Creux de la vague, baisse d'inspiration, difficultés à survivre à son charismatique gourou-fondateur Steve Jobs… les supputations inquiètes ne manquent pas à propos d'Apple, qui serait en manque d'innovation. De fait, ces dernières années, la firme s'était imposée sur les plus hautes marches du podium autant par ses innovations technologiques que par sa mécanique marketing, capable de rendre désirable tout produit avec un positionnement à la lisière du luxe.
Comme tous les GAFA, Apple a beaucoup d'argent, de quoi explorer de nouveaux territoires: «Le groupe a un trésor de guerre en cash, et une capacité d'investissement inégalée», remarque Philippe Pestanes, associé chez Kurt Salmon. En 2013, il réalisait 174 milliards de dollars de chiffre d'affaires, pour un bénéfice net de 37 milliards. Assurément, la firme de Cupertino consolide son écosystème fermé, basé sur son magasin Itunes, son App Store et ses terminaux, qui permettent de consommer des contenus numériques. Un modèle d'intégration verticale dont se sont inspirés ses trois compères des «Big Four» d'Internet. Apple rend l'utilisateur captif par la facilité d'usage de ses appareils et logiciels: «C'est un univers dans lequel le consommateur trouve ses habitudes et ne parvient pas à en sortir», explique Philippe Pestanes.
Toujours plus de briques à l'édifice
Mais ces derniers mois, la marque à la pomme y a ajouté de nouvelles briques. L'acquisition de la société Beats fin mai, pour 3 milliards de dollars, lui permet d'ajouter à son offre musicale Itunes «un service de streaming et d'achat par abonnement», précise Leslie Griffe de Malval, analyste chez Fourpoints IM. Bien vu, alors qu'Itunes et son système d'achat à l'unité était en perte de vitesse face à Deezer et Spotify.
Apple pousse aussi son service Icloud de stockage distant de données. Un outil de fidélisation imparable: «Cela “force” la fidélité, car nous avons toutes nos données chez eux», précise Leslie Griffe de Malval. Là aussi, conjugué à Itunes, Apple sait quelles applications et quels albums de musique vous achetez. «Plus il a des contenus et plus il a des datas, plus il pourra cibler et faire de la publicité la plus précise possible», poursuit l'analyste.
Autre brique à l'édifice, l'élargissement futur de son écosystème aux objets connectés. Ainsi le 2 juin, lors d'une Keynote, Tim Cook dévoilait Health Kit, un kit de développement d'applis mobiles autour des objets connectés pour la santé, ainsi qu'Home Kit, pour la domotique. En attendant l'arrivée probable d'une montre connectée, l'Iwatch, en septembre. Les marques et les agences vont pouvoir y greffer leurs propres services, comme sur l'App Store (voir Stratégies n°1773).
Une efficacité redoutable
Enfin, Apple commence à imposer ses capteurs Ibeacon, un outil de géolocalisation d'une efficacité redoutable dans les points de vente. Depuis le lancement de son IOS 7 en septembre 2013, couplé à des capteurs disposés dans les magasins, sur les applis mobiles de marques mises à jour, Ibeacon permet de créer un statut «in-store». La marque peut ainsi localiser le consommateur dans le magasin de façon précise, et lui envoyer des messages en mode «push» (alerte automatique). Apple joue ainsi les intermédiaires entre le client et la marque via l'Iphone et son système. Un nouvel outil de ciblage personnalisé, d'autant que «l'Iphone est un identifiant unique du client qui entre en magasin», rappelle Cyril Vart, associé chez Faber Novel. Exemple, la nouvelle application mobile Regent Street est liée aux balises Ibeacon dont sont dotées toutes les boutiques de la célèbre rue commerçante de Londres. En la sillonnant, les utilisateurs de l'appli reçoivent des informations de la part des commerçants. L'avenir du shopping connecté?
(encadré)
Chiffres clés
174 milliards de dollars. Chiffre d'affaires 2013
37 milliards de dollars. Bénéfice net.
60 milliards. Nombre de téléchargements générés par Itunes.
8 000 salariés et 416 Apple Store dans le monde.
