis.
1992. Nestlé Waters rachète la marque.

2001. Création des bouteilles PET.
2013. Perrier fête ses 150 ans. 

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