Collaborations avec des grands noms de la mode, boutiques plus conviviales et gammes de produits repensées de A à Z… Accompagnée d’une nouvelle agence, la marque a opéré il y a cinq ans un virage radical qui a redynamisé ses ventes et qui lui permet aujourd’hui de fêter sereinement ses 160 ans.

Après avoir longtemps habillé les agriculteurs de la Beauce et équipé les marins bretons, la marque Aigle a totalement revisité ses collections et changé de positionnement. Elle cultive aujourd'hui une aura lifestyle en rupture avec l'axe autour duquel elle s'est développée: la fonctionnalité. Née en 1853 d'une idée de l'Américain Hiram Hutchinson qui créé la «Compagnie du caoutchouc souple» à Montargis, la marque «A l'aigle», ainsi baptisée en référence à l'aigle américain, commercialise alors bottes en caoutchouc et vêtements imperméables, qui équiperont rapidement la population rurale française.

En 1920, une deuxième famille de produits vient enrichir les gammes déjà existantes: les chaussures légères, idéales pour la pratique sportive, née du mélange de la toile et du caoutchouc. Pour communiquer sur cette ouverture à de nouvelles pratiques, les illustrations de l'époque mettent alors en scène les divers univers de la marque: la campagne, la ville, la mer, les sports. Des terrains de jeux qui se multiplieront dans les années 1980 avec l'extension à une nouvelle famille de produits: les vêtements.

Alors qu'aux Etats-Unis des marques comme Timberland ou Patagonia profitent de la croissance du marché des sports et de l'outdoor, Aigle fait le pari du succès de cette tendance en Europe et développe son offre. Désormais présent sur tous les territoires, mer, terre et montagne, la marque ouvre en 1989 sa toute première boutique à Saint-Germain-des-Prés. Cette première ouverture sera suivie en 1993 de l'internationalisation de la marque avec l'inauguration de sa première boutique à Tokyo.

Image vieillotte

Une stratégie qui, aujourd'hui, paye encore. «Le Japon est un pays où Aigle a aujourd'hui un nombre de points de vente analogue à la France, commente Laure Arnold, directrice marketing d'Aigle. Nous sommes aussi présents sur d'autres pays en plein essor, comme la Chine qui compte une centaine de points de vente et où nous prévoyons 20 à 25 ouvertures par an et la Corée.» Un territoire sensible au style français mais surtout à la promesse de protection des produits Aigle. Une promesse sur laquelle capitalise l'agence Alice, avec qui collabore la marque de 1991 à 2001, dans les campagnes Aigle.

Mais à l'orée des années 2000, la marque, devenue en 2003 la propriété du groupe suisse Maus Frères, souffre d'une image vieillotte. Elle s'offre en 2005 un nouveau concept de boutiques, signé Saguez & Partners, ainsi qu'un nouveau logo. Mais c'est en 2006 que les changements prendront une autre couleur avec le choix de l'agence BETC, et la sélection d'un  nouveau directeur artistique: Gideon Day, qui redynamiseront ses ventes.

«Aigle était identifié à la pratique outdoor, analyse Marielle Durandet, vice-présidente de BETC, en charge du budget Aigle. Ils avaient un catalogue produits éclaté sur différents territoires comme la montage, la mer, la campagne, le désert; leur besoin à l'époque était donc de parvenir à résumer Aigle autour d'une idée de marque, malgré la diversification de leur offre.»

BETC décide alors d'opérer un tournant stratégique. Fini les campagnes dédiées à chacun des territoires, l'agence propose de se recentrer sur ce qui fédère l'ensemble des gammes: la nature. «Il fallait que cette marque créé un lien plus affectif, plus émotionnel avec le consommateur», ajoute Marielle Durandet. Naît de ce constat la campagne «Pour la réintroduction de l'homme dans la nature». «Elle a redonné du statut à Aigle et lui a vraiment fait du bien», souligne Laure Arnold.

Héritage et nouveauté

Forte de cette nouvelle impulsion, Aigle repense ses gammes et laisse de côté les vêtements techniques pour développer des vêtements «plus polyvalents et plus casual» afin d'«être plus en phase avec l'air du temps», indique la directrice marketing. Pour faire le pont entre deux moments de l'histoire de la marque, BETC imagine alors en 2010 la campagne «At home in nature » qui présente des hommes et des femmes qui sont dans la nature comme chez eux. «Cette campagne assure la transition des produits, note Marielle Durandet, nous avons remontré des produits Aigle en gros plan et on a démontré que le style Aigle alliait héritage et nouveauté.»

La labellisation «style» des collections démarre, mais Aigle n'a pas vocation à devenir une marque de mode, comme l'explique Laure Arnold: «Nous ne voulons pas usurper ce que nous ne sommes pas, mais il est intéressant de s'associer à des marques qui ont une aura dans ce milieu et avec lesquelles nous partageons des valeurs communes.» C'est ainsi que la valse des collaborations commence en 2009 avec la réédition d'un modèle iconique de la marque, la botte Chantebelle, popularisée dans les années 1960, qui revêt des cristaux Swarovski.

Depuis, les partenariats se sont succédé jusqu'au tout récent Kit du Festivalier, imaginé par les très en vogue duo de designers Kitsuné et composé d'une paire de bottes et d'une cape. Un joli coup de projecteur sur la marque pour laquelle «ce type de collaboration permet de toucher une nouvelle cible et de nouveaux points de vente sélectifs», selon Laure Arnold. «Il nous faut susciter l'intérêt de nos clients cible de demain: des consommateurs jeunes et branchés», ajoute-t-elle.

Une cible à qui s'adresse aussi la collection capsule de la marque imaginée pour ses 160 ans: sept pièces éditées à 160 exemplaires et vendues uniquement dans deux points de vente parisiens. Une collection élitiste, réalisée en France et qui tranche avec la vague de démocratisation des bottes de pluie, devenues aujourd'hui un accessoire urbain. Surfant sur le phénomène de mode «déjà ancien mais qui connaît l'un des plus forts taux de croissance», comme l'affirme Laure Arnold, la marque fait la part belle à ses produits iconiques.

«Nous poussons cette dimension mode avec de nombreuses couleurs et nous la promouvons, en communication avec des campagnes produits mais aussi en magasins avec un bar à bottes» La botte est en effet le seul produit Aigle à bénéficier de campagnes propres, distillées entre des campagnes institutionnelles.

Mais si la marque fait les yeux doux aux modeuses, son cœur de cible est aujourd'hui la famille, comme en atteste la saga publicitaire «Portrait de famille» diffusée depuis trois saisons. Capitalisant sur la valeur d'héritage des produits Aigle, cette saga s'adresse «aussi bien au cousin à la pointe de la mode qu'à l'oncle chasseur», observe Laure Arnold. Une volonté de retrouver une aura patrimoniale qui se traduit aussi en points de vente.

Le flagship de la marque, à Saint-Germain-des-Prés, est ainsi la première boutique à avoir bénéficié d'une nouvelle identité pensée par Gideon Day, l'architecte Aigle Nadine Riberot et la designer Valérie Mazerat. «Ce magasin est une maison de famille, on y accueille nos clients comme on recevrait chez soi», confie Laure Arnold. Du sol recouvert de parquet aux trophées accrochés au mur, et des plantes vertes à la tapisserie, tout est fait en effet pour qu'on se sente chez Aigle comme à la maison.

Anaïs Richardin

 

Aigle en bref

1853: Fondation de la compagnie nationale du caoutchouc et naissance de la marque «A l'aigle».
1989: Ouverture de la première boutique de la marque.

1993: Ouverture d'un magasin au Japon.
2003: Rachat par le groupe suisse Maus Frères.
2005: Aigle quitte la Bourse.
290: Nombre de points de vente en Asie.

375: Nombre de points de vente dans le monde.

76: Nombre de points de vente en France.

70: Nombre de pays dans lesquels est présente la marque.

800 000: Nombre de paires de bottes fabriquées par an.

1 500 000: Nombre de paires vendues par an dans plus de 70 pays.

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