L’épineuse question des données personnelles et de leur protection est au cœur du big data. Sans relation de confiance entre les marques et les consommateurs, la source exponentielle de datas pourrait finir par se tarir.

A chaque nouveau scandale, ou fuite de données personnelles, tel le récent piratage subi par Orange, les consommateurs prennent un peu plus conscience de la valeur des traces qu'ils laissent sur Internet. Cookies, ciblage comportemental, géolocalisation et tout ce qui permet aujourd'hui d'engranger de la donnée pour mieux personnaliser les offres et la communication des marques a redessiné le contour de la sphère privée. Si les datas sont considérées comme l'or noir du XXIe siècle, force est de constater que ce ne sont pas les consommateurs – qui produisent ce précieux pétrole – qui en voient la couleur.

Pire, l'inquiétude concernant l'utilisation de ces données se fait sentir: 80% des Français estimaient ainsi en 2013 que la confidentialité de leurs données personnelles n'était pas correctement assurée sur Internet (source BVA). Paradoxe: ils étaient également 70% à déclarer ne pas vouloir modifier leur façon d'utiliser les outils numériques. L'adage «si le service est gratuit, c'est que vous êtes le produit» semble être ainsi parfaitement intégré par les consommateurs, qui ne sont pas prêts à sacrifier leurs comptes Gmail et autres services optimisés par la personnalisation sur l'autel de la protection de leurs datas.

Le VRM redonne le pouvoir aux individus

Il faut dire que le flou juridique règne et que les citoyens ne savent pas vraiment ce qu'encourent les entreprises qui iraient trop loin. Alors qu'un projet de réforme sur les données personnelles a été adopté en mars par le Parlement européen, il faudra attendre la position du Conseil en juin pour aboutir à une publication au Journal officiel en décembre et une application du règlement par les Etats d'ici 2016.

En France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a émis une recommandation concernant les cookies, et l'Interactive Advertising Bureau (IAB) Europe a publié un site d'information et d'aide au contrôle de ces logiciels espions. Mais la transparence ne suffit pas, et rendre aux individus la propriété de leurs données semble être indispensable à l'instauration d'une relation de confiance profitable à tous.

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Le mouvement de cession des données détenues par les entreprises aux individus concernés est même en marche avec le Vendor Relationship Management (VRM). «Le VRM est une lame de fond qui prolonge la révolution d'Internet en redonnant du pouvoir aux citoyens», indique Yan Claeyssen, directeur général d'ETO (Groupe Publicis). Ce CRM inversé permet au consommateur d'avoir accès et de gérer lui-même ses datas pour mener des appels d'offres sur des plates-formes ad hoc et obtenir les meilleurs prix et le meilleur service, calibré pour ses besoins.

Un élément différenciateur comme un autre

Aux Etats-Unis, «des tiers de confiance sont en train d'émerger, de même que des logiciels pour exploiter ses données et permettre aux consommateurs de se les réapproprier », note Yan Claeyssen. Outre-Manche, le gouvernement Cameron a donné un coup de pied dans la fourmilière en 2011 avec «Mi Data», une initiative incitant les entreprises des secteurs bancaire, énergie, distribution, etc., à rendre à leurs clients les données commerciales qui les concernent pour que ceux-ci puissent les piloter via des applications.

>> Lire : le dossier Big Data : l'or noir du XXIème siècle

En France, la Fondation Internet nouvelle génération (Fing) s'est lancée sur le sujet avec «Mes infos», une expérimentation durant laquelle 300 personnes ont eu accès aux données que six grandes entreprises détenaient sur eux, alors que Mediapost (La Poste), a annoncé le lancement imminent de sa base de données VRM.

Mais le VRM n'a pas que des adeptes. Pour Elias Baltassis, directeur Big Data & Analytics au Boston Consulting Group, il serait même «contreproductif, car trop compliqué à gérer en raison de la nature variée des données». Cet expert préconise «un système de label à plusieurs gradations qui pourrait devenir un élément différenciateur, tout comme le prix». Et le consommateur aurait tout le loisir de placer le curseur où il le souhaite et de choisir à quel type de relation il consent avec la marque.

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