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Spécialiste en retail marketing, Integer est considérée par Advertising Age comme la meilleure agence de promotion américaine. Marc Ducnuigeen, président du réseau à l'international, explique sa conception du shopper marketing et revient sur les enjeux du marché.

Marc Ducnuigeen, 49 ans, est président du réseau Integer à l’international. Cette filiale de TBWA Worldwide, basée à Lakewood dans le Colorado, est l’experte en retail marketing ou «marketing du dernier mètre» du groupe Omnicom. Integer a été créée en 1993 à Golden (Colorado) dans les locaux du fabricant de bières Coors Brewing Company. Le département marketing, comprenant une centaine de personnes, était censé développer les ventes de Coors. Puis, très vite, Integer a pris son indépendance et son essor. La société de 1 200 salariés est aujourd’hui installée dans vingt-quatre villes du monde entier, dont Paris.
Integer possède dix-huit bureaux en dehors des États-Unis, pour mieux accompagner ses clients dans leurs pérégrinations planétaires. Parmi eux : (Kellog’s, Procter & Gamble, Johnson et Johnson, Nissan, Pepsi Cola, Michelin, Carrefour…). L’éventail de sa clientèle est large : commerces, biens de grande consommation, boissons, produits de beauté, services après-vente automobiles…
Marc Ducnuigeen fidèle depuis 17 ans à Integer a fait ses premiers pas dans le métier dans les bureaux de Leo Burnett à Chicago. Il s’y est frotté aux géants Kellogg’s et Procter & Gamble. Les années ont passé mais ce professionnel suit toujours de très près le compte Procter & Gamble. Il en est même le chief client officer.


Quand vous travaillez pour des grandes marques comme Procter & Gamble, comment vous différenciez-vous de vos concurrents ?

Marc Ducnuigeen. Nous posons toujours la même question aux représentants des grandes marques avec qui nous discutons. Savez-vous qui achète vos produits ? Prenons l’exemple des rasoirs. Les hommes les utilisent, mais souvent ce sont les femmes qui les achètent. Le fabricant doit savoir qui vraiment passe à la caisse, comment le consommateur achète. Notre travail s’inscrit dans ce qu’on appelle le continuum du client. Nous suivons l’ensemble de son parcours commercial. Nous sommes là quand le consommateur réalise qu’il a besoin d’acheter, toujours là quand il achète, puis lorsqu’il utilise le produit et se sent prêt à recommencer. C’est ainsi que l’on détermine où la marque doit concentrer le plus d’argent et d’efforts.


Y a-t-il dans ce parcours commercial des étapes plus importantes que d’autres ?

M.D. Il faut comprendre la phase qui précède l’achat. Où et quand le client effectue-t-il ses recherches ? Ensuite, quand il est dans le magasin, nous l’accompagnons dans chaque allée pour comprendre comment il arbitre entre deux à trois articles différents. Nous voulons cerner les barrières à l’achat. Cela peut être, par exemple, le prix. Si nous parlons de produits courants – papier toilette, rasoir, lessive, etc. – le client se rend facilement en magasin pour les acheter. Mais une fois qu’il est sur place, il faut lui donner le désir d’acheter votre marque. Ce qui suppose une bonne communication sur l’emballage.


Pas besoin d’intervenir avant ?

M.D. Si. Prenons l’exemple de la lessive. De plus en plus de femmes utilisent leur portable pour comparer les offres de Walmart, Target… Elles regardent les prix, les quantités, les senteurs, puis font leur choix. Nous devons comprendre ce comportement et nous adapter. Autre exemple, l’achat d’un nouveau téléphone. Les choix sont nombreux : le magasin Apple, la boutique ATT, l’antenne Sprint, Verizon… Le challenge cette fois est de faire venir le client dans votre magasin. Et pour ce faire, les marques feront de gros efforts promotionnels qui toucheront le consommateur avant son entrée dans la boutique.


Les commerçants se plaignent aujourd’hui du showrooming. Les clients viennent voir les produits en magasin, puis passent commande sur Internet. Que conseillez-vous ?

M.D. Travailler son information et ses prix. Quand le magasin propose une télévision à 2000 dollars, toutes les informations doivent être là. Le client ne doit pas trouver sur Internet plus de détails. Il faut aussi avoir une stratégie de prix très intelligente, proche du plus bas prix sur le marché. Si de l’autre côté de la ville, le même modèle coûte 1 900 dollars, vous pouvez peut-être vendre le vôtre 2 000 dollars, avec un très bon service et une livraison immédiate. Vous pouvez aussi mettre en place une promotion unique à votre magasin. Le client qui dépensera 2 000 dollars ici aura droit à une remise de 100 dollars sur son prochain achat.


Utilisez-vous les statistiques pour comprendre les consommateurs ?

M.D. Grâce aux programmes de fidélité, nous comprenons mieux les clients. Nous apprenons que ceux qui achètent le produit A ont tendance à acheter B et C. Donc, nous ajustons les campagnes de promotion. Nous regardons aussi le panier moyen d’achats et nous calculons combien il faut dépenser pour faire croître ce panier. Nous étudions enfin les comportements en magasin. Les nouvelles technologies permettent de mesurer la fréquentation, le temps passé dans certaines allées. Quand les consommateurs entrent dans une boutique avec leurs portables, on peut les suivre à la trace. Nous ne connaissons pas leurs noms, ils sont anonymes, mais nous pouvons ainsi suivre les mouvements de mille personnes et créer une carte de leurs comportements. À un certain moment, on finit par avoir trop de données chiffrées, on est surinformé : il faut s’arrêter.


Internet a révolutionné votre univers. Comment voyez-vous l’avenir ?

M.D. Nous travaillons dans un monde très dynamique, même les pays émergents bénéficient des avancées apportées par le téléphone portable. La Russie, le Brésil, les pays de l’Asie du Sud-Est, beaucoup de ces pays ont sauté par-dessus la phase PC et Internet. Ils sont passés directement à l’étape smartphone. Tout va plus vite dans les pays émergents. Que fera-t-on ensuite ? On est toujours en train d’essayer de nouvelles technologies, la NFC (Near Field Communication), la technologie iBeacon d’Apple… pour que l’expert en marketing sache exactement où le client est, dans le magasin. Nous avons justement un laboratoire à Dallas, très tendance, pour tester les nouveautés : écran tactile, menu digital, lunettes Google, etc. Tout ne marchera pas forcément. Les lunettes Google sont critiquées, on parle à leur propos d’invasion de la vie privée. Mais il faut quand même les essayer et voir comment les choses évoluent. Souvenez-vous des premiers iPhones, leurs tailles, leurs formes et leurs capacités limitées. Maintenant vous pouvez faire tellement plus avec votre iPhone !


Le retail marketing est-il devenu plus important que les dépenses marketing en télé et média traditionnels ?

M.D. Je ne pense pas, la télé occupe toujours une grande place dans les budgets marketing. Mais les dépenses en retail marketing progressent beaucoup plus vite. Le cabinet conseil Deloitte a réalisé une étude qui montre que l’ensemble des dépenses marketing progresse de 2 % par an, mais le poste shopper marketing croît, lui, de 21 %. Les marques dépensent de plus en plus pour conclure la vente. Les publicités classiques qui assurent du trafic en magasin, sans augmenter les ventes ne marchent pas. Il faut être sûr de contrôler les trois dernières marches du processus de vente.


Comment analysez-vous le marché français du retail marketing ?

M.D. Le marché français est différent du reste du monde car la France a un nombre important de grandes surfaces dans l’épicerie et autres catégories. Ces grandes surfaces représentent 85 % du commerce. Ce phénomène a un impact sur le comportement d’achat. Le client est très influencé par les promotions. Le commerçant doit donc investir beaucoup en innovations pour garder ses clients et en attirer de nouveaux.


Vous dites que le Français est sophistiqué…

M.D. Il demande beaucoup, il recherche la solution idéale : réaliser le meilleur achat et avoir le plaisir de l’expérience shopping. Ce client sait faire ses recherches en ligne puis acheter en magasin. Les marques sont pour lui importantes. Dans un marché où le luxe est partout, même s’il ne peut s’offrir Hermès ou Chanel, il va acheter leur parfum.


Vous avez créé une typologie du client français ?

M.D. Nous avons 4 types différents : le fidèle, à la recherche de promotions et de récompenses ; le consommateur impliqué qui se fait l’avocat de certaines marques en ligne ; l’exigeant qui ne s’intéresse à une marque que si elle tient ses promesses et le féru d’éthique qui se sent plus citoyen que consommateur.


Quels sont les projets français d’Integer ?

M.D. Nous travaillons déjà avec de grands commerçants, comme Darty et Maisons du monde. Nous essayons de leur proposer des idées innovantes. Par exemple, nous allons bientôt lancer le bouton Darty. C’est le premier outil connecté post-tail pour améliorer le service à la clientèle. 

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