Dossier Production
Simples prestataires il y a quelques années, les sociétés de post-production s'affirment désormais comme partenaires des agences de publicités et des maisons de production.

Avant, les rôles étaient clairs et bien définis. L'agence-conseil en communication imaginait une publicité. La société de production la réalisait. La société de post-production intervenait en dernier lieu, pour finaliser le spot, en y glissant au passage quelques effets spéciaux.
Aujourd'hui, les lignes se sont brouillées. Certes, le métier de post-producteur reste d'établir le budget de la post-production (montage image, étalonnage, trucage, montage son, bruitages, fabrication de la copie zéro, etc.), de servir d'interface entre le producteur, le réalisateur et les partenaires techniques, tout en étant garant du respect du budget et du planning. Mais les agences de publicité se mettent à produire et les sociétés de production à concevoir, tandis que la post-production intervient dès le début de la réalisation, pour proposer des solutions artistiques, techniques et financières.

«La post-production a pris de la place dans la manière de penser la production. Avant de réaliser un film, les producteurs s'interrogent d'abord sur les possibilités techniques en matière de post-production. Nous sommes les derniers à travailler concrètement sur un film, mais souvent les premiers à y réfléchir», détaille James Sénade, cofondateur du studio Saint-George. «Un post-producteur travaille en amont de la réalisation d'un film pour proposer une approche créative, et ne plus être seulement un exécutant», complète Baptiste Harispe, l'autre cofondateur.

 

Gain de temps et d'argent

 

Julien Meesters, directeur de création de Mikros Image, qui a notamment travaillé sur les publicités emblématiques «L'Ours» (Canal+) et «Baby & Me 2» (Evian), confirme: «Alors qu'il y a plusieurs années, nous étions prestataires de service, les sociétés de post-production se positionnent aujourd'hui davantage comme partenaires des agences de publicité et maisons de production. On essaie de trouver des solutions avec les réalisateurs pour les accompagner et obtenir des films pointus et haut de gamme. C'est ce que nous avons fait avec la dernière campagne pour Schneider Electric [film d'animation mettant en scène des ratons laveurs faisant la fête]

 

Plus présente dans la chaîne créative, la post-production n'en est pas pour autant plus visible. Car si elle peut passer par l'incrustation d'éléments graphiques et visuels, elle sert aussi à faciliter le travail des réalisateurs en agrandissant un immeuble, en multipliant des voitures, c'est-à-dire en travaillant sur des détails ultra naturels. «Par exemple, lorsqu'un spot est tourné dans un stade, ce dernier est vide dans 90% des cas. En post-production, nous remplissons les gradins», continue James Sénade.

 

Un apport créatif autant que technologique qui permet de répondre à une problématique récurrente dans le milieu publicitaire: la baisse des budgets et le resserrement du timing. «A film égal, on observe une baisse de 30% en termes de budget. En ce qui concerne les délais, alors qu'avant nous avions 6 ou 7 semaines, nous devons actuellement faire le même travail en 4 semaines», résume Julien Meesters. «La post-production permet d'économiser de l'argent tout en proposant des films de qualité», continue James Sénade, qui souligne que la plus-value des sociétés de post-production françaises réside dans son côté artisanal: «Si une marque et des créatifs choisissent un réalisateur pour sa vision, ils se tournent vers telle ou telle boîte de post-production pour les mêmes raisons.» Ainsi, certains studios proposent plus d'expertises au niveau des effets spéciaux, d'autres en motion design ou en animation...


Nouveaux outils et méthodes de travail


Ces nouveaux challenges poussent les sociétés de post-production à perpétuellement adapter leurs méthodes de travail. Premièrement, elles doivent suivre et intégrer les innovations technologiques. C'est d'ailleurs une des principales évolutions du métier depuis une dizaine d'années, selon Sandra Haize, directrice de post-production free-lance: «Le passage de la pellicule au numérique a tout bouleversé, entraînant la disparition progressive des laboratoires traditionnels, des industries chimiques.» Cette innovation technologique a eu des répercussions concrètes dans les maisons de post-production qui ont donc changé d'outils, de machines, de logiciels (comme Maya, 3DS Max, XCSI) et de personnels. Concrètement, ces nouveaux outils, moins onéreux, ont entraîné la naissance de petites structures ainsi que des écoles et centres de formation. «C'était impensable avant les années 2000. Le marché de la 3D et des effets spéciaux était vraiment “réservé” aux grosses machines, trois ou quatre sur la place de Paris», ajoute Sandra Haize.


Outre ces innovations technologiques, les post-productions sont ainsi désormais capables de «mettre en parallèle plusieurs tâches», avance Julien Meesters. Prenons l'exemple d'un film qui nécessite des voitures, des décors et des créatures en image de synthèse. «Il y a dix ans, une équipe aurait géré les trois thèmes les uns après les autres. Aujourd'hui, il y a une équipe par thème. En fait, il y a plus de monde qui travaille sur le film dans une période plus courte», résume-t-il. Une des conséquences de cette évolution réside dans l'importante spécialisation des talents.


Enfin, tout comme pour les maisons de production, il arrive de plus en plus que les sociétés de post-production soient appelées directement par les annonceurs pour du brand content, des sujets digitaux ou de l'événementiel. «Depuis trois ans environ, les clients sont de plus en plus conscients de leur identité et veulent communiquer sur des sujets non publicitaires», selon Julien Meesters. Comme pour les producteurs, l'essor des nouveaux supports et des nouveaux médias oblige les post-producteurs à se tourner de plus en plus vers le digital et l'interactif. «Dans dix ans, les plateformes numériques et collaboratives nous permettront de faire appel à des talents du monde entier», ajoute Sandra Haize, qui conclut que les sociétés de post-production auront alors «un accès permanent aux images et aux sons du film grâce au très haut débit, ainsi qu'une rapidité d'intervention sur les images».

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