La vidéo et ses variantes hybrides gagnent toujours plus d’adeptes parmi les influenceurs. Mais le son pourrait bien lui damer le pion en suscitant une adhésion plus franche et durable.

Avec des réseaux sociaux qui se sont placés au cœur des usages des internautes, de nouveaux formats sont montés en puissance, comme le démontre l’émergence des stories lancées par Instagram. En trois ans à peine, elles ont conquis un large spectre du public. Selon la plateforme, 500 millions de personnes consultent chaque jour ce type de format. Un succès attribué en priorité à ses caractéristiques. « Les stories sont faciles à créer et elles disparaissent au bout de vingt-quatre heures, explique Julie Pellet, responsable du développement des marques d’Instagram. Cela favorise donc un mode de création plus authentique et spontané de la part des créateurs et des marques, qui n’hésitent pas à poster parfois plus de dix stories par jour. » Selon Instagram, plus de 50 % des marques présentes sur la plateforme utilisent ce format, soit sous forme organique (non payant), soit sous forme publicitaire. Grâce aux stickers des stories, elles peuvent aussi proposer des sondages. Et l’engouement pourrait encore augmenter, selon Julie Pellet, grâce aux innovations récentes. Il est ainsi dés-ormais possible d’utiliser un carrousel de trois contenus pour raconter une histoire ou de rajouter un sticker « shopping ». 



Des enceintes connectées prometteuses

Ce nouveau format marque un tournant de la plateforme vers la vidéo, estime Bertrand Nadeau, directeur général de l’agence marketing Fuse : « Les instagrameurs sont en train de devenir des vidéonautes, ce qui va les rapprocher du profil des youtubeurs. Le monde de l’influence va utiliser de plus en plus la vidéo, même si elle n’est pas encore majoritaire. » L’époque est propice au changement, observe en tout cas Adrien Chabal, directeur général adjoint de Webedia Movies Agency : « Les formats hybrides sont en pleine expérimentation depuis deux ou trois ans. » S’il reconnaît les qualités du vlog, le blog vidéo, « un format qui permet de créer beaucoup de contenus avec des moyens réduits, de sorte que des personnes peuvent facilement devenir des médias », il constate que « les influenceurs utilisent en priorité les stories, qui mélangent texte, image et son ».

Derrière l’engouement massif pour la vidéo, un larron pointe son oreille : le son. C’est même « la grande tendance du moment », selon Cécile Leprince, directrice générale d’Everyday Content, l’agence de brand content de Publicis. « L’évolution en cours sur les podcasts est étonnante, renchérit Marion Combaluzier, fondatrice de l’agence de communication collaborative AKL. Les interfaces sonores sont en pleine évolution. » Si elles sont encore sous-utilisées, les enceintes connectées des GAFA ont toutes les chances de booster rapidement ce marché qui commence déjà à peser. Selon Médiamétrie, 4 millions de personnes écoutent chaque mois des podcasts. Elles se distinguent de la moyenne des internautes par leur profil plutôt masculin (54 %, contre 50 %), leur tranche d’âge (56 % ont entre 25 et 49 ans, contre 41 % des internautes), leur catégorie sociale, plutôt CSP●+, et leur localisation, encore très parisienne… Pour l’instant, cette audience ne représente que 8,5 % des internautes, mais Médiamétrie lui prédit une forte croissance. L’institut note en effet que l’écoute de podcasts est « une pratique récente pour près d’un quart des podcasteurs, signe que ce marché connaît une vraie dynamique ».



Plus c’est long, plus on fait attention

Nul doute que les influenceurs vont s’emparer de ce nouveau format en vogue. C’est dans cette optique que Studio71, le réseau d’influenceurs du groupe TF1, a lancé en septembre 2018 un label de podcasts. Objectif, accompagner les 150 influenceurs du MCN dans la création de podcasts mais aussi travailler avec les marques sur ce sujet. « À travers la voix, c’est un contact humain qui est recherché et le sound design permet de proposer une expérience qui fait appel à l’imaginaire et à l’émotion », rappelle Cécile Leprince, d’Everyday Content. Plus intéressant encore, l’écoute d’un podcast n’a rien de fortuit. Elle traduit même une attitude particulière, très éloignée du survol habituel des écrans digitaux. « Les marques sont intéressées par des auditeurs qui sont disposés à accorder leur attention sur des durées longues, ce qui induit une plus grande attention », souligne également la directrice générale. Autant de qualités qui en font un vecteur idéal pour installer une relation particulière. L’un des clients de l’agence a ainsi choisi d’expliquer via un podcast sa vision du business à des décideurs économiques. « Cela s’insère dans un dispositif associé à la diffusion de leur rapport annuel, précise Cécile Leprince. Ils font le pari de la qualité avec des durées qui peuvent atteindre une demi-heure. » Sans commune mesure avec le temps habituellement consacré à l’exploration des fils d’actualité... De quoi faire dresser l’oreille de bien des marques !

Vivons-nous pour autant la fin de la vidéo ou du texte ? Trop tôt pour le dire, mais si l’un comme l’autre ont disparu du paysage, ils ne sont plus les maîtres des lieux, au même titre que la photo. Délaissée par la technologie, l’alimentaire ou l’automobile, toujours plus friands de vidéo, la photo fait toutefois de la résistance dans des secteurs comme le luxe et la beauté. « Ils ont besoin d’environnements très peaufinés et ils veulent avoir une maîtrise de l’image et des codes, ce qui est plus compliqué en vidéo », explique Bertrand Nadeau. Cet attachement à l’image fixe serait d’ailleurs selon lui l’une des causes de la désaffection de certaines marques vis-à-vis d’Instagram. ◊

L’écrit fait de la résistance

Tenu pour quantité négligeable depuis le déclin des blogs, le texte n’est pas mort pour autant, loin de là. Il a cependant changé de rôle, reconnaît Adrien Chabal, de Webedia Movies Agency : « Le texte est devenu un vecteur privilégié pour donner son avis. C’est un format porteur d’authenticité, qui sert à établir une relation de proximité. C’est un format qui ne laisse pas de place à l’artifice, alors qu’un influenceur peut passer des heures à refaire une photo ou une vidéo. Le texte n’est plus le format phare du moment, mais il a toujours un pouvoir d’influence fort. » Il garde même de fervents adeptes et des bastions, note Bertrand Nadeau, dirigeant de Fuse : « Les blogs existent encore sur des champs bien spécifiques comme la beauté, la parentalité, la santé et la finance. Cette dernière est en France un domaine sérieux, peu propice à un show, d’où la prédominance des blogs et de l’écriture. » 

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