Audiovisuel
Confinement oblige, des personnalités de la télé et de la radio réalisent leurs émissions de chez eux. Comment s'organise le télétravail quand des millions de spectateurs s'invitent chez vous ?

Alors que l'hebdo Voici est passé à un rythme mensuel, faute de révélations sur la vie privée des célébrités, les journalistes stars de la télé et de la radio nous ouvrent en grand les portes de leur sweet home. À commencer par Cyril Lignac qui, tous les soirs, accueille en moyenne 2,2 millions de cuisiniers autour de son plan de travail en marbre blanc. Le 27 avril, ils étaient 2,6 millions, meilleure audience depuis huit ans pour cette case, avec 13,4% du public et 24,7% des responsables des achats de moins de cinquante ans. La promesse (tenue) du chef ? Réaliser un plat et un dessert en une heure et en direct, en même temps que les téléspectateurs qui ont accès à la liste des ingrédients au début de chaque semaine. «Le concept était déjà sur le bureau des chaînes, nous explique Matthieu Jean-Toscani, coproducteur via Kitchen Factory. Car dans le combat contre le non-linéaire, le direct donne de la puissance au linéaire.»

L’affaire s’est bouclée en quatre jours. «Le premier mardi du confinement, Cyril Lignac préparait une recette de cookies pour ses 1,2 million d’abonnés d’Instagram quand je lui ai proposé de le faire en direct sur M6. J’ai appelé la chaîne le lendemain. Le samedi, l’émission était à l’antenne. Cyril a juste posé quelques conditions : ne montrer que sa cuisine, pas de car-régie en bas de son appartement du 7ème arrondissement, ni de câbles dans sa cage d’escalier ou de techniciens chez lui. Avec Visual TV, situé dans le 15ème arrondissement, on a mixé plusieurs technologies : fibre internet, connexion 4G et fibre skype pour les people qui cuisinent avec nous de chez eux, de Joey Starr à Stéphane Bern. Un mélange inédit qu’on a adopté depuis “Affaires conclues à domicile” (France 2) et “Qui veut gagner des millions à la maison” (TF1). On a installé deux caméras pilotées à distance et laissé un seul caméraman avec lui.» 

Dire que les concepts mettent souvent six mois à passer du projet à nos écrans! «La force de l’émission repose sur la prise de risque à laquelle on a été confronté. On a cassé les habitudes d’achat des programmes, qui se font avec trop de précautions. On se borde dans tous les sens. Nous sommes revenus à l’essentiel, aux risques et au système D. Sur les 28 personnes qui travaillent sur le programme, tous assument plusieurs fonctions. Cela donne un côté très spontané, plus actuel et en phase avec le digital. Comme si la télé s’était reconnectée au monde réel. Et un moindre coût dans une économie contrainte, suite à l’effondrement des recettes publicitaires, même si nous sommes passés de trois minutes à sept minutes de coupure pub.» Nicolas de Tavernost, le patron du groupe M6, s’est réjoui sur Twitter de proposer l’émission jusqu’au 30 mai, succès oblige!

Ni maquilleur, ni coiffeur

Chez Quotidien (TMC) aussi, le chef Juan Albelaez explique de chez lui une recette de confinement en une minute chaque soir. De Cyril Hanouna avec Ce soir chez Baba (C8) à Camille Combal et son Qui veut gagner des millions à la maison (TF1), les animateurs de divertissement ouvrent les portes de leur domicile pour poursuivre leur activité. Mais la palme de l’audace revient à Au secours bonjour, le programme court humoristique lancée par Anne Holmes, la patronne de la fiction de France Télévisions, en dix jours. Habituellement, il faut deux ans entre la genèse d’un projet et sa mise à l’antenne. «En Comex, la direction a souligné que tous les genres télégéniques s’étaient adaptés au confinement, sauf la fiction. Face aux antennes un peu anxiogènes, l’idée a germé d’essayer de sourire du confinement, explique Anne Holmes. Renaud Le Van Kim, avec deux coproducteurs, venait de me proposer un programme court. Je l’avais décliné, faute de case disponible. Je les ai rappelés. Le premier épisode diffusé le 19 avril a été livré à 17h pour une mise à l’antenne à 20h50. C’était un pari fou.» 

Au secours bonjour bénéficie d’un casting quatre étoiles. Marina Foïs, Bruno Solo, Alice Belaïdi, Élie Semoun, Manu Payet ou Jean-Paul Rouve se filment chez eux, conseillés par téléphone par deux metteurs en scène et un technicien. Confinement oblige, ils n’ont ni maquilleur, ni coiffeur mais ils jouent le jeu avec un côté «pour la bonne cause» très service public. L’équipe technique réduite a aussi permis un budget inférieur aux usages. Continuera-t-il après le 11 mai? «C’est à l’étude. Je suis vraiment heureuse qu’on ait fait la preuve que même dans la contrainte, on peut créer et innover», se réjouit Anne Holmes. Succès à l’appui: la chaine a rassemblé 4,7 millions de personnes le 19 avril avec 17,5% de PDA.

«Un spectacle de marionnettes»

Si la télé du confinement a pu se réinventer en s’appuyant dans un premier temps sur des programmes déjà enregistrés, c’est en live que la radio s’est réinventée, comme nous le raconte Matthieu Belliard. «Je suis parti d’Europe 1 le lundi midi, veille du confinement. Je n’y suis pas revenu, sourit le matinalier. Un technicien a installé dans l’après-midi une ligne numérique terrestre sécurisée dans mon débarras de 50 mètres carrés, à côté de ma maison en lisière de la Normandie. J’y réalise les 3h30 de matinale. Je me lève à 2h30 au lieu de minuit et demi. J’ai gagné deux heures de transport par jour. Mais je me surprends encore à faire un signe pour lancer un jingle. Même si mes enfants savent que c’est une “no go zone”, l’un d’eux est entré pendant une interview de Jean-Yves Le Drian. Heureusement, il n’a pas parlé.» 

«On a passé 120 personnes en télétravail en moins de 72 heures, explique Donat Vidal Revel, directeur de l’info d’Europe 1. Seuls six personnes sont présentes pendant la matinale contre une quarantaine habituellement. J’ai l’impression d’être à un spectacle de marionnettes et de chercher les fils mais l’illusion est parfaite.» Même son du côté de RTL et de France Inter. «Quarante personnes doivent passer à la radio chaque jour contre 250 habituellement, explique Catherine Nayl, directrice de l’info de France Inter. Chacun s’est familiarisé chez lui avec les outils nécessaires. On travaille avec Zoom, Teams. Cela nécessite cependant plus de dialogue, de communication, de discipline et d’engagement.» C’est peut-être l’une des vertus de ce confinement.

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