Distribution
Internet, fréquentation en baisse, demande de proximité... Les centres commerciaux doivent inventer un nouveau modèle. Ce qui passe notamment par la définition d'une stratégie de marque. Du lieu de vente au lieu de vie.

La baisse de la consommation et la montée d'internet font une victime collatérale: les centres commerciaux. La fréquentation est en berne (-2,5% depuis 2008 en France) et le chiffre d’affaires subit le même sort, à 118 milliards d’euros pour 750 centres commerciaux. Ajoutons le désir des consommateurs pour des magasins de proximité, et voilà les paquebots commerçants contraints de se réinventer. «Nous sommes en plein changement de paradigme, confie Martine Ghnassia, directrice d'In Capsule by Ifop, le département de prospective de la société d'études. Les centres commerciaux doivent développer de nouvelles choses pour faire revenir le client. Leur solution: une offre complémentaire à celle, unique, de faire ses courses.»

Serait-ce la fin du modèle de centre commercial à la française, avec pour locomotive l’hypermarché d'une grande enseigne de distribution? «Ne tirons pas de conclusion trop brutale, tempère Jean-Michel Silberstein, délégué général du Conseil national des centres commerciaux (CNCC). Ce modèle reste pertinent, pour ces centres commerciaux de proximité.» Mais de nouveaux projets se lancent, plus grands, avec, au cœur, un tout autre concept: des loisirs avec le «retailtainment» aux solutions médicales en passant par des services clients plus innovants ou le tourisme... L'image des centres changent. «Nous sommes entrés dans l'ère du centre commercial relationnel, analyse Patrick Roux, directeur général de l'agence Saguez & Partners, qui gère le compte Unibail-Rodamco. Aujourd'hui, ils se doivent de raconter une histoire, de développer une stratégie de marque locale.»
Les noms sont plus travaillés, la publicité fleurit, les enseignes sont soigneusement choisies, les spécificités développées, tout cela pour mieux se positionner. On le retrouve bien évidemment dans l'architecture du lieu, plus originale et pas seulement fonctionnelle. «Plus qu'un lieu de vente, le centre commercial doit définitivement devenir un lieu de vie», assure Patrick Roux. La preuve en sept exemples glanés à travers le monde.

 

LONDRES

Westfield

Dans un décor haut de gamme inspirant le luxe et la mode, le centre Westfield London, dans le quartier de Hammersmith, a ouvert en 2008 et comprend actuellement 369 magasins. Le centre offre un service de styliste personnalisé sur rendez-vous. C'est l'un des rares centres commerciauxà posséder un lieu de «click & collect» pour les achats faits sur internet (30 sites sont pris en compte) via le service Collect Plus (pour les abonnés). Dans un «lounge» (salon) comprenant des cabines d'essayage, les clients peuvent essayer leurss produits et les laisser en cas d'insatisfaction. «C'est enfin la matérialisation du click and collect en centre commercial», se réjouit Jean-Philippe Chavatte, directeur général de l'agence Carré noir. Une solution cross-canal pour créer du trafic.

 

SAO PAULO

Cidade Jardim

A Sao Paulo, au Brésil, le centre commercial Cidade Jardim offre un jardin à ciel ouvert en pleine ville. Aucun toit, parfois même dans les boutiques et à chaque niveau. Le centre est un retour à la naturalité dans sa globalité, où les arbres reprennent leur droit, même si les quatre tours figurant parmi les plus hauts gratte-ciel du Brésil donne une touche «technologique». Tous les magasins (180), dont nombre de marques de luxe, doivent se plier au cahier des charges du promoteur. «Une maîtrise totale pour garder une harmonie entre toutes les boutiques», analyse Patrick Roux, de Saguez & Partners.

 

BARCELONE

Las Glories

Dans son centre commercial Las Glories, dans la capitale catalane, Unibail-Rodamco met à l'honneur l'alimentaire en disposant un marché dans ses allées. Des produits locaux sont proposés, de la poissonnerie à la boucherie en passant par les fruits et légumes, et même la confiserie. Il est également possible de déguster sur place. Une offre et une animation qui allient proximité et authenticité en mettant en valeur des artisans, et tranche avec le paysage «industriel» habituel des centres commerciaux.

 

MARSEILLE

Les Terrasses du port. Ce centre commercial de 190 boutiques, à deux pas du Vieux-Port, a fait grand bruit lors de son ouverture en mai 2014, car il est un des éléments les plus visibles de renouveau du quartier. Un balcon de 2 600 m² offre un point de vue sur le port de la Joliette. Le centre mélange beauté du panorama et attractivité commerciale dans une architecture remarquée par les professionnels du design. «Nous avons aimé le geste architectural au service des commerces avec de la lumière naturelle, des perspectives attractives, des promenades, et la qualité de traitement des façades», décrit François Serena, directeur de création à l'agence AKDV.

 

FUNABASHI

Doctor Land

Au Japon, 30% de la population a plus de 65 ans… A Funabashi (7e plus grande ville de l'agglomération de Tokyo), la moyenne d'âge est l'une des plus élevées du pays. Le promoteur Aeon y a conçu un centre commercial pour les personnes âgées. En guise de locomotive, un «Doctor Land». Dans un seul lieu et avec guichet unique sont réunis tous les services de soins dont ces personnes, et clients, sont susceptibles d'avoir besoin. Aux alentours, «le centre proposent des enseignes spécialisées pour les seniors, explique Martiner Ghnassia, d'In Capsule by Ifop. Du packaging aux escalators ralentis en passant par les panneaux indicateurs en gros caractères, tout est adapté à la cible.»

 

SARAGOSSE

Puerto Venecia

Ici, c'est le loisir qui prime. A Saragosse, cinquième ville d'Espagne par sa population, le centre commercial Puerto Venecia a misé sur l'entertainment pour attirer le client. «Cette offre représente 10% du centre commercial, notamment les loisirs actifs», décrit Martine Ghnassia. Une piscine à vague et un parc aventure, avec de l'accrobranche et des tyroliennes, parfaitement dans le ton de la région, puisque les loisirs sportifs en sont la spécificité touristique. Puerto Venecia ne raisonne pas d'abord en termes de flux de caisses, mais de fréquentation, ce qui joue indirectement sur le chiffre d'affaires du centre commercial.


NORD DE PARIS

Europa City. Le gigantisme à l'état pur. Pour son projet d'Europa City, à Gonesse (Val d'Oise), Auchan a-t-il les yeux plus gros que le ventre? Plus qu'un centre commercial, la filiale de projet immobilier de la famille Mulliez, Immochan, rêve d'ouvrir d'ici 2025 une «ville» commerciale. Cinq cents boutiques, une salle de spectacle, un cirque, une ferme avec cueillette, un marché aux puces, un parc aquatique... et même une piste de ski! Europa City s'étendra, si le projet prend forme, sur 80 hectares. L'investissement est pour l'heure estimé à près de deux milliards d'euros. Un sacré risque, pour le plus gros projet d'un investisseur privé en France depuis Eurodisney, en 1992.

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