Depuis quelques mois, la France voit défiler dans ses rues «food trucks» et triporteurs, qui se multiplient comme des petits pains pour combler les besoins de consommateurs pressés et exigeants.

Ils ont fait leur gamme dans les rues parisiennes avant de convertir la plupart des villes françaises à leur religion, la «street food». Les «food trucks», ces camions itinérants qui proposent de la cuisine de qualité, à emporter ou à déguster sur le pouce, prolifèrent à vitesse grand V. Une version plus élégante et plus saine des populaires baraques à frites et autres camions à pizzas, pris d'assaut le dimanche soir lorsque l'envie de se mettre derrière les fourneaux nous quitte.

Cette pratique de la street food, ou cuisine de rue, en moins chic, est particulièrement répandue dans d'autres pays, comme les Etats-Unis. Ici, elle commence seulement à trouver sa place, après avoir bravé la fierté gastronomique des Français et la réticence clairement affichée des mairies. Cette mode a toutefois déjà réussi à s'imposer et à s'exposer dans les musées, avec «Ma cantine en ville», un voyage au cœur de la cuisine de rue présenté à la Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris jusqu'au 2 décembre.

 

Des offres de «fast good»

Des festivals commencent aussi à lui rendre hommage, comme le Street food international festival, soutenu par l'association Street food en mouvement, présidée par Thierry Marx qui milite lui-même en faveur de ce qu'il considère comme une «alternative à la malbouffe et un puissant moteur d'intégration dans la société». Un concours gastronomique utile pour montrer que 10 m2 ne sont pas un obstacle lorsque l'on souhaite proposer une alternative de choix au classique jambon-beurre.
C'est sous l'impulsion du Camion qui fume, inspiré des Etats-Unis, pays natal de sa fondatrice Kristin Frederick, que le burger s'est embourgeoisé en 2011 et que d'autres ont continué à creuser le sillon tracé par la Californienne, depuis sédentarisée au Freddie's Deli. Des cantines d'un nouveau genre qui s'adressent aux gourmets pressés et offrent des produits haut de gamme, faits minute, des viandes hachées à la main et des pains pétris par un artisan.

Ces nouvelles offres de «fast good», pour lesquelles milite le fondateur du Wagy Burger Bus, Ludovic Perraudin, titillent nos papilles pour une addition moins salée qu'au restaurant classique. Un ingrédient qui n'explique pas à lui seul le succès de la recette. L'offre pléthorique qui sort le consommateur de sa routine sédentaire et la visualisation du processus de fabrication de son sandwich au pastrami y contribuant aussi largement.

Si les premiers à avoir ouvert le bal avaient très clairement du sang de Yankees dans les veines et proposaient hot dogs, burgers et autres bagels, les cantines mobiles investissent désormais des territoires plus exotiques, à l'image des bo bun, dim sum et autres mets asiatiques servis au Camion Bol ou Mum Dim Sum, des empanadas du Clasico Argento ou des tacos du Daily Wagon Mexicano.

 

Une forme de concurrence déloyale

«En termes de restauration rapide, l'offre était très limitée en France comparée à d'autres pays comme le Royaume-Uni», constate Thibault Merendon, cofondateur de la trattoria itinérante Mozza & Co. Amoureux de l'Italie, il répond à un appel d'offres de la ville de Paris avec son associé Arthur Gambard, et obtient le sésame pour s'installer sur les berges de Seine.

«Beaucoup croient qu'il est facile de se lancer sur le créneau du food truck mais il ne faut pas faire les choses à l'envers, prévient Thibault Merendon. Il faut négocier les autorisations nécessaires avant d'investir dans le food truck.» Car la mairie de Paris voit d'un mauvais œil cette offre ambulante. Lyne Cohen-Solal, chargée du commerce, de l'artisanat, des professions indépendantes et des métiers d'art, défend le commerce traditionnel et explique avoir refusé plus d'une centaine de demandes d'emplacement cette année, car «ce n'est pas forcément beau et c'est une concurrence déloyale pour les restaurants classiques qui payent un loyer et des taxes».

D'autres villes sont toutefois plus conciliantes, comme Issy-les-Moulineaux où Ludovic Perraudin, déjà propriétaire du Comptoir de l'épicerie à Paris, paie un loyer mensuel de 1 800 euros pour stationner son Wagy Burger Bus au pied des rédactions et des sièges de grosses entreprises qui ont fleuri dans la ville. Il a même décroché un précieux sésame: l'exclusivité du lieu pendant cinq ans. Il occupe ainsi ce carrefour cinq jours par semaine, où il nourrit en moyenne 120 bouches par jour.
Important facteur de succès de ces néocantines, les réseaux sociaux sont le lien privilégié entre les consommateurs, qui ne se laissent pas effrayer par l'attente et le mauvais temps, et les chefs ambulants, qui y publient horaires et lieux de stationnement. Et pour ceux qui souhaitent se faciliter la vie, de nombreux sites proposent des cartographies en temps réel de l'emplacement des food trucks. Pour être sûr de ne pas louper sa bouchée de bonheur, c'est sur Pouet-pouet.com ou Easyfoodtruck.com que tout se passe.

 

 

Sous-papier

 

La «folie truck»

Le food truck fait fureur et sa propagation est source d'inspiration pour des entrepreneurs qui déclinent ce concept de commerce itinérant à d'autres besoins d'urbains pressés. Qui aurait pu croire que la marque Barbe Bleue, qui vend des vêtements via des camions-boutiques, serait le précurseur d'une véritable mode?

Aujourd'hui pourtant, des versions «hype» de la boutique itinérante sillonnent les rues des grandes agglomérations et offrent vêtements vintage et objets chinés. Mais loin du Bibliobus de notre enfance, certains trucks proposent de plonger le temps d'une pause dans un univers étudié pour répondre à tous les besoins.

 

Un «beauty van»

C'est le cas du Boudoir des Cocottes, un «beauty van» qui offre, aux pieds des bureaux, beauté des mains, épilation, maquillage et coiffures express à des prix très doux.

Déjà à l'origine de la première agence de communication itinérante, Zoum Zoum Communication, Ingrid Corny et Estelle Bembaron, inaugurent leur boudoir à la rentrée 2013. Actuellement en discussions avec des villes comme Levallois-Perret ou Nanterre pour obtenir l'autorisation d'installer leur van tout de rose fardé, les fondatrices sillonnent depuis deux mois Paris et sa banlieue sur invitation d'entreprises qui leur offrent emplacement et électricité.

Avec à son bord deux esthéticiennes et une coiffeuse, le Boudoir des Cocottes s'installe pour la journée entière et peut être privatisé selon le forfait choisi pour un montant qui varie entre 300 et 2 000 euros.

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