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Beaucoup de digital, une bonne dose d’alternance et d’innovation… Voilà les secrets des bac + 5 en communication qui cartonnent en termes d’insertion. Enquête.

Article initialement paru en avril 2014 dans le dossier Emploi et forlmation : les secrets des cursus anticrise.

 

« La Bérézina ! Entre septembre 2012 et 2013, le marché du recrutement de jeunes diplômés dans la communication a connu un fléchissement important, constate Sacha Kalusevic, directeur senior au sein de la division digital, marketing & communication de Page Personnel. Mais depuis la rentrée 2013, il envoie à nouveau des signaux positifs. » D'autres experts de l'insertion confirment que la situation est plutôt en voie d'amélioration : « La sortie de la promotion 2013 a été moins compliquée que celle de la précédente, raconte, sous couvert d'anonymat, un responsable d'école. À la rentrée précédente, beaucoup d'agences avaient déposé le bilan. Du coup, pas mal de nos stagiaires se sont retrouvés le bec dans l'eau. » Cela a pu poser problème en particulier à des étudiants engagés dans des stages longs ou même en alternance.

 

Un rempart contre le chômage

 

Si le contexte s'est plutôt amélioré, il y a aussi des règles intangibles : première d'entre elles, rappelée récemment par l'enquête du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) sur la génération 2010, le diplôme constitue un rempart contre le chômage. Les bacs + 5 et plus pâtissent peu de la détérioration du marché du travail et 76% d'entre-eux ont accédé à un premier emploi en moins de trois mois. Et, trois ans après la fin de leur cursus scolaire, ils sont près de neuf sur dix à travailler, dont huit en CDI. Donc, première règle, dans la communication comme ailleurs, pour accroître ses chances de décrocher un précieux contrat à durée indéterminée, il vaut mieux pousser ses études jusqu'à bac + 5.

Toutefois, même à ce niveau de formation, on constate d'importantes disparités. Certains enchaînent stage sur stage, à la sortie de leur cursus, quand d'autres sont embauchés avant même d'avoir terminé leur formation. Comment maximiser ses chances d'insertion ? Quelle spécialisation faut-il choisir ? Quelles sont les modalités de formation (temps plein ou alternance) qui fonctionnent le mieux ?

 

Un univers de débouchés

 

Le secret des bac + 5 qui affichent les meilleurs taux d'insertion sont ceux qui font la part belle au digital. Soit ces cursus sont 100 % dédiés au numérique, soit ils comprennent des options « digital ». Comme le master « Communication digitale » de l'École de communication Paris (ECS), le master 2 « Médias informatisés et stratégies de communication» du Celsa ou encore le cursus « Communication et création numérique » de l'Iscom. « La filière digitale, c'est là où il y a les débouchés, c'est là qu'il y a le meilleur taux de placements des étudiants et de plus en plus », note Philippe Cattelat, directeur de Sup de pub.

 

>> Lire : le dossier Emploi & formation : les secrets des cursus anticrise

 

À l'école de la communication de Sciences Po (180 diplômés par an dont 120 en communication), l'approche est différente, comme l'explique son directeur Jean-Michel Carlo: « Il n'y a pas de diplôme en "digital", mais le numérique est au cœur de nos masters communication et marketing. Il y a du digital dans toutes les matières et des blocs de cours entiers dédiés : e-commerce, gestion de la réputation... Aujourd'hui, c'est un must le digital, c'est comme parler anglais.»

 

Au-delà de l'esbroufe digitale

 

Même philosophie à SciencesCom (groupe Audencia), qui diplôme 110 étudiants chaque année : « Nous nous sommes longuement interrogés sur le sujet mais le digital est partout par nature, nous avons fait le choix de mettre du numérique partout, dit Olivier Pohardy, responsable spécialisation communication des entreprises et des institutions de SciencesCom. Nous avons d'abord vocation à former de très bons professionnels de la communication. Plus ça bouge, plus les technologies évoluent, plus nous devons donner aux étudiants la capacité de gérer ce mouvement permanent. Au-delà de l'esbroufe digitale. »

 

Le Celsa est sur la même longueur d'ondes : « Les métiers de la communication ont évolué et la communication dans son ensemble ne peut pas passer à côté des réseaux sociaux, note Véronique Richard, la directrice du Celsa. D'ailleurs, il y a du numérique dans tous nos masters mais l'on essaye de former avant tout des gens adaptables, je ne crois pas que la technologie soit un handicap. D'autant que selon la taille de leur future entreprise, ils seront plus ou moins dans l'opérationnel ou la stratégie. »

 

Cet engouement pour le digital se retrouve bien sûr chez les pure player, les écoles du Web, ces nouveaux établissements qui ne forment qu'à ces métiers émergents. Dans ces écoles, les étudiants peuvent être recrutés avant leur fin d'études et leurs indemnités de stage s'envolent bien souvent.

 

Alternance et apprentissage, facteurs d'insertion

 

Le digital ne suffit pas à assurer une bonne insertion. L'autre facteur décisif, c'est l'alternance. « Dans cette période de crise, le cocktail qui fonctionne bien pour les bac + 5 : marier l'innovation, le digital, le management de la marque et l'alternance, note Virginie Munch, directrice de l'Institut supérieur de communication et publicité (Iscom). C'est ce que nous constatons dans nos deux meilleures formations à bac + 5, qui affichent entre 83 et 85 de taux d'insertion à six mois depuis plusieurs années. Les étudiants y alternent quatre jours en entreprise et une journée à l'école. » Qu'il s'agisse d'un contrat d'apprentissage, formule assez contraignante pour les employeurs (prise en charge des frais d'études, rémunération plus élevée qu'un stage) ou d'une formule plus légère, où l'étudiant alterne entre stages de trois ou quatre jours en entreprise et cours à l'école.

 

L'alternance est un facteur important pour améliorer l'insertion : tout le monde s'y converti. « Depuis quatre ans, nous avons généralisé l'apprentissage dans nos masters 1 et 2, et le taux de transformation en contrat (CDI ou CDD) est bien meilleur à la sortie, constate Arnaud Colleu, directeur de l'ECS Paris. Sur 300 étudiants, 250 sont passés par cette formule. Au départ l'apprentissage intéressait plutôt les groupes mais maintenant même les agences s'y mettent. »

 

Au Celsa, dans chacune de ses spécialités, l'école essaie d'offrir le choix entre une formation au régime classique et en apprentissage. Les taux d'insertion des formations en apprentissage sont supérieurs, en général de 5 à 10 % : ainsi son master Innovation et création de contenus médiatiques affiche 100 % de taux d'emploi à six mois, à 83 % en CDI.

 « À Sciences Po - École de la communication, 40 étudiants par an se tournent vers l'apprentissage et leur insertion est à la fois meilleure et plus rapide, souligne Jean-Michel Carlo. Et puis du fait qu'ils ont su mener de front études et emploi, ils peuvent sembler aux recruteurs plus solides que les autres étudiants. »

 

Quand il n'y a pas d'alternance, l'accent est mis de toute façon sur les stages longs : « À l'Iseg marketing & communication school, il y a six mois de stage obligatoire en dernière année », détaille Marc Drillech, directeur général de Ionis Education Group. Chez Sciences Po école de la communication, 80 % des étudiants suivent dix-huit mois de stage avant leur arrivée sur le marché de l'emploi et plus d'un étudiant sur deux prend une année de césure pour faire des stages. Exemple aussi avec le master « Journalisme, Médias Numérique et Brand Content » de Sup de Pub, les étudiants sont à l'école un lundi sur deux et suivent sept semaines de séminaires réparties au fil de l'année.

 

Multiplier les stages c'est bien, à condition qu'il y ait une articulation cohérente entre ces différentes immersions en entreprises : « Il faut bâtir un parcours de stages, comme on construit un parcours de carrière, avec un enchaînement logique, si possible une montée en compétences progressive sur une expertise, le community management par exemple », recommande Sacha Kalusevic de Page Personnel.

 

Le réseau, première source de recrutement

 

L'alternance, comme la multiplication des stages pendant la scolarité, accroît bien sûr les chances de se faire embaucher in fine, car comme le rappelle une étude réalisée par Sup de Com auprès des recruteurs : chez les professionnels de la communication, le réseau est la première source de recrutement, loin devant les autres (30%). L'embauche via une école (directement ou suite à une alternance ou un stage) arrive en deuxième position, soit 25,9%. Tisser des liens, se faire connaitre, cultiver son réseau dès l'école, autant de bonnes façons de contourner le monde sans pitié du marché du travail dans la communication.

 

« Pour chaque offre d'emploi publiée sur les fonctions marketing/communication, nous recevons 500 à 600 CV, et les entreprises préfèrent naturellement se tourner vers des profils surqualifiés, au détriment des jeunes diplômés, analyse Sacha Kalusevic. Le marché de l'emploi dans la communication est très "caché" et cela fonctionne beaucoup par le bouche-à-oreille ».

 

Du coup, mieux vaut ne pas rater les opportunités quand elles se présentent. Et les écoles font des efforts pour favoriser l'acculturation des étudiants dans les entreprises. « Cette socialisation au monde de l'entreprise dépend à la fois du nombre de stages, de la diversité des stages dans l'univers professionnel (grande/petite entreprise), précise Marc Drillech. Nous faisons en sorte que nos étudiants soient des professionnels avant d'arriver dans le monde professionnel. Nous travaillons avec des coachs, lors de séminaires de quatrième ou cinquième année sur la compréhension de la personnalité des autres et de soi-même, la capacité de conviction, l'état d'esprit, comment éviter d'avoir la grosse tête... L'un des objectifs importants d'une cinquième année est de profiter de ses six mois de stage pour efectuer du repérage afin de trouver un CDI. À ce stade-là, l'attitude et le relationnel sont très importants.

 

Les formations qui brillent par leurs taux d'insertion mettent aussi l'accent sur l'entrepreneuriat ou « intrapreneuriat ». « Chaque étudiant ne peut quitter l'école sans avoir travaillé sur le projet de fin d'études : site, application, événement... Un vrai projet de A à Z, qui est aussi parfois le moyen de créer son propre job », précise Marc Drillech. Que les écoles de communication se positionnent sur le créneau de l'innovation n'étonne pas Virginie Munch, de l'Iscom : « Les communicants sont bien armés pour fédérer les projets d'innovation dans les entreprises. »

 

Une pédagogie innovante

 

Tous ces établissements se distinguent aussi par leur pédagogie innovante : travail en mode projet, « hackaton » (défis de développement) ou week-ends challenge... Et le renouvellement de leurs programmes. Ainsi, SciencesCom (groupe Audencia) s'apprête à ouvrir en décembre prochain, une spécialisation "Manager en stratégie digitale" dans le cadre du cycle master (bac+5). Une formation en alternance qui accueillera quinze étudiants.
Autre tendance émergente à Sup de Web, la création de cursus tournés totalement vers le mobile : l'école va ouvrir un master « mobile factory » à partir d'octobre, qui abordera aussi bien les aspects techniques, marketing, contenu...

 

L'Iseg proposera cet été à une cinquantaine d'étudiants de suivre un « code camp », pour s'initier pendant un mois aux rudiments du code et de la programmation... L'Iscom prépare, pour sa part, à la rentrée 2014/2015 un programme de cinquième année, baptisé « International global communication », entièrement en anglais, destiné à former des jeunes capables d'accompagner des marques globales... À Sciences Po - École de la communication, 40 % des étudiants sont étrangers, et l'établissement propose des cursus tout en anglais sur la communication (master in communication), 25 % des étudiants trouvent leur premier job hors de France. En termes de débouchés, l'étranger représente après le digital, le deuxième eldorado des étudiants en communication.

 

Graphique : A quoi mènent les écoles de communication ? 

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