Consommation
Après deux dernières années marquées par l’épidémie de Covid-19, le marché du luxe en Chine repart de plus belle. Pour preuve, les acteurs français caracolent en tête. Décryptage de cette reprise avec deux experts du milieu.

Fin 2020, le cabinet américain Bain & Company a sorti une étude sur le marché du luxe en Chine avec en collaboration Tmall Luxury, la plateforme luxe du géant chinois Alibaba. Celle-ci révèle une hausse de 48% du marché du luxe en Chine continentale, équivalant à 346 milliards de yuans, soit 43 milliards d’euros. La dernière étude Jefferies le confirme aussi, puisqu’entre 2019 et 2020, le poids des dépenses en biens personnels de luxe réalisées au sein de l’Empire du Milieu est passé de 38-39% sur l’ensemble du marché mondial à 80-85%.

Mazarine Asia Pacific, agence de luxe présente depuis 2014 en Chine, Shanghai, Hong Kong et Beijing, filiale de Mazarine Group, s’occupe des activités digital et brand content dans le pays pour développer des expériences drive to store ou online to offline. Le président et fondateur de l’agence, Paul-Emmanuel Reiffers, observe bien cette remontée du luxe : « On constate que de plus en plus de marques s’implantent là-bas, c’est pourquoi il est important de produire localement avec une main-d'œuvre sur place. On développe beaucoup le trafic des réseaux de nos boutiques, ainsi que notre pôle digital avec le livestream. On a réellement vu une croissance d’au moins 50% dans l’agence. » Et la pandémie en Chine n’empêche pas l’organisation d’événements. « On accompagne de grandes marques avec ce redémarrage. Louis Vuitton ou encore Balenciaga ont fait appel à notre pôle événementiel en novembre pour leur gestion. Il y a environ trois mois, on a racheté et intégré l’agence Twist pour renforcer nos activités événementielle. Cette agence est spécialiste des événements luxe dans le pays depuis plus de dix ans, notamment avec Cartier, De Beers, Longines, Bulgari et Pomellato. Pour moi, ce n’est pas un rattrapage, car la Chine s’enrichit tous les jours », confie le président de Mazarine. 

Une demande en hausse que Yuan Zou, directrice du développement Europe Mode & Luxe chez Hylink, constate aussi : « Nous avons clairement constaté un impact très positif sur notre activité. Les demandes ont augmenté, car c’est en Chine que les marques de luxe vont chercher de la croissance. Le pays représente un enjeu de survie. La situation précaire en Europe pendant et depuis la pandémie et le redémarrage tardif de la consommation aux États-Unis font de la Chine le marché prioritaire pour les marques de luxe. Elles se livrent sur place une concurrence féroce et ont besoin d’encore plus d’accompagnement. » Elle ajoute : « L’effet de rattrapage est déjà derrière nous en ce qui concerne le marché chinois. Le pays a dépassé sa période “revenge shopping” post-Covid, il n’existe plus de bulle pandémique qui viendrait menacer la consommation et la croissance. Le marché du luxe est stabilisé. L’intérêt pour les produits de luxe des consommateurs chinois n’a pas diminué pendant la crise mais s’est, au contraire, renforcé pendant le confinement. Et au-delà des grands groupes, les marques de niche tirent leur épingle du jeu. »

Quid de la digitalisation ?

Du côté des demandeurs dans le secteur du luxe en Chine, il n’y a pas de profil type, selon Paul-Emmanuel Reiffers : « Toutes les marques de luxe ont besoin d'y trouver des débouchés. » Une typologie d’acteurs plus précis sollicite Hylink : « Les trois secteurs sont représentés avec une prédominance de la mode, suivie des maisons de joaillerie et des marques de cosmétiques et parfums. Nous avons également été sollicités par de grandes marques européennes de design. » Toujours selon le rapport annuel du Cabinet Bain & Company, en 2021 le secteur du luxe a repris son niveau d’avant-crise sanitaire. Mais entre-temps, celui-ci s’est adapté à la pandémie avec la digitalisation et l'e-commerce, au détriment de l’expérience physique. Faut-il par conséquent s’attendre à une diminution des points de vente ? Ce n’est pas ce que pense le fondateur de Mazarine : « On ne peut pas tout faire en digital, il faut garder un contact physique. 80% du business du luxe se fait toujours en magasin et la clé du offline au online c’est cette expérience digitale en réel. » Un point que partage la directrice mode & luxe chez Hylink : « Pour une stratégie pérenne, il est indispensable pour les marques de multiplier les points de contact et le point de vente est primordial. Si la consécration du digital a pu se faire au détriment du point de vente, la tendance s’inverse. Aujourd’hui de nombreuses marques programment l’ouverture de nouveaux points de vente, particulièrement dans les villes de Tier 2 (de 3 à 15 millions d’habitants) et Tier 3 (de 150 000 à 3 millions d’habitants), de préférence à proximité des mastodontes du secteur pour bénéficier de l’aura et du statut que ce voisinage leur assure. »

Perspectives favorables

Une tendance du luxe qui profite à tout le monde, selon Yuan Zou : « La Chine offre aujourd’hui beaucoup de potentiel pour les marques de niche. Les consommateurs chinois ont envie de se différencier, de trouver des marques moins connues, avec du caractère, et qui leur donnent un côté unique. Avant la pandémie, ils découvraient ces marques plus confidentielles lors de leurs voyages. Aujourd’hui, c’est à ces marques de venir à leur rencontre. » Mais dans ce secteur en plein essor, le président chinois Xi Jinping a annoncé en août dernier vouloir taxer les plus riches. Suite à cela, le cours des actions d’Hermès a chuté de 5% en un mois et LVMH a vu baisser le cours de son action de 9%... À vue d'œil, cela pourrait être perçu comme une menace pour le secteur, ce qui n’est pas réellement le cas, pour Paul-Emmanuel Reiffers : « Le cours de LVMH a repris en un mois. Je pense que les grandes marques continueront à exister par d’autres manières. » Yuan Zou reste aussi optimiste : « La redistribution évoquée ne va concerner que les ultra-riches, qui ne représentent qu’environ 100 000 individus. » Si les perspectives d’avenir du luxe semblent favorables, certains experts estiment même que d’ici 2025, la Chine continentale représentera la plus grosse part de ce marché.

Chiffres-clés

48% Hausse du marché du luxe en Chine continentale en 2020.

346 milliards Montant du marché en yuans, soit 43 milliards d’euros en 2020.

(source : Bain & Company)

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