Le voyageur mature a dans sa poche des outils ultraperformants pour imaginer et créer son voyage. Une révolution pour les agences et spécialistes du tourisme.

Aude a 28 ans. Elle est ingénieur et vit en couple à Paris. Tous les ans, elle part en voyage. Croatie en 2011, New York et Indonésie en 2012, Turquie et Brésil en 2013, plus des week-ends improvisés en Europe. Pour choisir ses destinations, elle discute avec ses amis et ses collègues, et consulte les guides Géo Book. Mais dès qu'il s'agit de finaliser son projet de voyage, pour le logement, elle consulte les avis sur le site Trip advisor et réserve sur Booking.com. Pour les vols, elle opte pour les comparateurs en ligne Ebookers, Opodo ou Liligo et, pour la location de voiture, pour les sites Auto escape ou Auto Europe. Tout au long de la planification de son escapade, elle consulte les forums de voyageurs: quelques mois avant pour les étapes et activités qu'elle souhaite faire et quelques jours avant pour des informations plus précises (lieux à visiter, moyens de transport...). Une fois partie, elle laisse son ordinateur à la maison mais prend son Ipad: "Aujourd'hui, tous les hôtels ou auberges de jeunesse ont le Wi-Fi, même dans les pays en voie de développement comme l'Indonésie. Cela nous permet de choisir l'hôtel pour la prochaine étape et de rester flexibles si l'on souhaite partir plus tôt, séjourner plus longtemps ou changer de destination."

Internet, tablettes, Iphones, réseaux sociaux, big data: c'est une sacrée révolution qui bouleverse les professionnels du tourisme! "Adultes et responsables", les nouveaux voyageurs succèdent aux voyageurs "enfants" qu'il fallait prendre par la main, puis aux "adolescents", ceux qui prenait des risques inconsidérés le guide du Routard en bandoulière.

 

Emergence de sites communautaires

Aude fait partie des 11% de Français qui voyagent en France et à l'étranger - 65% partent uniquement en France, 24% seulement à l'étranger, selon la société d'études Raffour Interactif (1). Et comme 40% des Français, elle possède une tablette. 60% des internautes ayant préparé leur voyage en ligne en 2012 possèdent un smartphone. Parmi eux, 43% ont utilisé leur téléphone pour leurs séjours.
IFTM-Top Résa, le grand rendez-vous de la profession qui se tiendra du 24 au 27 septembre prochain à Paris, ne s'y trompe pas. Parmi les sujets de ses conférences: "Le mobile to shop: un nouveau levier de croissance?", "Mieux vendre avec Internet", "L'agence connectée: les nouvelles solutions pour l'agence de voyages de demain"...  "Cette évolution est majeure, rappelle Guy Raffour, président de Raffour Interactif, tant elle change la relation entre les touristes, en situation de consommer sur place, et les propositions géolocalisables en temps réel que peuvent offrir les acteurs du secteur."

Sur la Côte d'Azur, municipalités, offices de tourisme et festivals ont tous leurs applications pour smartphones et tablettes. Ebookers propose une application de voyage tout-en-un, baptisée «Ebookers voyages: hôtels, vols, locations de voiture» et disponible sur Google Play et Itunes. L'application de réservation d'hôtels Hotel Tonight a atteint, pour sa part, plus de 6,5 millions de téléchargements.

Mais toutes ces merveilles technologiques ne font pas partir plus de gens en vacances.

Certes, depuis 2000, "ces outils ont aidé au développement du tourisme", assure Isabelle Falque, directrice communication et marketing chez Amadeus, premier fournisseur de logiciels dans ce domaine. Mais au final, il ne s'agit pour l'essentiel que d'un transfert des modes de réservation sur le Web et ce... sans intermédiaire, comme l'a fait Aude au Brésil, qui s'est adressée directement à une "fazenda" - ferme brésilienne qui propose des séjours tout compris - dont le devis (aux prestations égales, selon elle) était 50% moins cher que celui d'une agence de voyage française.

 

Internet, un outil de prospection

La tendance va même jusqu'à la création de sites communautaires, comme Opentrips.co.uk où chacun monte son voyage avec le concours de tous. Dans un registre plus haut de gamme, chez Twim Travel, "la conciergerie de vos voyages", sans boutique, les conseillers retrouvent les clients chez eux ou au café du coin pour des conseils sur mesure.

Face à cette révolution, la seule issue pour les agences de voyages classiques est l'expertise, comme le souligne Barbara Mauny, du Syndicat national des agences de voyages. Le voyageur a besoin "d'un professionnel joignable facilement, de conseils précis et de bons tuyaux". L'accueil à l'agence doit faire partie du voyage, avec des horaires souples et une ambiance déjà locale.

"Mais cela ne suffit pas!", tranche Jean-François Rial, président-directeur général de Voyageurs du monde, agence créée en 1996, pour qui Internet a radicalement changé sa relation avec ses clients. Avec, certes, du négatif (concurrence redoutable, surinformation, désintermédiation...) mais aussi et surtout du positif: "C'est un formidable outil de prospection. 40% de nos clients arrivent par le Net. Notre force, c'est de ne pas céder aux modes. On utilise les outils à bon escient. Réservations uniquement en agences, présence symbolique sur Facebook et application adaptée à nos clients: un carnet de voyage électronique avec cartes, bonnes adresses, etc. Demain, nous y ajouterons un GPS intégré." Avec ses 15 points de vente en France, à Montréal, Bruxelles et Genève, l'agence a enregistré une progression de 2,7% de son chiffre d'affaires en 2012 à 285,7 millions d'euros dans un contexte général difficile.

Demain, d'autres outils permettront aux agences d'être encore plus pointues, comme Amadeus Online Travel Trend, baromètre de business intelligence, qui montre à un instant t ce que les internautes sont en train de rechercher. Grâce à ce logiciel, les agences et voyagistes pourront proposer de façon précise des voyages à Aude en fonction de ses goûts et de ses envies. A condition qu'elle accepte de se faire guider...

 

(encadré)

 

Le touriste, premier acheteur sur la Toile


"Le tourisme en ligne est né au début des années 1990", se rappelle Guy Raffour, créateur du baromètre Raffour. La SNCF, Nouvelles Frontières, Degriftour, Gîtes de France sont parmi les premiers à avoir tâté du Minitel d'abord, puis du Web. Aujourd'hui, le tourisme est le premier secteur à utiliser la Toile en termes de préparation et de panier moyen. Ce secteur représente 35% du e-commerce. On estime à 16 milliards d'euros le chiffre d'affaires généré par le tourisme via le Net. En 2012, 18,6 millions de Français ont préparé leurs séjours en ligne et 60% des voyageurs y ont eu recours. Enfin, 13,6 millions de Français ont réservé tout ou partie de leurs séjours sur Internet en payant intégralement en ligne, soit 44% des Français partis en 2012.

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