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Qu'est-ce qui fait sourire les filles ?
01/12/2005L'agence JWT a mené la première étude sur l'humour dans les publicités destinées aux femmes. À quand l'équivalent de Budweiser pour des shampooings ou aux crèmes de beauté ?
Une jeune femme accompagne son fiancé à l'aéroport. En sortant de la voiture, le garçon lui lance avec désinvolture : « Oh, et tu vas m'épouser, d'accord ? » Abasourdie par tant d'arrogance, la conductrice file avec sa Ford Focus jusqu'à un terrain vague où elle effectue quelques manoeuvres. Depuis les airs, son ami découvre le message qu'elle a tracé dans la poussière : « No ». Toutes les femmes interrogées par l'agence JWT pour son étude internationale « Finding the H spot » (À la recherche du point H, comme humour) ont adoré ce film européen qui montre une fille sexy et féminine, mais aussi volontaire et pleine d'esprit, aux commandes d'une voiture... et de sa vie.
L'agence de publicité désirait explorer cette terre inconnue, l'humour au féminin, qui semble étrangement absente des stratégies des annonceurs. Au départ, JWT a réalisé cette étude pour son client Sunsilk, la marque de shampooings du groupe Unilever, qui souhaitait faire le point sur le sujet après le lancement de la campagne « Monsters », où d'immondes bébêtes colonisent des chevelures féminines. Une façon maligne de se différencier de L'Oréal et de ses mannequins hiératiques, mais qui ne fait pas l'unanimité.
« Certaines filles, les plus jeunes, adorent l'originalité, d'autres détestent », affirme Diana Coulson, directrice du planning stratégique de JWT Paris. Au-delà du cas de Sunsilk, la filiale de WPP s'en prend à un cliché bien ancré, qui veut que l'on ne puisse être belle et drôle à la fois. Traditionnellement, les comiques au féminin ne mettent pas en avant leur plastique. Il suffit de penser à Josiane Balasko en France ou à Absolutely Fabulous en Grande-Bretagne. Même une belle plante comme Valérie Lemercier est plus admirée pour son esprit que pour son charme.
Rapport « horizontal »
L'a priori est particulièrement fort en Thaïlande, où il est mal vu pour une femme de rire en montrant ses dents. « On attend des Thaïlandaises qu'elles soient drôles d'une façon mignonne et charmante », résume Diana Coulson. En France aussi, cette Anglo-Saxonne sait qu'il y a une limite à ne pas dépasser pour rester féminine. Un humour trop vulgaire est considéré au pays de l'amour courtois comme incompatible avec la séduction. Idem en Amérique latine. Alors qu'au Royaume-Uni, où les rapports hommes-femmes s'embarrassent moins de formalisme, on rencontre le phénomène des « ladettes », ces filles qui boivent et jurent comme des garçons.
Malgré ces différences culturelles, il existe des constantes dans le sens de l'humour au féminin, qui le différencient de l'approche masculine. L'étude s'appuie sur les sciences humaines pour démontrer que « les hommes fonctionnent selon des conversations et des rapports verticaux. Ils sont élevés dans un système de concurrence et dans le sens de la hiérarchie. L'humour est utilisé pour se vanter, pour marquer des points auprès de ses amis. » Les femmes, elles, seraient « dans un rapport horizontal. L'humour sert à créer de l'intimité. Elles rient " avec " plus que " de " et pratiquent volontiers l'autodérision. »
JWT croit savoir où l'on est sûr de ne pas trouver le point H : dans les histoires drôles, dans le « slapstick » (la peau de banane) et dans l'humour scatologique. Là où certains hommes manient les blagues lors de véritables joutes verbales, les femmes seraient par nature incapables de se souvenir d'une histoire drôle et puiseraient plutôt leur humour dans les situations quotidiennes. Leurs histoires commencent volontiers par « Vous ne devinerez jamais la c... que j'ai faite hier ». Le « slapstick », souvent gratuit et cruel, heurte leur sensibilité maternelle. Les films absurdes, comme ceux des jus de fruits Tango en Grande-Bretagne, les consternent. Quant au « pipi-caca », il est réservé aux enfants et à ceux qui le sont restés.
Pourtant, les filles sont évidemment sensibles à l'humour dans la publicité. Comment rester de marbre face aux films Axe dans lesquels de jeunes hommes ordinaires se transforment en mâles irrésistibles sous l'effet d'un déodorant ? La publicité Budweiser, dans laquelle un témoin de mariage embarrasse toute l'assemblée en rappelant les exploits passés du marié, fait forcément sourire. Même si certaines participantes à l'étude de JWT l'ont trouvée excessive, elles ont reconnu qu'elles attendaient l'équivalent pour un produit féminin.
Connexion émotionnelle
Car force est de constater que l'on s'amuse peu dans les produits cosmétiques ou d'hygiène pour les femmes, à l'exception de quelques tentatives du côté de Nana. À croire que tous leurs efforts pour apparaître séduisantes, fraîches et élégantes en toutes circonstances sont à prendre au tragique. Lors de son lancement en France, le magazine Glamour a tenté de se moquer de la vanité féminine. Mais le film, tourné par la photographe Ellen von Urwerth, était plus mignon qu'hilarant. On y voyait une demoiselle se lever tôt le matin pour se coiffer et se maquiller, apparaissant fraîche comme une rose au réveil face à son compagnon.
« Les magazines féminins, les films comme Bridget Jones, la télévision avec Sex and the City ont compris l'humour féminin, mais cette veine est très peu exploitée dans les publicités », note Diana Coulson. Le dernier film de l'assureur MMA s'inspire de l'univers de Sex and the City, avec son groupe de copines délurées, mais on ne peut pas dire qu'il reproduise l'intelligence des dialogues de la série américaine.
On en arrive au sujet qui fâche : et si le sérieux des publicités pour les marques destinées aux femmes s'expliquait par le fait que les responsables des campagnes dans les agences et chez les annonceurs sont avant tout... des hommes ? Et si ces derniers avaient un problème pour saisir la psyché féminine ? Encore faut-il se méfier des généralités : une femme peut très bien s'amuser de films potaches comme Mary à tout prix et s'intéresser à autre chose qu'aux chaussures ou au maquillage.
JWT tire néanmoins quelques conclusions de sa recherche : « Prime à l'humour intelligent, espiègle. Les gags sont capables de faire rire, mais ne créent pas une véritable connexion émotionnelle. L'humour gratuit est à éviter. L'effet de surprise marque bien les esprits. L'exagération est permise, tant qu'il y a une observation " vraie " à la base. » Tout en reconnaissant que l'humour n'est pas applicable à tous les budgets, JWT souhaite se servir de sa démonstration pour convaincre de nouveaux clients (et ses propres créatifs par la même occasion). Quant à Sunsilk, numéro deux mondial des shampooings, il a décidé de poursuivre dans cette veine.
«FromPeek-a-bootoSarcasm:Women'sHumorasaMeansofBothConnectionandResistance»,écritparLindaNaranjo-Huebl