En France, presque un tiers des internautes utilisent un logiciel de blocage publicité, en réaction à des annonces jugées trop nombreuses et intrusives. Un phénomène qui ne laisse pas indifférents les annonceurs comme les sites qui dépendent des revenus publicitaires. Éditeur d’un des principaux adblockers dans le monde, Adblock Plus, eyeo souhaite faire connaître au marché français ses solutions pour une relation plus équilibrée entre toutes les parties. La société allemande spécialisée dans les logiciels open source organisait une table ronde le 3 décembre dernier à Paris, sous l’intitulé « Adblocking : entre mythes et réalités, comment adapter sa stratégie publicitaire? ».
Mathilde Dongala, chargée d’études sur l’expérience utilisateur (UX researcher en VO), a présenté un condensé de données sur les motivations des internautes. La majorité des utilisateurs d’adblockers en France (60% selon YouGov) les ont téléchargés pour ne plus voir de publicité, mais aussi pour éviter que leurs données personnelles soient ciblées à des fins publicitaires (51%) et par souci de confidentialité et de sécurité (40%). Certaines pratiques sont rédhibitoires : 61% se disent prêts à ne plus visiter un site qui désactive les adblockers à leur insu. En revanche, « ils ne sont pas hostiles à toute forme de publicité, ils sont même prêts à financer un youtubeur qu’ils apprécient, souligne Mathilde Dongala. Ils sont en général plus informés et plus consommateurs que la moyenne des internautes et ils sont conscients du modèle économique des éditeurs. »
Il y a donc un potentiel pour développer une approche plus responsable de la publicité, basée sur le filtrage plutôt que le blocage. Aditya Padhye, directeur du business development d’eyeo, a rappelé que la société a été pionnière du comité indépendant de la publicité acceptable, une plateforme qui rassemble des marques, des agences, des éditeurs et des utilisateurs pour déterminer les formats les plus respectueux. Actuellement, 150 à 200 millions d’utilisateurs y sont exposés dans le monde (plus d’information sur acceptableads.com). « Notre mission est de fournir un échange de valeur durable entre les utilisateurs et les éditeurs, assure le dirigeant. L’essentiel est de laisser le contrôle aux internautes de désactiver ou pas l’adblocker. »
« Les annonceurs ont une forme de schizophrénie, est venu témoigner Paul Blanc, VP sales de Rakuten Marketing, société spécialisée dans le retargeting et l’affiliation. Ils veulent les formats qui ont le plus d’impact car ils sont plus performants mais ce sont aussi les plus intrusifs. Nous développons nous-mêmes des algorithmes pour lutter contre la ‘digital ad fatigue', la lassitude publicitaire, afin d’éviter le recours aux adblockers. » La table ronde a démontré qu’entre le tout blocage et le tout publicitaire, une réconciliation était possible, dans l’intérêt de tous les acteurs.
Pascale Caussat