Brand content
Daniel Bô, PDG de l'institut Quali-Quanti, vient de publier «Brand content stratégique, le contenu comme levier de création de valeur». Il explique à Stratégies comment ce nouvel enjeu de développement pour les marques est un exercice qui comporte de nombreux défis.

Le brand content dépasse le marketing et la communication. Il est devenu incontournable pour donner du sens aux marques, enrichir l'offre, émerger sur le web, alimenter la parole des dirigeants, exister dans l'espace public, fédérer les collaborateurs, être considéré par les médias, rayonner à l'international. Pour Daniel Bô, PDG de l'institut Quali-Quanti, qui publie en partenariat avec Via Alternativa «Brand content stratégique, le contenu comme levier de création de valeur» (*), réussir sa stratégie de contenus – au-delà d'une démarche purement tactique et opportuniste – suppose de relever dix défis.

1. Définir le territoire éditorial
Il s'agit d'expliciter l'arrière-plan culturel de la marque avec un univers éditorial qui enthousiasme le public et donc concilier l'intérêt du consommateur et le lien avec la marque. Une solution est d'associer plusieurs piliers de contenus, comme Havana Club, conseillé par M&C Saatchi GAD, qui traite simultanément des mojitos, du vieux rhum et de la culture de la Havane. Leroy-Merlin, de son côté, épaulé par Textuel la Mine, a trois axes éditoriaux: la passion de la maison («Du côté de chez vous»), la passion du faire avec des tutoriaux bricolage, et la pédagogie de la consommation. Définir un positionnement éditorial consiste aussi à identifier l'ambition, les angles, le ton, les aspérités, les valeurs et l'univers stylistique du contenu.

 

2. Associer le contenu à la marque
En brand content, la marque est éditrice du contenu et le revendique. Ce n'est pas un partenariat superficiel. Le public doit ressentir l'implication de la marque, la sincérité de sa démarche, l'adéquation marque/contenu. Cela se traduit par une masse critique d'opérations convergentes dans la durée. Oasis, avec son agence Marcel, rebondit en permanence sur l'actualité avec ses fruits anthropomorphiques. La capacité de renouvellement, le soin apporté aux détails, les moyens promotionnels révèlent l'extrême engagement d'Oasis dans ses contenus. Avec son blog Quiestlemoinscher.com, E.Leclerc milite depuis plus de dix ans pour le pouvoir d'achat. Picard, lui, démontre depuis des années, visuels appétissants à l'appui, le potentiel gastronomique des surgelés. Une stratégie de brand content réussie doit entretenir un lien génétique avec la marque tout en étant autonome. Les marques éditoriales, comme «Du côté de chez vous» de Leroy-Merlin, «Lançez vous!» de Castorama ou «Hiking on The Moon» par Quechua, imitent les médias existants et favorisent cette émancipation.

 

3. Emerger face à une inflation de contenus

Avec la croissance exponentielle des contenus disponibles, il est difficile d'émerger. Privilégier qualité, originalité et ciblage est important mais ne suffit pas toujours. Ecrans publicitaires, partenariats et outils d'amplification sont très utiles pour gagner en visibilité. Les formats courts diffusés en «paid media» sont très efficaces, à l'instar d'Oasis avec les extraits de ses contenus via les écrans publicitaires. Coca-Cola Zero s'est associé à la puissance d'un Melty pour faire connaître sa Gaming Zone. Display, pré-roll et liens sponsorisés peuvent relayer des bandes-annonces ou des extraits de brand content. Le native advertising place directement des contenus au sein des grands médias.

4. Choisir le bon canal et le bon moment
Face à la tentation d'utiliser tous les canaux, les marques ont intérêt à s'ancrer sur un canal stratégique identitaire: le magazine papier pour Nespresso (Lagardère Custom Publishing), You Tube pour les tutoriels des marques de maquillage, Facebook pour Oasis ou le site Villaschweppes.com pour Schweppes… Vis-à-vis d'un public hyper-sollicité, il faut veiller à assurer un accès facile et rapide en privilégiant les moments de réceptivité. Le kit Always est envoyé par La Poste à la veille des règles des jeunes filles. Buffalo Grill propose sur un set de table en papier des jeux pour occuper les enfants en attendant les plats.

5. Tirer parti de la dimension sociale
La caisse de résonance des réseaux sociaux assure une visibilité à Oasis, marque suivie par plus de 3 millions de fans. Interagir avec le public via des appels à contribution ou des communautés apporte une parole vivante, authentique et utile. Champomy conseille avec Astuces-de-maman.fr pour les anniversaires et sorties. Nicorette fait témoigner en vidéo d'anciens fumeurs. Kiloutou, conseillé par Grenade & Spark, favorise le partage d'expériences entre professionnels de la construction sur son Wikimat.

6. Déployer un catalogue de contenus

Pour exister, la marque doit suivre un calendrier éditorial et constituer une bibliothèque de contenus. Une marque qui édite un blog a intérêt à regrouper certains articles sous forme de livre blanc. Red Bull a constitué un catalogue d'images de sports extrêmes diffusées à de multiples occasions. Benetton a su créer, via son entité Fabrica, un patrimoine culturel et alimenter des dizaines d'expositions dans le monde, comme le Centre Pompidou en 2006 avec Les Yeux ouverts.

7. Réussir l'internationalisation

Les marques disposent d'une base de contenus qui peut être traduite ou adaptée à l'international avec des coûts limités. Le site de L'Oréal consacré aux looks de stars, Get the Look (réalisé par Webedia), est présent dans 14 pays. Baby-Center, le site consacré à l'accompagnent des parents de bébés, est édité par Johnson & Johnson en onze langues et touche quelque 34 millions de mères. Il importe de s'adapter à la culture locale, d'être en symbiose avec chaque zone géographique. Une multinationale comme IBM a déployé, avec son agence Ogilvy, son programme éditorial Smarter Planet sur l'intelligence des réseaux en s'adaptant aux médias locaux. IBM a cocréé des contenus avec Le Monde, Le Figaro, Les Echos et Europe1.

8. En faire une activité et monétiser le contenu
Quand le brand content devient une activité à part entière, l'avantage est triple: économie sur le contenu, ventes de produits liées à ces contenus, augmentation de l'attractivité financière de l'entreprise. Si le contenu a de la valeur, on doit pouvoir le monétiser par la vente d'espace publicitaire (Villa Schweppes ou Baby Center), des abonnements (le coaching Weight-Watchers en ligne), la vente de contenus (les City Guides Louis Vuitton réalisés par BETC Content ou les programmes TV proposés aux chaînes du monde entier par Red Bull Media House), la vente de services (L'Atelier BNP Paribas ou l'Echangeur by Laser)…

9. Avoir une vision élargie de l'efficacité

Evaluer le brand content passe par une série d'indicateurs classiques (effets sur les ventes, impact sur l'image et la relation avec les consommateurs, efficacité médias, etc.). Il faut aussi accepter les variables du temps et du hasard et s'ouvrir à de nouveaux indicateurs. Si le contenu est stratégique, il génère avec le temps des richesses insoupçonnées: rencontres, opportunités, influence sur son environnement, retours symboliques, etc. Interpellés par les campagnes Benetton et son magazine «Colors», de nombreux artistes, tels Jeff Koons et Peter Greenaway, ont collaboré gratuitement avec la marque. Ce qui les attirait, c'était la profondeur de sa démarche. Convaincus de l'intérêt éditorial de ces collaborations, certains médias offraient leurs pages. Jamais l'équipe de communication de Benetton n'aurait pu imaginer de tels bénéfices!

10. Assurer le rayonnement de l'entreprise

Le brand content nourrit la relation avec l'ensemble des parties prenantes. L'entreprise se doit de proposer une vision du monde riche de sens. Sa pérennité tient à sa capacité d'exister sur un plan social et culturel, et à donner du sens et du lien à ses collaborateurs, à ses clients et à la société en général. Laurent Faibis, PDG de Xerfi, considère que «sa web-TV Xerfi Canal a renforcé sa légitimité pour devenir le médiateur du monde économique». Ses commerciaux obtiennent plus facilement des rendez-vous et les candidats au recrutement sont mieux qualifiés. En mettant en vedette ses collaborateurs, il a renforcé leur crédibilité et leur motivation. Des personnalités clés ont cherché à collaborer et ses relations avec les banquiers ont été facilitées.

 

 

FOCUS

Au-delà de l'éditorial, l'essor des contenus physiologiques

Selon le sémiologue Raphaël Lellouche, la parole, le verbe, les mots sont privilégiés comme étant le vecteur fondamental du sens. Mais à côté de contenus discursifs ou éditoriaux, l'expression physiologique des marques apparaît comme un axe clé de l'avenir du travail identitaire des marques, à l'instar des expériences sensorielles sur le lieu de vente ou celles qui impliquent directement le corps et le produit: la moto Harley-Davidson induit une tenue particulière du corps sur le siège, le geste de déverrouillage de l'Iphone fait l'objet d'un brevet d'usage.

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