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Depuis 2008, la marque-enseigne développe de nombreuses «marques passion» thématiques mobilisant un important vivier de R&D. Elle fait évoluer sa communication en conséquence.

Une tente qui se monte en un rien de temps («deux secondes»), un filet de ping-pong à poser n'importe où, un vélo pliable, des buts de football portables... Autant de bonnes idées toutes simples à des tarifs bon marché et qui sont toutes aujourd'hui des best-sellers. Depuis sa création en 1976 par Michel Leclercq à Englos, près de Lille, la chaîne de distribution de vêtements de sport Décathlon (groupe Mulliez) est devenue un cas d'école marketing. Avec pour référence, le géant suédois Ikea. Au menu: de vastes points de vente mis en scène de manière minimaliste, des méthodes de vente poussées, un discours publicitaire qui dédramatise le sport.

Ses points de vente sont implantés en périphérie des grandes villes, non loin de galeries commerciales. Le terrain est moins cher qu'en centre-ville et permet d'avoir des espaces de vente plus vastes. Pourtant, le groupe teste depuis peu des magasins Décat' en centre-ville, à Lille et Bordeaux: «Un simple test pour s'adresser à une clientèle différente. On y propose des équipements sportifs de dépannage», précise Philippe Dourcy, directeur de la communication d'Oxylane, la maison mère de Décathlon.

 

Le sport pour tous

Prochain enjeu, le digital: sa boutique en ligne engrange «l'équivalent du chiffre d'affaires annuel d'un grand magasin», précise Philippe Dourcy. Et cette année, Décathlon commence à équiper ses vendeurs en tablettes tactiles.

Les points de vente sont plutôt austères. Semblables à de grands entrepôts, ils sont structurés par type d'activité sportive. Avec des petites astuces dans les linéaires: comme les fiches techniques des produits, où ceux fabriqués par Décathlon sont comparés avec les produits Nike et autres Adidas - avec des prix bien moindres.

Peu à peu, Décathlon a imposé son identité aussi dans son discours publicitaire. Dès le début, l'idée est de véhiculer l'image d'un univers sportif accessible et de donner envie d'en faire. «L'idée du "sport pour tous" permettait de se démarquer des grandes marques, au discours axé sur la compétition, la performance», précise Emmanuel Castiglioni, directeur de la communication et du marketing de Décathlon.

En 1982, sous l'impulsion de Jacques Séguéla (RSCG), naît le fameux slogan «A fond la forme!». «On avait donné, en 1980, ce brief à l'agence: donner l'image d'un sport démocratisé, dans une même enseigne rassemblant différentes activités, du vélo à la pêche, avec pour cibles la famille et les jeunes», se souvient Benoît Poizat, directeur de la communication de Décathlon à ses débuts, actuellement en charge du développement de la communication à l'international.

Les premières sagas, jusqu'au début des années 1990, assurées par Y&R, mettent en scène, de manière drolatique, un sportif-aventurier en compétition avec Tarzan dans la jungle. «Il s'agissait de sortir le produit de son contexte sportif et de montrer un test grandeur nature dans la jungle, de façon décalée», poursuit Benoît Poizat.

Tout a démarré lorsque Michel Leclercq, ayant bien du mal à attirer les grands noms du secteur, tels Lacoste et Peugeot (l'enseigne étant jugée pas assez attractive), décide de créer sa propre marque, Décathlon, en 1986, initialement pour les seuls produits d'entrée de gamme.

 

Multiplication des «marques passion»

En 2008, s'ouvre une nouvelle ère pour le groupe Décathlon qui devient le réseau Oxylane, la marque Décathlon étant réservée à l'enseigne de distribution. C'est l'aboutissement d'une stratégie entamée en 1996 et basée sur le lancement de «marques passion», une par univers sportif: Tribord pour les sports aquatiques, Quechua pour la montagne, puis, à partir de 2008, des marques comme Domyos pour le fitness, Kipsta pour les sports collectifs, Geologic pour la chasse et la pêche, Inesis pour le golf, Artengo pour le tennis... A ce jour, aux côtés de Décathlon, l'enseigne de distribution généraliste, le réseau Oxylane compte 21 marques.

Cette offre maison s'appuie sur un pôle recherche et développement (R&D) très avancé en interne. Un argument marketing en soi qui permet au groupe de se positionner frontalement face aux grandes marques, telles Nike et Adidas, qui mettent traditionnellement en avant leurs innovations et leur design. Certaines «marques passion» naissent d'ailleurs autour d'innovationstechnologiques: l'étanchéité des textiles pour Novadry, la high-tech pour Geonaute... En 2012, Décathlon a ainsi déposé 37 brevets.

Son bureau de style, chapeauté par Arnauld Blanck, emploie une armée de 150 designers, avec une équipe pour chaque «marque passion». Cette R&D a pour principal objectif de faire baisser les prix. «Elle est orientée vers la simplification des usages, mais aussi vers la baisse des coûts. Elle doit leur permettre de maintenir leur positionnement en termes de prix. D'ailleurs, si des grandes marques dérivent vers la mode, Décathlon, lui, reste sur le sport, avec des produits fonctionnels, sans valeur émotionnelle», décrypte Cédric Ducrocq, fondateur de Dia-Mart, société de conseil spécialisée dans la distribution.

Avec le lancement du réseau Oxylane en 2008, la communication a été refondue et scindée en deux. Pour les produits des «marques passion», les campagnes sont désormais conçues par les agences Fred & Farid et DDB Paris, réparties sur les différentes marques. Pour Décathlon, BETC est à la manœuvre. «Les prix bas et la qualité de service des vendeurs sont alors devenus centraux dans la communication de l'enseigne», précise Emmanuel Castiglioni.

Destinés à générer du trafic en magasins, les plans médias du distributeur, orchestrés par Havas Media, passent surtout par des publicités TV, programmées à des périodes clés: départs en vacances d'été, rentrée scolaire, fêtes de fin d'année. S'y ajoutent des partenariats avec des sportifs, qui testent les produits, tel Stéphane Diagana pour la marque Kalenji, positionnée sur le running. En 2011, Décathlon investit presque autant qu'Ikea dans la publicité: 94 millions d'euros (+34%), selon Kantar Media.

La communication repose toujours sur cette idée du sport accessible à tous: si le slogan historique «A fond la forme!» est conservé pour la France, une nouvelle signature, «All for sport, sport for all» est adoptée à l'international pour accompagner l'implantation de Décathlon en Espagne, Italie, Europe du Nord... Une expansion soutenue, qui a connu pourtant quelques échecs, comme son retrait des Etats-Unis en 2006.

 

Encadré

 

Dates et chiffres clés

 

1976. Ouverture du premier Décathlon à Englos, près de Lille.
1982. Création de la signature «A fond la forme!».

1986. Lancement de «Décathlon Production», entité spécialisée dans la conception et la fabrication d'articles signés Décathlon.
1996. Commercialisation des premières marques de distributeur («marques passion»), Quechua et Tribord.
2003. Inauguration du premier magasin en Chine.
2006. Retrait des Etats-Unis.
2008. Le groupe Décathlon devient le réseau Oxylane, Décathlon l'enseigne de distribution.

30% de part de marché en France (hors grandes surfaces).

55 000 collaborateurs dans 22 pays (dont 17 000 en France).

653 magasins dans le monde, dont 258 en France.

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