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Jean-Pierre Jeunet: «Le tournage d'un spot de pub, c'est génial!»
21/11/2016 - par Thomas PontiroliUn enfant, un calendrier de l’avent, une machine à voyager dans le temps… Pour son conte publicitaire de Noël, Milka a fait appel au réalisateur Jean-Pierre-Jeunet. Le père d’Amélie Poulain et résurrecteur d’Alien compte aussi 70 pubs dans sa carrière.
Pourquoi avoir accepté de tourner pour Milka?
Jean-Pierre Jeunet. Lorsque je réalise une publicité, il faut toujours qu’il y ait une belle histoire à raconter, un bon concept de l’agence. Après, j’amène toujours mon univers au projet, bien que dans le cas de Milka, je n’ai pas ajouté grand-chose car c’était une super histoire: un conte de Noël avec un enfant. C’est toujours délicat de tourner avec un enfant. Il m’est arrivé sur un autre tournage qu’il refuse de jouer le jour-même car il était stressé. Là, nous avons trouvé un jeune acteur tchèque formidable.
Entre la publicité et le cinéma, qu'est-ce qui est le plus exigeant?
J.-P.J. J’applique la même exigence partout. Je dormirais très mal la nuit si je n’étais pas content de mon travail! En publicité, le but est que le client soit satisfait du résultat, et moi aussi. C’est pour cela que j’explique constamment ce que je fais à l’agence afin de trouver des solutions. Je suis très attaché à la liberté, mais j’aime ce jeu d’échange qui s’instaure entre nous. Pour cela, j’utilise une technique bien à moi, que j’appelle le «story-image». Je tourne les plans avec mon caméscope dans les vrais décors pour montrer à l’agence un aperçu de ce que ça va donner, et je les remplace au fur et à mesure. Dans la pub comme dans le cinéma, ce métier consiste à sans cesse poncer, revernir, poncer, revernir…
Où avez-vous puisé votre inspiration pour Milka?
J.-P.J. Pour la machine à voyager dans le temps, j’ai bien sûr pensé à celle imaginée par George Pal (1960). Plus globalement, j’avais encore en tête mon dernier film, TS Spivet (2013). Après, internet est aussi une bonne source d’inspiration, c’est très facile. Je me rends par exemple sur Pinterest.
Qu’aimez-vous en particulier dans la publicité?
J.-P.J. Le tournage d’un film publicitaire, c’est génial. C’est comme pour un film, mais condensé en trois semaines, un mois. On a un casting, un story-board… bref, tous les éléments d’un long-métrage. Comme je ne fais des films que tous les trois ou quatre ans, la pub me permet de m’exprimer entre ces plus gros tournages. Et puis c’est également une manière de vivre, économiquement parlant.
Comment êtes-vous venu à cet univers?
J.-P.J. J’ai commencé ma carrière par la publicité, bien avant mon premier film! Mais après avoir tourné quelques courts-métrages. Mes premiers clips remontent aux années 80. L’un était pour des autobus, avec la chanteuse Lio, et un autre pour Lactel. Je me souviens avoir été très tendu. Mais cette époque était aussi plus ouverte aux jeunes réalisateurs, alors qu’aujourd’hui, tout est beaucoup plus cadré.
Vos longs-métrages inspirent-ils les publicités?
J.-P.J. Disons que je me suis fait pirater beaucoup de films par des publicités auxquelles je n’ai pas participé. Par exemple, le matelas qui grince de Delicatessen (1991) a été repris par Coca-Cola. On pourrait croire que c’est vexant, mais non. Comme disait Coco Chanel: «Tout ce qui n’est pas volé n’est pas intéressant.» La pub peut être très intéressante dans la forme. On m’a d’ailleurs reproché que mes longs-métrages étaient de la pub, comme avec Amélie Poulain. Tout cela parce que je ne me limite pas à des gens qui s’engueulent dans une cuisine. J’en suis fier! La pub me permet de tester des choses, comme –avec Milka– les contraintes pour un opérateur de tourner dans un chalet.
Comment intégrez-vous le produit sans dénaturer l’esthétique?
J.-P.J. D’habitude, c’est la volonté du client. C’est un détour obligatoire d’intégrer le produit dans l’histoire. À la fin, ils doivent être contents. Pour le film sur Chanel avec Audrey Tautou, j’avais eu l’idée de suggérer le reflet du flacon en voyant cet effet d’optique moi-même avec les bouteilles de parfums de ma femme dans la chambre. L’intégration était très subtile et la marque a beaucoup apprécié.
Comment composez-vous avec les coupes, nécessaires à la TV, au web…?
J.-P.J. Si l’on est satisfait d’un film de 1 min 30, alors on n’aura pas de problème pour le réduire à une minute ou trente secondes. Bien sûr, le défi est de réussir à conserver le message, mais ça, c’est le talent du monteur, plus le mien. Moi, j’interviens en amont en veillant à ne réaliser que des plans d’une seconde et demie. J’ai toujours un chronomètre dans la poche. Je suis un vrai tyran! Sur le tournage pour Chanel, j’ai fait recommencer des plans à Audrey qui duraient deux secondes.
Une anecdote sur le tournage de Milka?
J.-P.J. Nous avons tourné en République tchèque, près de la ville de Karlovy Vary. Il se trouve qu’il y a quinze ans, j’y avais remporté un prix pour Amélie au festival de cinéma international mais… je ne suis jamais venu le chercher. Aujourd’hui dans les hôtels, on y trouve plein de portraits de cinéastes primés aux murs, sauf le mien.