Silicon Valley
En fanfare ou en silence, elles ont révolutionné certains usages du smartphone ou s'apprêtent à le faire. Zoom sur huit start-up et entreprises de la Silicon Valley qui réinventent le mobile.

Yo déploie sa nouvelle formule magique

 

Révolution pour les uns, aberration pour d'autres, le succès de l'application Yo, née en avril 2014, a fait jaser. Le principe, envoyer à des contacts un message minimaliste : « Yo ». En septembre 2014, Yo comptait 1 million d'utilisateurs mensuels et 100 millions de « Yo » échangés. Elle est désormais évaluée entre 5 et 10 millions de dollars et a levé, en juillet 2014, 1,5 million de dollars.
Simpliste, Yo cherche aujourd'hui à s'associer à d'autres services. En août, la start-up a par exemple lancé Yo Developers API, un système permettant de relier l'envoi d'un « Yo » à une autre commande. Ainsi, il est maintenant possible de recevoir un « Yo » lorsque Chelsea marque un but ou pour tout nouvel article du Washington Post publié sur tel ou tel thème. Il suffit pour cela de s'abonner gratuitement à chaque service proposé. Ce type de message express a le vent en poupe. IFTTT, une autre start-up locale montante, met désormais à disposition des usagers des services du type envoyer « Yo » pour régler son chauffage connecté à distance ou éteindre ses lumières. Pour le monde du marketing mobile, l'avantage énorme de Yo est sa fonction Push Notification. Les « Yo » apparaissent automatiquement sur l'écran du téléphone ou de la tablette, un peu comme les SMS. Efficace, mais intrusif. Reste donc à l'utiliser de façon pertinente... et parcimonieuse.

 

Expect Labs mise sur la voix

 

« Taper avec deux doigts » et « naviguer à travers des menus » sur un petit écran tactile, voici ce qui énerve Timothy Tuttle, fondateur et CEO de la start-up originaire de San Francisco Expect Labs. Le credo de son entreprise : « d'ici deux à cinq ans, les claviers vont perdre du terrain » au profit de la reconnaissance vocale et du « contextual computing », la capacité des appareils connectés à comprendre ce qui les entoure. Les assistants à commande vocale comme Siri ou Google Now savent déjà naviguer parmi les fonctions d'un smartphone. Mais la plateforme MindMeld API développée par Expect Labs permet d'intégrer une fonction de requête sur commande vocale au sein même d'une application, d'un catalogue de produits en ligne ou d'une bibliothèque de vidéos. Surtout, l'entreprise se vante de proposer des résultats à l'usager avant même qu'ils n'ait lancé une recherche, grâce à « l'écoute passive » par l'appareil et à la « recherche prédictive ». Exemple : au cours d'une discussion, personne ne se souvient « du nom du film dans lequel Bill Muray est océanographe ». Le smartphone suggérera automatiquement La Vie aquatique. Toutefois, c'est le marché de la voiture intelligente et celui de la maison connectée que vise Expect Labs. La start-up va aussi « aider à créer des outils permettant de mieux chercher dans les grands volumes de données », sous l'impulsion de l'un de ses investisseurs : In-Q-Tel… le fonds d'investissement du renseignement américain.

 

Secret préserve l'anonymat


Six mois après le lancement de son application, en janvier 2014, Secret avait levé 35 millions de dollars ; la start-up de San Francisco vaut désormais 100 millions de dollars. Manifestement, les utilisateurs ont été séduits par le service proposé : envoyer anonymement des messages à un réseau d'amis, eux aussi rendus anonymes. Sur Secret s'échangent en effet (fausses) rumeurs, confessions et humour. C'est un peu le contre-pied d'un Facebook, nominatif et aux e-réputations soignées. Ou d'un Twitter dont les messages, édités au minimum sous pseudo, sont publics. Secret n'est pas la seule appli du genre : Whisper, son aînée, est sa plus proche concurrente. Le succès récent des deux applications illustre l'engouement pour les réseaux sociaux anonymes, notamment auprès de la jeune génération (18-24 ans). Cette mode titille logiquement les annonceurs, mais ils peinent encore à trouver comment exploiter ces réseaux avec subtilité et rester visibles dans un univers où l'anonymat est le maître mot. En outre, pour être viable, Secret devra éviter deux écueils majeurs. D'abord juridique – les plateformes anonymes sont un terrain propice au harcèlement et aux contenus abusifs – puis technique, en garantissant effectivement la protection de l'identité de ses usagers – cet été, au Royaume-Uni, des chercheurs ont découvert une faille et révélé le nom des auteurs de certains posts.

 

Kwarter réinvente la télévision


L'avenir de la télévision passe par le mobile et l'implication du spectateur. C'est la conviction de Kwarter, start-up de social TV gaming, créée à San Francisco par deux Français en 2011, Carlos Diaz et Sam Hickmann. Alors que 88% des téléspectateurs américains pianotent sur leur smartphone ou tablette pendant les émissions (et sans lien avec elles), Kwarter permet de connecter le consommateur aux contenus des deux écrans, aux marques et à la communauté des spectateurs, grâce à une « expérience mobile interactive » en temps réel. Imaginez : la télé diffuse un match, tandis que la tablette propose une appli avec quiz en temps réel, sondages, sélection de tweets, jeux pour gagner une pizza... C'est un peu ce qu'a fait Kwarter pour les playoffs de base-ball de 2012, en partenariat avec le géant américain de l'audiovisuel Turner. L'appli a rassemblé jusqu'à 100 000 usagers simultanés. Depuis, Kwarter a levé 4 millions de dollars auprès de T-Mobile, et travaille désormais en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. Ces premières années ont aidé à comprendre que les possibilités de la plateforme sont multiples, mais nettement plus appropriées aux cérémonies (Oscars, Grammy Awards, etc.), aux émissions de sport et de téléréalité qu'aux films et séries. Mais il reste difficile de monétiser le service proposé par Kwarter, qui vise à engager le spectateur, alors que le modèle économique de la télévision repose sur la publicité, rémunérée selon l'audience. Kwarter a donc renoncé à l'idée première de vendre son service aux chaînes, pour négocier aujourd'hui directement avec les annonceurs, qui ont généralement un budget médias dans lequel la start-up trouve sa place.

 

McDonald's comble son retard


C'est « pour être connecté à la culture de la Silicon Valley », attirer ses « talents du numérique » et baigner dans l'écosystème local des grands groupes, des start-up et des investisseurs que McDonald's a ouvert cet été un tech hub en plein coeur de San Francisco, à quelques pas de Twitter, Uber et bientôt Spotify. C'est « l'un des outils mis en oeuvre pour soutenir l'accent que nous mettons sur le numérique et sur une stratégie qui soit davantage centrée sur le consommateur », explique Atif Rafiq, Chief Digital Officer du groupe depuis l'automne 2013. Des anciens de Paypal, Facebook, AOL ou encore Yahoo ont déjà été recrutés dans l'équipe californienne, pour travailler notamment sur la stratégie mobile. En parallèle, l'équipe nationale chargée du digital s'étoffe. Mais le volontarisme de McDonald's envers le marketing mobile est d'autant plus affiché que l'enseigne, en avance sur ce plan en France, est en retard aux Etats-Unis. Par exemple, l'option de paiement via l'application mobile dans les restaurants n'est encore qu'en phase de test dans 22 sites de Colombus (Géorgie). Une seconde application qui offre des réductions (mais ne permet ni de commander ni de payer par smartphone) est également testée, dans 1000 restaurants (Californie, Oregon, Washington DC...). C'est donc par grandes enjambées que la marque a récemment décidé d'avancer. Pour la Coupe du monde de football, par exemple, McDonald's a créé une application mobile innovante : en scannant leurs boîtes de frites – relookées pour l'événement – les consommateurs étaient invités à jouer à un match de foot virtuel mettant en scène leur paquet de frites et les objets qui les entourent. Et dès le lancement d'Apple Pay, en septembre, la firme a annoncé que le service était utilisable dans tous ses restaurants.

 

Twitter teste le click and buy


Depuis septembre, Twitter expérimente auprès de quelques consommateurs une option d'achat direct, « en quelques clics », depuis son application mobile. Des tweets publicitaires diffusés dans la timelime des utilisateurs intègrent un simple bouton Buy sur lequel cliquer pour en savoir plus et/ou passer à la caisse. Plusieurs marques, ONG et groupes de musique sont partenaires de ce test. Twitter stockera les informations de paiement et de livraison pour faciliter les achats suivants. Le système pourrait faire gagner du temps au consommateur, qui achètera surtout sans quitter l'appli ! « C'est un premier pas dans les fonctionnalités (...) que nous développons pour rendre pratique, facile et amusant l'achat depuis les appareils mobiles », explique le groupe. Faciliter la vie de l'acheteur en ligne est crucial. Facebook a lui aussi lancé un test pour une option d'achat depuis les publicités qu'il diffuse. Jusqu'ici, il était possible d'acheter via ces deux réseaux, par exemple en répondant à des posts ou tweets avec certains mots ou hashtags. Le succès limité de ces initiatives antérieures semble inciter les deux géants à revoir leurs copies en avançant avec prudence.


Walmart Labs crée l'e-liste de courses


Walmart, le mastodonte américain de la grande distribution (473 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2013) est résolu à défendre sa place, à l'ère du e-commerce. Depuis sa création, en 2011, dans la Silicon Valley, Walmart Labs, le centre de R&D de l'enseigne, a absorbé 14 start-up et planche sur les moyens de combiner shopping en ligne, hors ligne et mobile. Exemple avec l'appli de l'enseigne qui permet, entre autres, de régler ses achats en magasin, mais aussi de créer des « smart-listes de courses » sur son téléphone. Plus que des pense-bêtes, celles-ci sont capables de localiser les produits dans le rayon des magasins alentours, de trouver des bons de réduction numériques (qu'on n'oubliera plus chez soi) ou de suggérer des produits. Autre option : proposer au client de comparer le prix de chaque article payé en magasin avec celui de la concurrence, et créditer la différence en bons d'achat sur son compte d'utilisateur. En incitant les clients à scanner un code-barres ou un QR code sur son ticket de caisse, Walmart collecte au passage des données sur leurs achats physiques, généralement difficiles à tracer, qu'il peut désormais relier aux données de leurs profils en ligne.

 


Tinder organise les rencontres 3.0


10 millions de « matches » et 850 millions de « swipes » par jour : Tinder n'en finit pas de grimper. L'application de rencontres géolocalisées née fin 2012 à Los Angeles bouscule la rencontre en ligne traditionnelle. La clé du succès ? Une appli 100% mobile, une interface hyper efficace et quelques ingrédients simples mais typiques de l'usage actuel du smartphone. Parce qu'elle repose sur votre position GPS et parce que les comptes Facebook et Tinder sont associés, l'appli présélectionne les inscrits situés à proximité de vous, et indique affinités ou amis communs. Autre point fort : la liste des rencontres potentielles est présentée sous forme de « cartes » minimalistes : essentiellement une photo, un nom, une baseline de profil. Les cartes jugées intéressantes doivent être glissées (swipe) à droite, sinon, à gauche. Quand deux personnes se sont mutuellement choisies, elles ont un « match » et peuvent chatter. Sans qu'aucun de ces ingrédients ne soit révolutionnaire, Tinder aura réussi à démocratiser le « swipe » et à rendre populaires et ludiques la rencontre en ligne et le « last-minute dating ».

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