Marketing
S’ils apportent une touche d’originalité, sinon un supplément d’âme aux réseaux, les influenceurs de niche restent largement boudés par les annonceurs.

Ils s’appellent Cyrus North, Camille Jouneaux ou encore Sylvain Erhardt. L’un fait dans la vulgarisation philosophique, l’autre dans l’histoire de l’art et le troisième dans... l’asperge. Dans leurs domaines, sur les réseaux, ce sont des stars. « Plus que des influenceurs de niche, nous sommes des influenceurs de Nietzsche », s’amuse Cyrus North du haut de ses 347 000 abonnés sur YouTube. Il est vrai que ses vidéos sur la philosophie sont puissantes. À la fois intelligentes et drôles. Comme ce rap philo, où Dr Dre et Beyoncé croisent Platon et Spinoza, visionné par plus de 3 millions d’internautes. Même engouement pour la toute jeune « Minute culture » de Camille Jouneaux. Lancée en février dernier, elle comptabilise déjà sur Instagram près de 20 000 fans, férus de ces stories éphémères d’œuvres d’art sous-titrées à la sauce lol. 

« Sur le fond comme dans les formes créatives, ces influenceurs de niche proposent des contenus très différents de l’offre de plus en plus formatée que l’on trouve sur les réseaux sociaux. En plus d’être souvent drôles et intelligents, la majorité d’entre eux se fondent sur l’expertise, la passion et la sincérité, chose devenue rare dans le petit monde de l’influence », estime Thomas Clément, vice-président de l’agence La Nouvelle. La sincérité, c’est aussi la marque de fabrique des influentes asperges (5 000 aficionados sur Instagram) de Sylvain Erhardt, qui pourrait être une cible pour les marques au vu de sa proximité avec les grands chefs (ses produits sont livrés dans plus d’une centaine de restaurants étoilés).



Pas prêts à n’importe quoi

Et pourtant, rares sont les partenariats. En dehors de quelques médias, institutions et fondations (Arte, le musée du Luxembourg, le Grand Palais pour Camille Jouneaux ; France TV Éducation, Google Arts & Culture ou le musée du Louvre pour Cyrus North), peu de marques se manifestent. Aucune sollicitation pour l’asparagiculteur. « C’est peut-être mieux, je ne suis pas prêt à faire n’importe quoi », dit-il de sa voix rocailleuse à l’accent du sud-ouest. Ce n’est pas un problème non plus pour les autres. « Pas grave, je n’ai pas envie de décevoir ma communauté, ni de me transformer en quatre par trois », résume Camille Jouneaux. « Les sollicitations que l’on reçoit sont souvent à côté de la plaque », ajoute Cyrus North, qui dit refuser 80 % des propositions.

Publiphobes, nos influenceurs ? Pas vraiment. Camille Jouneaux est une ex de We Are Social, agence spécialisée en social media, et Cyrus North a également travaillé dans la communication, comme son coauteur, un ancien de l’agence BETC. Autrement dit, deux influenceurs rompus au webmarketing et au community management. 

« Nous n’apparaissons pas sur le radar des marques, car elles connaissent très mal le marché de l’influence et sont fainéantes, se contentant généralement de miser sur des talents Webedia aux audiences rassurantes », estime Cyrus North. Thomas Clément abonde. « Les marques sont prisonnières d’une logique ROIste, focalisée uniquement sur l’audience, déplore-t-il. Les influenceurs de niche leur offrent pourtant des formes créatives nouvelles. Moins exposés à la fraude (notamment l’achat d’abonnés), ils tiennent un rôle d’experts pédagogues, prônent de bonnes valeurs et sont suivis par des communautés très engagées. » À bon entendeur… ◊

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