Salons, rendez-vous originaux, lieux de rencontre virtuels ou non: des événements en tous genres ont envahi le monde du vin pour rapprocher les consommateurs des vignerons. Sélection, dans la foulée de Vinexpo, qui a eu lieu du 16 au 20 juin à Bordeaux.

Après Meetic et Attractive World, bienvenue chez Vinealove.com. On l'aura compris, ce site de rencontres a pour palpitant la passion du vin. Françoise Pauly a osé: «Comme tout le monde, je regardais L'Amour est dans le pré, le “reality show” qui met en relation des agriculteurs perdus dans leur trou. Un jour participait un vigneron de Porquerolles, un beau type intelligent… ça a fait tilt. Il existe 2 245 groupes sur Internet qui comportent le mot “vin” et des milliers de blogs sur le sujet. Les amoureux du vin sont partout: tout ce qu'il veulent, c'est en parler!» Elle se lance donc, avec sa fille Roxane Brooke, vingt-cinq ans, dans la création d'une communauté internationale en recrutant des ambassadeurs de Vinealove en Roumanie, Inde, Malaisie, Maroc, Angleterre, etc. Leur rôle: suivre les relations presse, Facebook, Linked In, Viadeo, blogs du pays, etc., et organiser des Vinea Love Nights pour réunir physiquement les «vinea lovers».

La révolution Internet comme l'expansion de l'événementiel ont transformé l'image rigide et conventionnelle de la bouteille, et apporté un souffle joyeux et bienvenu pour les nouvelles générations de consommateurs. A l'image des blogs truffés d'humour et de simplicité, comme celui de Miss Glouglou, le monde du vin se démocratise, les codes sont cassés avec des guides tels que Tronches de vin, «le guide des vins qu'on d'la gueule» écrit par des blogueurs (éditions de l'Epure). Et les événements pour rapprocher le consommateur du vigneron sont désormais légion. Jamais le vin et ses dessous n'ont été à ce point dévoilés.

Bordeaux, qui traînait une réputation de pédant caché du public derrière ses grilles dorées, déploie jusqu'au moindre secret. Portes ouvertes, manifestations d'ampleur, festivités… Créée par Alain Juppé en 1998, Bordeaux fête le vin a réuni en 2012 pour sa 8e édition quelque 500 000 personnes. Le principe: pour l'achat d'un «pass» à 15 euros en prévente et 18 euros sur place, l'amateur dispose de 14 tickets correspondant à autant de dégustations. L'opération coûte au CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de bordeaux) 2,2 millions d'euros, pour un budget global marketing de 26,9 millions.

Par ailleurs, les Apéros Vintage (rebaptisés Apéros Bordeaux), depuis le premier lancé en 2008 à Paris, s'étendent aux sept marchés prioritaires (Allemagne, Belgique, Canada…). Un bar branché de la capitale, et non un bar à vin, accueille le public en ne servant que du bordeaux, une large gamme d'appellations. «Tout le monde est gagnant, explique Sara Lesage, responsable RP du CIVB. Ces “afterworks” permettent d'attirer un public intéressé par le vin.» L'argent (le verre est de 3 à 5 euros) est reversé au bar qui gagne de la crédibilité et ajoute des vins à sa carte.

De leur côté, les Sweet Bordeaux ont trouvé leur marque en donnant un coup de jeune aux vins liquoreux avec leurs Sweet Party. Ainsi, le 11 avril dernier, au bar à vin du Boutique Hôtel Bordeaux, quelque 180 «sweeters» (étudiants, blogueurs, vignerons et «sweet lovers») ont festoyé autour de ces breuvages, avec le DJ Nova et le collectif de «body painting» Skin Jackin en animation. Le 18 mai, la dégustation se passait à l'Eden, le salon de coiffure branché de la rue Sainte-Catherine.

Autre opération d'envergure et très tendance: les Dîners en blanc (qui fêtent en 2013 leurs vingt-cinq ans), ces rassemblements géants dont le lieu, culte (la cour du Louvre, le parvis de Notre-Dame, la place des Vosges…), est tenu secret jusqu'à la dernière minute. Pour la première fois, le CIVB en est partenaire cette année, à New York et Los Angeles.

Des cercles qui s'entrouvrent

Les événements ne sont pas l'apanage des interprofessions. Le caviste parisien Lavinia multiplie les rencontres entre ses clients et les vignerons (soirées à thème, dégustations) et le négociant Millésima, référence de la vente à distance de grands vins aux particuliers situé sur les quais de Bordeaux, vient de créer à l'occasion du salon Vinexpo son site événementiel, event.millesima.fr. Les visiteurs peuvent s'inscrire à des repas, visites et séminaires pour découvrir l'intimité du négoce et l'art de la dégustation.

La presse du vin, qui souffre financièrement depuis des années, mise également sur les rencontres entre lecteurs et vignerons, s'appuyant sur son expérience et sur la capacité financière des producteurs de vin, ces derniers voyant là des occasions d'approcher au plus près leurs clients.

Ainsi, depuis 2007, La Revue du vin de France a créé son salon. Pour Bénédicte Pauly, directrice événementiel du magazine du groupe Marie-Claire, il s'agit de «rentranscrire l'âme de la revue à travers des événements. Le Palais Brongniart, dans le deuxième arrondissement parisien, magnifie le vin.» Les 250 vignerons présentent quelque 1 000 références de vin et les visiteurs ont deux jours pour échanger et déguster. A 3 900 euros HT la table, l'opération annuelle est «certes une bonne affaire mais, surtout, elle humanise la revue et permet aux vignerons et aux lecteurs de connaître la rédaction, de croiser les journalistes. C'est un lien indispensable et accessible, à 23 euros l'entrée.» La dernière édition a enregistré environ 12 000 visiteurs. Le salon de La RVF s'exporte en Belgique (26 et 27 octobre prochain) et à Pékin (22 et 23 novembre).

l'agence de RP Bernadette Vizioz Communication, qui s'occupe notamment de Bettane et Desseauve, La RVF ainsi que Gault & Millau, explique que «les médias de hobby et de passion comme le vin fonctionnent encore à condition de devenir une marque, de “brander” un événement. Ce dont rêvent les consommateurs, c'est d'un contact direct avec le producteur.» C'est pourquoi elle organise des manifestations où ceux-là rencontrent ceux-ci: ventes privées de primeurs sur les Champs-Elysées, accès au grand public des auparavant très fermés Cercle Rive droite et Union des grands crus de Bordeaux.

Le Grand Tasting, lancé en 2006 par Michel Bettane et Thierry Desseauve, éditeurs du Grand Guide des vins de France (Editions de La Martinière), s'affiche comme l'événement incontournable du genre. Les 6 et 7 décembre prochain, ce salon réunira au Carrousel du Louvre amateurs et professionnels autour de 350 vignerons, avec d'animations de haut niveau (Master Class, accords mets et vins…). Des déclinaisons ont vu vu le jour, à Londres fin 2012 (London Wine Experience), à Hong Kong (5e édition en 2013) et à Shanghai. En 2014, le Brésil accueillira aussi cet événement.

L'infatiguable Hervé Bizeul, vigneron à Vingrau, dans le Languedoc-Roussillon, fait lui aussi le pari de la rencontre. Il réunit ses clients lors d'événements qu'il met en place lui-même: Paulée du Clos des Fées (du nom de son domaine) à Paris, dîners dans des villes de régions. «Le lien entre vigneron et consommateur est une relation d'amitié forte qu'il faut entretenir. Mes “amis” sont contents de discuter avec le chef de culture. Au lieu d'avoir une visite au domaine, c'est le vigneron qui se déplace en ville.»

Mais le projet le plus vaste est certainement la future Fête de la vigne et des terroirs de France, qui se veut le «premier grand rendez-vous de tous les amoureux de la vigne et du vin avec l'aide de l'ensemble de la filière vitivinicole française». Elle aura lieu chaque année dans le vignoble comme dans les villes. Avec pour objectif de faire de chaque Français un ambassadeur de la vigne.

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