C’est lui qui sort la carte bancaire pour régler ses courses. Pour connaître les us et coutumes de ce client connecté, annonceurs et agences misent dorénavant sur le shopper marketing. Une expertise qui porte de nombreux acteurs du marché.

Comment le client choisit-il son point de vente ? Pourquoi change-t-il d’avis lorsqu’il est en magasin ? Comment est-il influencé par ce qu’il découvre ? Pourquoi zappe-t-il d’une marque à l’autre ou choisit-il un produit qu’il n’avait pas inscrit sur sa shopping list ? Avouons-le, ces questions ne sont pas nouvelles, mais les temps ont changé. Le consommateur français a modifié en profondeur ses comportements d’achat. Le voilà connecté. Entre 2005 et 2013, le chiffre d’affaires du e-commerce a été multiplié par 6 et le nombre de cyberacheteurs, 33,8 millions en 2013 par 2,5. De nouveaux concurrents sont apparus, des pure-players, comme Amazon qui se fait chaque jour plus menaçant.

 

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L’avènement du digital plus globalement pousse le commerce physique à évoluer. Les comportements d’achat se font plus complexes, le client plus infidèle et imprévisible. Il devient urgent pour les marques et les enseignes de mieux le comprendre, l’identifier et le cerner, qu’il achète en boutique ou sur le Web. Cette mission incombe au shopper marketing.


Placer le client au centre


Cette pratique, qui fait florès outre-Atlantique, vise à élaborer des messages et des offres adaptés aux comportements du consommateur en situation de sélection et d’achat. Elle s’appuie notamment sur les traces numériques laissées sur le Net par les internautes et les informations stockées sur lui dans les bases de données. « Il faut placer le client au centre de sa démarche, accorder davantage d’attention aux comportements effectifs qu’aux déclarations », indique Jean-Marc Mégnin, directeur général de Shopper Mind (Altavia). Le shopper marketing permet à partir des attentes du client d’identifier les freins et les incitations à l’achat. »


D’autres continuent à utiliser le bon vieux terme de marketing client. « Pour les uns et les autres, il est question d’avoir une vision globale de l’acheteur, de connaître l’intégralité de son parcours multicanal, d’identifier et de comprendre les différents moments de vérité qui vont déclencher l’achat afin d’y d’apporter une réponse globale et cohérente », complète Jean-Marc Drubay, président de l’IMPP, entreprise experte en category management, une science du comportement d’achat en magasin. Un shopper est un individu dont la mission est l’achat, l’approvisionnement, poursuit-il. Il peut arriver que le consommateur qui détruit le bien et l’acheteur soient une même et unique personne, mais ce n’est pas toujours le cas. Sur qui faut-il agir pour augmenter les ventes ? Le consommateur ou le shopper ? La réponse à cette interrogation réoriente les décisions et les dépenses marketing. »


Variante de la réflexion marketing – il s’agit toujours de comprendre les attentes et les comportements du client – le shopper marketing ne réclame pas en soi le développement de nouvelles compétences au sein des équipes. En revanche, la multiplication des supports et des canaux, la montée en puissance du digital, l’émergence du shopper connecté rendent la compréhension du parcours d’achat, question déjà épineuse lorsque le parcours était linéaire, encore plus difficile.


Tous panélistes


Face à cette complexité, les instituts d’études ont affiné leurs méthodologies et leurs outils. « Le shopper marketing est un sujet porteur, d’autant que si l’acte de consommer est bien connu, l’acte et le parcours d’achat l’est beaucoup moins », rappelle Frédéric Nicolas, directeur Shopper Insights d’Information Resources, Inc. (IRI), pour qui la compréhension du shopper est aujourd’hui un enjeu majeur pour les marques, surtout dans le secteur non-alimentaire où les évolutions sont les plus rapides.


Les enquêtes se multiplient. Dans le cadre du « Printemps des études » qui s’est tenu en avril dernier au Palais Brongniart, Syntec Études a présenté la troisième édition de ses « Idées pour le futur », soit 17 projets pour mieux comprendre le consommateur citoyen et orchestrer des prises de décision plus rapides et efficaces. Leur point commun : transformer tout un chacun en panéliste. Maximiles Panels entend ainsi révolutionner le recueil des données via son Mobile Research Notebook, un mobile ou une tablette qui collecte tout type de données comportementales, texte vidéo, son, codes-barres, QR, géolocalisation, et de les remonter en temps réel.


Avec Toluna Mobile Mission, l’institut spécialiste des études on line propose une application offrant à l’utilisateur la possibilité de donner en quelques images et clics son avis sur un magasin, une publicité ou un programme télévisé, tandis qu’Ifop développe, avec Vizmo, un pack d’études destiné à interroger à la demande un échantillon de mobinautes en 24 ou 48 heures, afin d’obtenir des résultats infographiés et interactifs trois heures après la fin du terrain.


Enfin, BVA a présenté le prototype de sa GlassApp, une application de reconnaissance d’image et d’inter­- action avec le consommateur. Elle permet grâce aux Google Glass de comptabiliser, localiser et qualifier les points de contact entre un individu et une marque. Et ce quelle que soit la nature du support (annonce presse, affichage, écran, in-store, packaging).


Pour Frédéric Nicolas, ces nouvelles solutions répondent aux demandes des clients qui souhaitent des outils plus simples, souples et rapides. Il met cependant en garde contre le « quick-and-dirty ». En français, le vite fait, mal fait, une pratique grandissante qui consiste à commander aux instituts des enquêtes très factuelles reposant essentiellement sur des verbatim. « Alors que les informations disponibles sont en pleine explosion, l’utilisation qui en est faite est de plus en plus pauvre. Le sens et l’expertise comptent moins que la rapidité. »
La sphère des études est loin d’être la seule à être impactée par le développement du cross-canal et l’impérieuse nécessité d’une plus grande expertise shopper. Dans les agences de communication, publicitaires, opérationnelles, digitales ou design, la digitalisation du shopper et du commerce fait bouger les lignes. « Le marché devient hybride, tant dans les formats des agences que dans les équipes. Aujourd’hui, la question de l’agence n’est plus de savoir si elle propose 80 % de savoir-faire technique ou 80 % de conseil, mais comment elle accompagne la mutation digitale de ses clients. Va-t-elle vendre de l’immatériel ou de l’industriel ? », s’interroge Catherine Michaud, présidente de la délégation Customer Marketing de l’AACC. Le développement de l’application de commande en ligne de McDonald’s par DDB illustre bien cette tendance. L’heure est à « l’hybridation ». Ce qui implique que différents types d’entreprises vont travailler ensemble. « Il nous faut repérer les start-up qui travaillent sur de nouveaux usages, les incuber et les accompagner en matière de marketing », complète Catherine Michaud.


Raisonner en parcours client


L’évolution du marketing client vers le marketing shopper est incontestablement due à l’avènement du digital. Le point de vente n’est plus un passage obligé. Il faut donc être capable de raisonner en parcours client, essayer de penser en scénarios, utiliser l’intelligence de la data. Ce qui implique de nouvelles offres et de nouveaux talents. « Dans cette optique, nous avons enrichi les équipes de profils différents, comme un dataplanneur, c’est-à-dire un planneur stratégique capable de connecter les données. Nous misons également sur les consumerdatas, dont la mission est de comprendre les comportements des cibles actuelles et futures », indique Édouard de Pouzilhac, cofondateur de l’agence interactive 5e Gauche.
Et d’ajouter que si le retail ne ménage pas ses efforts pour accompagner le shopper dans son parcours d’achat, en témoigne le développement des applications chez Monoprix et Sephora ou encore le C-Où de l’hyperconnecté Carrefour, une étape cruciale doit encore être franchie : celle qui touche à la réalité de la gouvernance en silo des entreprises. Une organisation contre-productive à l’heure où le digital impose partout la transversalité. Partagé par tous, cet avis devrait réjouir les cabinets de conseil en management et organisation. Un énorme marché s’offre à eux.

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