Autour de la Grande Bleue, la qualité de vie ne rend pas pour autant la vie facile aux publicitaires. Les indicateurs économiques ne sont pas au beau fixe. Chacun se bat chez lui mais aussi au travers d'associations professionnelles qui montrent que solidarité et communication font bon ménage pour lutter contre ces écueils.

Régulièrement, à Marseille, le landernau publicitaire s'agace de ces budgets locaux, institutionnels le plus souvent, qui rejoignent la capitale. La communication du nouveau Mucem, musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée dont les Marseillais sont si fiers, n'est-elle pas allée à l'agence parisienne Dream On, tandis que Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture, s'affichait sous la signature de Leg (rebaptisée Les Gaulois). Dernièrement encore, c'est la CCI Marseille Provence, censée représenter les entreprises locales, qui a retenu BDDP Unlimited, pour... assurer la promotion de son territoire.

«La pilule est dure à avaler, lance Guillaume Vigouroux, président de l'Union des conseils en communication Méditerranée (UCC Med). On ne nous a même pas rencontrés et pourtant les agences ne sont pas si nombreuses.» Effectivement, on compte tout au plus une dizaine de structures intégrant tous les services entre Montpellier et Nice. Et ces échappées de budgets institutionnels sont d'autant plus cuisantes qu'ils représentent une part importante de l'activité des agences locales: 40% en Paca et même plus de 50% en Languedoc-Roussillon. Car autour de la Méditerranée, le tissu économique n'est pas des plus porteurs: seules 0,4% des entreprises en Paca emploient plus de 100 salariés et le taux de chômage y est très élevé (11,7% en Paca, 14,8% en Languedoc-Roussillon contre 10,5% au niveau national).

Le marché est essentiellement constitué de PME «assez dynamiques même si elles ont peu de moyens et sont plutôt tournées vers le B to B», remarque Guillaume Vigouroux, par ailleurs patron de Marsatwork (3,8 millions d'euros de chiffre d'affaires, 33 salariés). Les grands comptes n'étant pas légion, les agences sont nombreuses à chasser au-delà de leur région, à Lyon et Paris notamment. Selon l'UCC Med, 35% du volume d'affaires en Paca est réalisé hors du territoire. Alex Lignières, directeur associés des Dissidents à Montpellier (1,5 million d'euros de chiffre d'affaires, 14 personnes), avance même «une proportion de 50%».

Publicis Activ est probablement la seule à détenir dans son portefeuille «80% de budgets implantés en Paca et Languedoc-Roussillon mais à résonance nationale». Eric Guilloux, qui dirige cette agence de 45 personnes prévoyant 4,6 millions d'euros de marge brute en 2013, en tire un jugement sans appel: «Ici, c'est comme nulle part ailleurs. Les honoraires sont divisés par trois par rapport à Paris et par deux par rapport à Lyon. De plus, 20 à 25% du business est à reconstruire en permanence.» Et encore peut-il se targuer de vendre du conseil, «grâce à un planning stratégique fort et à l'apport du groupe».

Patrons de PME

Guillaume Vigouroux le reconnaît: «Nous faisons beaucoup de production, il reste difficile de vendre du conseil.» Selon Jean-Marie Gallo, patron de l'agence Gazelle au Cannet et vice-président de l'UCC Med, la région niçoise semble mieux lotie: «A taille égale, les agences progressent ici de 5 à 10%. La pédagogie, conjuguée à l'effet Web qui met les PME à égalité avec les multinationales, nous sert. Nous ne luttons plus contre la télé.»

Mais le mode de travail n'a rien à voir avec celui de Paris, selon Eric Guilloux: «Nous travaillons beaucoup plus et ici, les patrons d'agence assurent eux-mêmes une bonne partie du développement.» Toutefois, pour Jean-Marie Gallo, c'est aussi un atout face aux mastodontes nationaux: «Nous avons affaire à des patrons de PME qui veulent avoir en face d'eux d'autres patrons de PME.» Les tentatives récurrentes, et peu fructueuses, des groupes nationaux, comme Havas 360 ou High Co, pour se développer sur place en témoigneraient.

Face à ces contraintes, les professionnels ont vite compris qu'il fallait se serrer les coudes. C'est ainsi qu'ils ont été les premiers, il y a une dizaine d'années, à créer leur propre association professionnelle, l'UCC Med, à l'image de l'AACC au niveau national. Forte aujourd'hui de 84 membres, c'est sur son modèle que sont nées l'UCC Alsace et plus récemment l'UCC Ouest. Né au cœur de la crise de 2002, le syndicat s'est vite mué en centre de formation pour les annonceurs, notamment institutionnels.

Si sa première prise de parole concernait les appels d'offres infructueux, sachant que 97% des consultations ne sont pas rémunérées, selon le baromètre de l'UCC Med, la croisade continue sur le terrain des collectivités et notamment dans le Languedoc-Roussillon (cf «Montpellier la surcotée», Stratégies n°1717). Christelle Coornaert, aux commandes de Sur le pont (600 000 euros de marge brute, 8 personnes) à Avignon depuis dix ans et spécialisée dans la communication publique est d'un précieux secours: «Nous savons nous battre et faire valoir notre travail, toutes les consultantes de l'agence ont une formation juridique.»

Que demande l'UCC Med? «Simplement que les bonnes procédures soient appliquées, explique Guillaume Vigouroux. Il faut en finir avec des compétitions qui réunissent une demi-douzaine d'agences voire plus, des budgets concentrés chez les trois mêmes et bloqués sur trois ans. La loi indique qu'on ne peut exiger de maquette sans rémunération, appliquons-la.» L'UCC Med a ainsi reçu en juin dernier le médiateur national des marchés publics, Jean-Lou Blachier, avec l'objectif de pousser à la publication d'une circulaire par le ministère de tutelle. En parallèle, un «Livre blanc pour les marchés publics» est en train d'être élaboré avec le jeune Cercle des dircoms Méditerranée. Cette mobilisation commence à porter ses fruits. «A Nice, la communauté urbaine lance désormais ses appels d'offres sur dossiers de pré-sélection», observe Jean-Marie Gallo.

Triumvirat

L'âpreté du marché incite aussi à la multiplication des associations professionnelles: Azur Pro Com dans les Alpes-Maritimes a remplacé les ex-Fenêtre sur Com' et Afrep 06, de même le Village de la com a été créé à Toulon en 2012. La même année naissait à Marseille Le Cercle des médias et de la communication et Primi, le «Pôle transmédia Méditerranée», intégrant l'ex-Medmultimed et qui fédère les producteurs de contenus. «Cette multiplication d'associations ne nuit pas à notre action, assure-t-on à l'UCC Med. Nous les considérons plutôt comme des “think tanks”, des réseaux locaux. Nous faisons désormais partie d'un triumvirat structurant avec le Club Média Méditerranée et le tout nouveau Cercle des dircoms Méditerranée.»

Pour ce dernier, une fois de plus, la région a donné l'exemple, puisqu'il s'agit d'une structure unique en France. Après plusieurs années de projets inaboutis pour créer ce cercle depuis Marseille, il a finalement vu le jour en juin dernier depuis Avignon, porté par Monique Ducasse, directrice de la communication du Conseil général 84. «Nous n'avions jusqu'à présent que des structures nationales telles que Cap Com ou Communication & Entreprises mais certains d'entre nous, employés par de petites entreprises ou associations, n'avaient pas les moyens d'y adhérer, explique-t-elle. Rompre l'isolement, créer du lien entre entreprises et agences, mutualiser des moyens», tels sont les objectifs du cercle qui compte déjà 72 adhérents.

 

(encadré)

Chiffres clés

 

On recense 600 acteurs dans la communication en Paca et Languedoc-Roussillon.

Paca

338 agences et indépendants dont 63 membres UCC Med

2 700 salariés (effectif moyen: 8 personnes par agence)

200 millions d'euros. Chiffre d'affaires total

119 agences globales de plus de 4 salariés (1 100 salariés)
39 agences digitales de plus de 10 salariés (512 personnes) et 67 agences digitale de moins de 10 salariés (305 personnes)

44 agences événementielles
17 agences de RP
22 conseil marketing
4 agences conseil médias

 

Languedoc Roussillon
110 agences et indépendants dont 17 membres de l'UCC Med

940 salariés (effectif moyen: 8,5 personnes par agence)
37 agences globales de plus de 4 salariés (350 salariés)

15 agences digitales de plus de 10 salariés (335 personnes) et 23 agences digitales de moins de 10 salariés (100 personnes)

16 agences événementielles
12 agences de RP

 

Source: UCC Med

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.