Spécial régions
Entrepreneurs, communicants, journalistes… Portrait de dix personnalités qui bougent, se bougent et dynamisent le marché aux quatre coins du pays.
  • Nice

Jessica Marcou, 39 ans, et Lætitia Rossi, 45 ans, directrices de Comback

Duo chic et choc

L’une, Jessica Marcou, diplômée d’un master en communication et stratégie des marques, est une ancienne de TBWA Corporate. L’autre, Lætitia Rossi, a fait Sciences-Po Toulouse et l’IFP, puis treize ans de journalisme. Vingt-trois ans qu’elles se connaissent. Jessica se décrit comme « épidermique et sensible », quand Lætitia se dit « rationnelle et chirurgicale ». « On n’est jamais d’accord, mais on s’entend toujours », résument-elles. Un couple idéal, avec un tropisme sport et territoires. Rayon sport, l’agence compte des clients comme l’OGC Nice, l’AS Monaco, Lagardère Sports, Allianz Riviera, le musée national du Sport ou encore la Fédération française de football pour qui elle a créé les habillages visuels des Coupes de France féminine et masculine et de la Coupe du monde féminine 2019. Et des noms plus institutionnels comme la Ville de Nice, SNCF Gare & Connexions, le centre commercial Cap 3000, Transdev, Veolia, Mercedes ou encore Engie. Depuis qu’elles ont repris Comback il y a dix ans, l’agence de communication 360° a vu son chiffre d’affaires bondir de 400 000 à 2,1 millions d’euros. Forza Nissa !

  • Lille

Christophe Levyfve, 48 ans, président de Becoming

L’intuitif optimiste

Les pépins, il veut les transformer en pépites. Christophe Levyfve est un éternel optimiste. Et ça lui réussit plutôt bien. Ce natif de Douai est entrepreneur de sa vie et supporter de son territoire. Il commence sa carrière comme chef de pub à l’agence KRBO à Lille et grimpe les échelons jusqu’au poste de dirigeant. L’agence mute en 2012 pour devenir Becoming, premier groupe de communication indépendant basé à Paris, Lille et Bruxelles (450 salariés). Cet intuitif installe ses collaborateurs dans un ancien garage Peugeot à Lille, transformé en lieu hybride : 3 800 m2 entièrement modulables, où se mêlent bureaux, ateliers, commerces et restaurants. « L’endroit évolue en fonction du moment de la semaine, du jour ou de la nuit. Comme dans un théâtre », s’émerveille Christophe Levyfve. Les espaces de travail ont été entièrement repensés pour la qualité d’usage et le bien-être des collaborateurs. Et le groupe ne compte pas s’arrêter là. Des hubs régionaux – les « ruches » – devraient rapidement ouvrir dans les principales villes de France et de Belgique, tandis que des structures au Royaume-Uni et aux Pays-Bas sont en cours d’acquisition. Christophe Levyfve se donne pour ambition d’emmener Becoming au-delà des 70 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021. Chiche !

  • Lyon

Frédéric Duval, 53 ans, directeur général d’IMedia Positif

Le cocher de la cité des gones

Il est un annuaire des métiers à lui tout seul : dir cab en collectivité, directeur d’agence RP, enseignant, auteur, patron d’un organisme de formation, coach en prise de parole, dirigeant d’un cabinet conseil, jusqu’à, dernièrement, fondateur d’une web-TV locale. Sur sa carte de visite, il est simplement écrit : « cocher ». « Être celui qui vous accompagne, comme un compagnon de voyage », précise Frédéric Duval. Ce cocher a la bougeotte. Et pas qu’un peu. « J’ai déménagé 17 fois en quinze ans et je me suis marié trois fois », s’amuse-t-il. Avec sa dernière épouse, lyonnaise, il s’installe dans la capitale des Gaules il y a six ans. Et semble déjà tout connaître de l’écosystème local. La dernière idée de ce « sur-actif » de 53 ans est née durant le confinement. « C’était la sinistrose : les médias ne cessaient de ressasser les mauvaises nouvelles, tandis que la classe politique faisait étalage de son incapacité à être pédagogue. Je me suis dit qu’il y avait un manque de contenus civiques et positifs », se souvient-il. D’où l’idée de créer « un webmédia constructif d’hyperproximité » : Imediapositif.fr (six salariés) naît en septembre 2020. Du journalisme de solutions pour « permettre aux gens de renouer avec la politique au sens noble ». Cette web-TV veut être une chambre d’écho pour tous les acteurs de l’économie sociale et solidaire. « En un an d’existence, on a produit 250 vidéos, 62 heures de programmes pour 1,5 million de vues, s’enorgueillit Frédéric Duval. C’est un bon début. »

  • Annecy

Pierre Boucaud, 57 ans, PDG de 8 Mont Blanc

Le routard des médias

Il a une allure d’éternel trentenaire, la crinière toujours au vent. Pourtant, dans l’univers des médias locaux et du digital, Pierre Boucaud a roulé sa bosse. Pour commencer, dix ans d’agence en tant que chef de pub dans des filiales de Publicis et d’Havas. Ensuite, une aventure de quinze ans chez Lagardère Active. Il y prend les rênes de Télé Toulouse – la chaîne bascule alors vers un modèle 100 % numérique (studio automatisé, JRI…) –, puis cofonde La Chaîne Marseille (LCM). Nullement rassasié, il quitte le groupe Lagardère en 2009 pour créer, au travers de sa société Raj Médias (« Raj » pour Raphaël, Aurélien et Jules, ses trois fils), Marsactu. Une expérience « géniale mais douloureuse ». Malgré ses 185 000 visiteurs uniques mensuels, le site d’information locale, adossé à la publicité, boit la tasse. Marsactu et Pierre Boucaud doivent déposer le bilan (le média sera repris par ses journalistes). « À 50 ans, c’est dur de se refaire. J’ai eu du mal à m’en remettre. J’ai été en mode survie pendant quelque temps », confie l’entrepreneur. Mais pas de quoi abattre ce Normand. Pour rebondir, de la formation (EFJ, Sciences-Po Aix…) et du consulting, notamment pour NCTV, chaîne de télévision de Nouvelle-Calédonie. « J’y ai passé près de deux ans », précise-t-il. C’est bien, la Nouvelle-Calédonie, mais c’est loin. En métropole, la chaîne locale 8 Mont Blanc, alors au bord de la liquidation, fait appel à ses services. « Il y avait 300 000 euros de pertes par an et une dette de 1,8 million d’euros », précise Pierre Boucaud. Et là, la belle histoire : la chaîne change de modèle économique et de contenus. Les lives sur les réseaux sociaux rajeunissent l’audience. 8 Mont Blanc divise sa dette par deux et est même profitable depuis 2021. Qu’est-ce qu’on dit ? Merci Boucaud !

  • Rennes

Marie Fillâtre, 38 ans, directrice de Release

La « win » malouine

Elle est discrète, mais dans l’univers breton de la communication, tous la connaissent. Ancienne vice-présidente et membre active depuis dix ans du Club Bretagne Communication 35, réseau des professionnels du marketing, de la communication et du digital en Ille-et-Vilaine, Marie Fillâtre est à la tête de l’agence de RP Release (quatre salariés) depuis 2017. Une structure qui a le vent en poupe, avec des références comme Pôle emploi Bretagne, EDF Ouest, Harmonie mutuelle ou encore Groupama Loire Bretagne. Alors n’allez pas suggérer à Marie de changer d’air. « Paris, ce n’était pas possible pour moi d’y vivre, j’ai trop besoin de voir la mer et ma mère », sourit cette Malouine amoureuse de sa région. Pas question pour autant de s’enfermer dans son territoire. L’agence a une deuxième adresse dans la capitale. « Beaucoup de nos clients veulent avoir une exposition nationale, je me dois donc de connaître les journalistes à Paris. Ce n’est qu’à 1 h 27 d’ici. » Selon Marie Fillâtre, les frontières dues à la distance, pour les clients comme pour les agences, sont « aujourd’hui totalement gommées » : « Les entreprises nationales n’hésitent plus à faire appel à des agences locales, même pour du non-local. » Exemple chez Release : Midas France. Le spécialiste du pot d’échappement ne semble pas se plaindre d’avoir choisi la petite agence. Au moment des grands départs en vacances en juillet dernier, Marie Fillâtre leur a décroché une présence au 20h de TF1…

  • Marseille

Jean-Marie Leforestier, 34 ans, rédacteur en chef de Marsactu

Le scribouillard-entrepreneur

Il se définit lui-même comme un « scribouillard-entrepreneur ». « Scribouillard, c’est le détournement d’un stigmate, à savoir le fait d’être mal perçu et de ne pas se considérer comme un auteur. Entrepreneur, parce qu’à Marsactu, les journalistes sont propriétaires de leur titre », précise Jean-Marie Leforestier, le volubile rédacteur en chef du journal. À peine débarqué sur la Canebière en 2012, ce journaliste breton, qui a fait ses armes à Ouest-France, pousse les portes de la rédaction de Marsactu, le poil à gratter marseillais. Malgré de bons papiers et une audience prometteuse (185 000 visiteurs uniques mensuels), les annonceurs et la publicité désertent. En 2015, le site d’investigation doit déposer le bilan. « Ça ne pouvait pas se finir comme ça », se souvient-il. Avec quatre compères de la rédaction, il reprend les actifs du média. Fini la publicité, place aux formules d’abonnement. En un mois et demi de campagne de crowdfunding, 45 000 euros sont levés.

Et la petite équipe (sept personnes à l’époque, dix aujourd’hui) ne se prive pas pour sortir des infos. Notamment sur les problèmes d’insalubrité rue d’Aubagne et dans certains autres quartiers marseillais. L’audience et les abonnements suivent. Parmi leurs faits d’armes récents : les révélations sur l’ex-maire d’Aix-en-Provence Maryse Joissains, sur les méthodes de Didier Raoult ou sur le business des tentes covid en PACA. Le site compte aujourd’hui 5 000 abonnés. « 2021, c’est notre deuxième année à l’équilibre », se réjouit le rédacteur en chef. Ses spécialités ? « De l’enquête et de la politique, en mélangeant souvent les deux. » Ce qui lui vaut parfois d’être blacklisté par certains à Marseille. « C’est le jeu, mais quand on nous ferme la porte, on aime bien entrer par la fenêtre, affirme-t-il, bravache. Notre travail est reconnu. Et ce, même par nos confrères des médias locaux. Parfois d’ailleurs, ce sont eux qui nous font la courte échelle pour entrer. »

  • Nantes

Sandrine Charpentier, 47 ans, CEO de Digitaly et Mixity

La pasionaria de la mixité

« J’en avais assez de voir les femmes absentes des comités de direction, ras-le-bol de constater que c’est toujours aux femmes que l’on demande d’aller chercher les cafés ! » Sandrine Charpentier déteste l’injustice. Cette fille unique a cultivé son goût du collectif façon girl power. Après s’être occupée des relations presse de Canon France, puis avoir fondé une agence RP (SC Conseil) orientée vers la transformation digitale, la mixité et la diversité, elle décide, à 40 ans, de plaquer la capitale. Direction Nantes, « un endroit où l’on respire ». En 2015, elle fonde Femmes du digital Ouest, une association qui attire une cinquantaine de digital women. L’année suivante, elle crée Digitaly, une société de conseil qui accompagne les entreprises dans la transformation de leurs organisations au travers du digital et de la mixité. L’ex-Parisienne devient incontournable dans sa région. Elle pilote un réseau d’incubateurs de start-up nantaises et devient la référente numérique du conseil économique, social et environnemental des Pays de la Loire. En 2019, elle cofonde la start-up tech for good Mixity, une solution digitale pour évaluer les entreprises sur la diversité et l’inclusion, qui a droit à un lancement en présence de Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Si Mixity a vu son démarrage contrarié par la crise sanitaire, la directrice y croit : « Il y a une aspiration sociétale à plus d’égalité. Même si les mentalités sont encore dures à faire évoluer, beaucoup d’entreprises souhaitent changer de mode de fonctionnement. »

  • Montpellier

Frédéric Lopez, 38 ans, cofondateur et président d’Alt shift

Le maître du jeu

15 millions de joueurs sur mobile, 1 million sur PC, 340 000 sur Nintendo Switch : c’est ce qui s’appelle un carton ! Le jeu Crying Suns – un « roguelite » dans l’univers de la science-fiction – vient de dépasser la bagatelle de 2,5 millions de dollars de ventes dans le monde. À la baguette, le petit studio de jeux vidéo Alt shift (huit collaborateurs) créé par Frédéric Lopez, un Montpelliérain pur jus, passionné de jeux vidéo et de cinéma à la tête bien faite. Enfant, il était fan de design, « de Starck et Pininfarina », puis gamer durant l’adolescence, avant de devenir docteur en marketing (son sujet de thèse portait sur la présence des marques dans les communautés virtuelles). « Et puis, avec des copains de fac, nous avons eu envie de monter notre boîte, explique-t-il. D’autant qu’il y avait alors à Montpellier un écosystème favorable d’aides et d’accompagnement de start-up en création. » Nous sommes en 2010. « Nous avons connu des phases compliquées, mais nous nous sommes serré les coudes. Sept ans se sont écoulés avant notre premier gros succès, Not Not - A Brain Buster, un jeu téléchargé plus de 15 millions de fois. » Aujourd’hui, deux nouveaux titres sont en préparation. De son côté, Frédéric Lopez, en devenant vice-président de l’association Push Start qui regroupe 125 entreprises de jeux vidéo en Occitanie, est dorénavant l’un des porte-voix de sa profession. Nul doute que l’on devrait encore entendre parler de lui.

  • Clermont-Ferrand

Raphaël Poughon, 39 ans, directeur de La Compagnie rotative (groupe Centre France)

L’innovant responsable

En Auvergne, le nouveau monsieur innovation, c’est lui. Raphaël Poughon, « Rapou » pour les intimes, s’occupe depuis 2014 des projets de transformation de Centre France. Mais pas seulement. Au travers du laboratoire d’innovation du groupe, La Compagnie rotative, il accompagne des porteurs de projets et des médias émergents dans le cadre d’un programme d’incubation. « L’idée est de s’ouvrir à tout notre écosystème, d’abord vers d’autres médias, puis vers d’autres métiers, pour ensemble mettre en lumière une innovation qui promeut les transitions sociétales et écologiques sur notre territoire », explique-t-il. De nouvelles formes de collaboration qui se manifestent par des rendez-vous entre médias et citoyens, des travaux en commun avec des journalistes d’autres rédactions ou encore des partenariats avec des acteurs économiques locaux pour promouvoir l’open innovation. Rencontres, barcamps, hackathons, ce journaliste de formation – il a notamment été présentateur et directeur de la rédaction de la télévision locale Clermont Première –, animateur du TEDxClermont depuis deux ans, est sur tous les fronts. « Mon job consiste à faire se rencontrer les gens et les idées, à imaginer ensemble, à donner envie et à inspirer. » Tout un programme.

  • Strasbourg

Thomas Azan, 43 ans, fondateur de Goodway

Le fédérateur régional

Ne comptez pas sur Thomas Azan, fondateur de l’agence de communication Goodway, pour dire du mal des agences du Grand Est. Ce jeune quadra, qui se définit volontiers comme « loyal, honnête et sérieux », est depuis trois ans le président de l’UCC Grand Est. Ce syndicat professionnel régional regroupe 47 agences, dont beaucoup, à l’image de Novembre, Advisa, Reymann, Epsilon ou encore Horizon Bleu, ont su se faire un nom. Restait à faire collaborer les agences de ce nouveau territoire (Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne). « La mayonnaise a tout de suite pris, assure cet ancien journaliste. Il y a de la solidarité, de l’échange et peu de concurrence. Il faut dire que les marchés sont parfois différents : les Lorrains lorgnent le Luxembourg, quand les Alsaciens visent l’Allemagne et les Champenois Paris et sa région. » Il n’empêche, au vu des enseignes importantes installées sur le territoire (Puma, Adidas, Stabilo,

les maisons de champagne….), le Grand Est attire aussi les grandes agences parisiennes. Mais Thomas Azan ne craint

pas l’affrontement. « Nos agences n’ont rien à leur envier, jure-t-il. D’ailleurs, dans les compétitions où elles sont confrontées aux grandes agences de la capitale, les régionales de l’étape l’emportent très souvent. » Autre bataille en cours, la valorisation de la filière, pour éviter notamment que les talents locaux ne partent faire carrière ailleurs, en particulier à Paris. Parisiens, prenez garde : cet ancien responsable d’une partie de la communication interne et externe du club de foot du RC Strasbourg Alsace (de 2004 à 2010) aime gagner ses matchs…

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