Étude
Le 5 octobre dernier, Havas Horizons a publié son baromètre annuel, avec pour la première fois la collaboration de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA). Le thème : la croissance africaine à l’horizon 2030.

Les investisseurs sont-ils confiants concernant l’avenir de la croissance en Afrique ? Depuis la création du baromètre annuel d’Havas Horizons en 2015, l’objectif est de pouvoir interroger les acteurs de ces investissements qui contribuent à la croissance du continent. Cette année, c’est près de 97 sondés qui ont répondu à cette étude. Selon celle-ci, 84,9% des interrogés considèrent toujours l’Afrique comme une région attractive et y placent beaucoup d'espoirs. Seulement, cet engouement est en baisse : en 2015 il était de 100% et en 2018 de 92%. Antoine Hillion, directeur associé Havas International Consulting et chargé du baromètre, justifie ce changement : «Il faut savoir que le 100% en 2015 était irréaliste. À ce moment, il y avait une effervescence autour de l’Afrique, une sorte d'Eldorado pour les investisseurs, et l’instabilité qu’on connaît aujourd’hui n’était pas si criante à cette époque. En 2015, le Sénégal nourrissait beaucoup d’espoirs avec la découverte de gaz au large de Dakar par exemple… Mais de nos jours, l'instabilité est plus forte et on constate une grande fuite des capitaux.» Pour la première fois, Havas Horizons collabore avec la Commission économique pour l'Afrique des Nations unies (CEA) et notamment en compagnie de Vera Songwe, sa secrétaire executive. «On a voulu travailler avec les meilleurs», rapporte Antoine Hillion. 

Le Rwanda au top

La mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) depuis le 1er janvier 2021 (prévue à l’origine pour juillet 2020) est aussi l’un des facteurs de cet enthousiasme : elle rassemble plus de 1,2 milliard de personnes. «Les résultats sont très intéressants, car personne ne pensait voir un jour cette Zlecaf, son entrée en vigueur va permettre d’être encore plus optimiste et de se projeter à l’avenir. Aujourd’hui, l’Afrique est le continent au plus faible taux d’échange intracontinental», explique Antoine Hillion. En effet, en 2020, les échanges intracontinentaux en Afrique représentent seulement 15% du total. En comparaison, ce pourcentage est de 70% en Europe. «Cette zone va permettre de créer des échanges et de se structurer avec des régulations et normes», ajoute-t-il.

Dans cette nouvelle étude, un pays sort du lot : le Rwanda. En 2015, il se situait à la 12e place des pays les plus attractifs, et cette année, il est en tête à 48% d’opinions favorables. Comment expliquer cette remontée ? «Nous avons été très étonnés de ce résultat, le Rwanda est un tout petit marché intérieur mais il a du potentiel et il incarne la réussite économique à long terme qui est notamment tournée vers les services, bien représentés à Kigali [capitale du Rwanda] et mis en avant dans l’Afrique de l’Est. C’est un peu “la Suisse de l’Afrique”», confie le directeur associé Havas International Consulting. Un pays qui est devenu la cible des investisseurs : en 2016, Kigali a été classée par l’ONU-Habitat comme étant la ville la plus propre d’Afrique et la troisième ville la plus verte au monde.

Un autre constat observé dans ce baromètre : l’Afrique de l’Est est la région où le potentiel de croissance est le plus important et apparaît comme le marché le plus stable à horizon 2030, comparé à de l’Afrique de l’Ouest. Antoine Hillion donne plus de détails : «Ce qui favorise ce résultat, c’est aussi parce que ce sont des pays tournés vers l’Asie. Il n’y a qu’en 2018 où l’Ouest était passé devant, mais c’était avant l’effondrement des matières premières avec le prix du baril.» 

Des villes comme Le Caire, Lagos, Nairobi regroupent une classe moyenne permettant de maintenir une conservation des élites et de réaliser de gros projets de groupes panafricains qui rayonnent et ont du succès, renchérit le chargé du baromètre. Pour 43,1% des investisseurs, un des moteurs de la croissance est donc l’émergence de cette classe moyenne. «Elle compte environ 350 millions de personnes, mais c’est un peu biaisé car on estime que ce sont les personnes qui gagnent plus de deux dollars par jour», rapporte Antoine Hillion. 

Une instabilité politique pointée du doigt

Même si ces chiffres permettent de passer d’un «afro-optimisme» [ne plus regarder le continent par le prisme des catastrophes] à un «afro-réalisme» [ne pas tomber dans le piège du continent émergent, ni celui du condamné], ce qui freine les investissements, c’est notamment l’instabilité politique et l’insécurité : 57,5% des sondés pointent ces facteurs du doigt. L’instabilité règne dans certaines parties du continent comme dans la bande sahélienne, comprenant le Sénégal, Mali, Niger, Tchad, Soudan et l’Érythrée. D’autant plus que la mauvaise gouvernance est désignée par 89,6% des investisseurs, ce qui est observable avec le Soudan qui a subi un coup d’État le 25 octobre dernier, et fait trois morts et 80 blessés.

Mais ces incertitudes ne sont pas un blocage définitif. Les investisseurs misent sur des nouveaux secteurs comme les infrastructures et la construction (62,6 %). L’agriculture s’impose aussi comme un secteur à suivre, avec 60,6 % des répondants qui favorisent ce pan de l’économie. Un dernier point pour le futur est la question des énergies renouvelables : «Il y a une véritable conscience et une volonté de porter de gros projets sur cet aspect ? Par exemple, au Maroc, il existe un projet de panneaux photovoltaïques électrifiés, au Sénégal, de mise en place d’éoliennes. Ces projets d'énergies renouvelables vont permettre la standardisation des normes et des échanges intracontinentaux avec des économies d’échelle», conclut le chargé du baromètre. 

Chiffre clé

84,9% Part des investisseurs internationaux qui se déclarent optimistes pour la croissance en Afrique.

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