Cet article d’anticipation projette dans un futur proche des tendances et programmes déjà existants en 2014. Dans dix ans, les objets connectés seront devenus monnaie courante, chaque individu en utilisera une dizaine par jour…

Article initialement paru en avril 2014 dans le cadre du dossier sur les objets connectés.

 

En se levant, un des premiers réflexes de Noa est de faire un petit check-up santé personnalisé sur son Iphone 10. L'appli mobile Check your Health, une exclusivité cobrandée Apple et Withings, relayée à son bracelet connecté qu'il porte jour et nuit, lui donne en un coup d'œil, sur son écran, quelques données clés: la qualité de son sommeil cette dernière nuit, son taux de cholestérol, les calories brûlées la veille, le nombre de kilomètres parcourus lors de son footing hier soir, l'évolution de sa masse musculaire et de son poids, le nombre de cafés consommés…

 

Noa n'est pas très inquiet pour sa santé. Habitué à suivre ses indicateurs santé au quotidien, il n'oubliera pas de montrer son Dashboard, le tableau de bord qui synthétise ses données, à son médecin lors de sa prochaine visite médicale, grâce à sa tablette enroulable Galaxy Mini 7. Mais, en attendant, il continuera de lui envoyer une fois par mois un résumé sous forme de «datavisualisation». Prudent, Noa a par ailleurs pris soin de passer par la start-up ADN Vision (autorisée en France depuis 2018) pour le décryptage de son ADN, lui permettant ainsi de connaître ses prédispositions à certaines pathologies.

 

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Son Dashboard, sa mutuelle en a aussi connaissance, depuis que Withings, start-up française devenue toute puissante dans la santé connectée après avoir racheté sa concurrente américaine Jawbone pour plus de 7 milliards de dollars, a signé en 2018 un partenariat avec les principales assurances et mutuelles de santé. L‘accord avait alors suscité une controverse chez les défenseurs de la vie privée et les «bioluddites», ces opposants au tout-technologique lointains héritiers des «électrosensibles» du début des années 2000.

 

Noa, né en 1995, est de la génération des «digital natives». En 2025, les objets connectés sont devenus monnaie courante, chaque individu en utilise en moyenne une dizaine par jour. Le bracelet de Noa intègre également son badge d'entreprise. Lui-même, enfant, a vu la montée en puissance de ces accessoires connectés à Internet en permanence et des écrans omniprésents dans les principaux lieux de vie, de la cuisine à la voiture jusque sur soi. Suite à des études classiques d'ingénieur, Noa a opté pour un des métiers les plus porteurs: pilote de drones. Il passe ses journées à piloter à distance, depuis une cabine, des avions sans pilote.

Totalement immergé dans ce monde hyperconnecté, Noa refait le plein de victuailles en quelques clics sur son réfrigérateur connecté. Au petit-déjeuner, quelques mots-clés prononcés à voix haute («Café serré», «Jus de pamplemousse-banane») suffisent à lancer la machine à expresso et celle à smoothies. Désormais, l'électroménager et l'ensemble de la domotique dans la maison, tout comme les ordinateurs, fonctionnent par commande vocale et gestuelle. On est bien loin des balbutiements de la Kinect de Microsoft et de Siri, l'antique système de commande vocale de l'Iphone…

 

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En revanche, Noa n'a jamais été adepte des Google Glass. De toute façon, les lunettes connectées commercialisées par la firme en septembre 2014 n'ont pas connu le succès attendu. D'autant que, comme certaines applications à caractère intrusif, elles ont vite été mises en vente sur des plates-formes pirates. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui a gagné en pouvoir de sanctions depuis la réforme de 2016 sur la protection des données personnelles, a tôt fait d'en encadrer très fortement l'usage en France.

 

En mangeant son petit-déjeuner traditionnel, un luxe auquel il reste attaché – pain bio et confiture qu'il se fait livrer chaque mois par un drone d'Amazon depuis l'Auvergne – il contemple l'horizon et la Seine depuis le vingtième étage de son immeuble situé à Vitry.
Après une douche rapide, il opte pour des vêtements au style neutre: pantalon Brook Brothers, polo en matière thermochauffante de Benetton, qui a pour avantage d'adapter sa température à la météo du jour.

 

Pour son rendez-vous de ce matin, il transmet depuis son smartphone l'adresse où il doit se rendre au moniteur de sa voiture autonome: l'ordinateur de bord lui suggère plusieurs parcours au choix. Ce matin, il mettra sa Tesla 2000 en pilotage automatique. Quand il est en forme, il conduit pour garder le coup de main et active les fonctionnalités «conduite sportive». Une fois dans l'automobile, il met son oreillette connectée Bose. Elle lui permet de prendre connaissance de ses mails et d'accéder à ses playlists musicales en dictant ses choix à voix haute. Le système d'exploitation (OS) intelligent lui indique son agenda du jour, jusqu'à la séance de squash planifiée avec son ami Christophe, pour le soir même.

 

Grâce au réseau 6G, il reçoit sur son smartphone en un clin d'œil la simulation vidéo et l'infographie du vol qu'il devra piloter à distance cet après-midi. Il s'agit d'une flotte de 20 drones qui doivent livrer la petite ville de Saint-Martin-Vésubie, l'une des portes d'entrée du parc national du Mercantour, dans les Alpes-Maritimes. Avec le développement accéléré de l'urbanisme ces dernières années, nombre de retraités ont repeuplé ces villages et petites villes de montagne, leur assurant une nouvelle vie économique.

 

Ce soir, Noa compte aussi bien profiter de son temps libre avec Eva, sa petite amie (trop) souvent en déplacement pour conseiller ses entreprises clientes un peu partout en Europe. Cette juriste de haut vol, spécialisée en protection de la vie privée, a choisi un métier prometteur, détecté dès 2013 par l'agence américaine Sparks & Honey parmi les vingt professions d'avenir. Conseillère en gestion des données personnelles auprès d'entreprises, elle assure également des missions d' archiviste de vie numérique pour des particuliers. Elle les accompagne pour archiver et trier les amas d'informations à leur sujet reprises sur la Toile.

 

La gestion des datas est aujourd'hui devenue cruciale pour tout individu connecté. Les entreprises et start-up spécialisées dans les objets connectés ont compris dès le début des années 2000 que le vrai enjeu derrière les nouveaux services de «quantified self» tiendrait dans les données relatives à leur santé que les individus collecteraient, voire partageraient. Bon nombre ont accepté de les partager pour accéder à de nouveaux services gratuits. Apple a lancé en 2015 son bracelet connecté, puis son service phare Health Book, un carnet de santé virtuel que la plupart des acteurs du marché ont adopté comme norme. Facebook a pour sa part ouvert en 2020 un nouveau réseau social, Facebook Health, pour la data santé et le partage d'informations sur divers symptômes.

 

Face à cette nouvelle «extimité», telle que l'a définie le sociologue Serge Tisseron dès 2010, les frontières de la vie privée ont commencé à reculer, même si les individus, notamment les digital natives comme Noa, éduqués aux nouveaux usages des réseaux sociaux, savent faire en sorte que ce qui doit être vraiment privé le reste. Dans la lignée de Snapchat, des plates-formes permettent d'échanger de manière anonyme, cryptée ou éphémère des contenus très personnels. Mais, désormais, ces outils pour conserver le secret sont presque tous payants.

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