Elle vient de fêter ses 60 ans, et pourtant, elle n’est pas si connue. Alors ATD Quart Monde veut prendre la parole. Et quoi de mieux que la télévision pour toucher le plus de monde ! Pas habituée à travailler avec une agence (la dernière était Euro RSCG 360), l’association d’aide aux personnes en situation de pauvreté n’a pas mené d’appel d’offres. C’est en discutant avec une autre asso, Cœur de forêt, qu’Hélène Pinazo, directrice de la communication, a eu vent du travail de l’agence Josiane. « Elle avait conçu un film dont ils étaient très satisfaits. Les équipes avaient réussi à transformer un message compliqué en le rendant simple », raconte Hélène Pinazo, qui a saisi l’opportunité pour rencontrer le cofondateur de l'agence, Laurent Allias.
Notoriété publique
« Le brief était large. On voulait faire un spot TV de notoriété, et le construire non pas pour les personnes en situation de précarité, mais avec elle », poursuit-elle. « Lorsqu’on a été contactés, rembobine Laurent Allias, le sujet nous plaisait, évidemment, parce qu’il était sociétal et malheureusement, toujours d’actualité ». Si l'Insee recensait huit millions de pauvres [personne dont le revenu est inférieur à 1 000 euros par mois] en France en 2014, ATD Quart Monde estime qu'ils sont neuf millions en 2017, dont 2,3 millions vivant avec moins de 640 euros par mois. Pas question pour autant d’adopter un discours misérabiliste dans la campagne. « Un écueil facile », prévient le communicant. « Il n’existe pas de définition officielle ni objective de qui est un riche », rappelle de son côté le cabinet Xerfi dans une vidéo du 16 octobre. Et puis, pourquoi s’arrêter à la richesse financière alors que d’autres formes existent ? C’est le pari qu’a justement choisi de faire Josiane au travers d’un film, diffusé à partir de jeudi 19 octobre, dans lequel se succèdent des personnes défavorisées qui s’exclament à l'unisson : « Je suis riche. » Le directeur de la création, Baptiste Thiery, explique : « Nous voulions inverser le regard habituellement porté sur la pauvreté en s’appuyant sur le mouvement de l’affirmative action, popularisé par de grands penseurs noirs dans les années 60 et 70 aux États-Unis. Ce n’est pas parce que je suis pauvre que je ne vaux rien. Voilà ce qu’ils disaient. »
Signe intérieur de richesse
Le résultat est ce slogan, qui ponctue le film : « On a tous de véritables richesses en nous. » Un message qui « s’adresse au public mais aussi aux personnes concernées par la précarité », ajoute le DC de Josiane. Arriver à ce message simple et puissant n’était pas évident pour ATD Quart Monde. « Nous voulions faire passer trop de messages », reconnaît Hélène Pinazo, qui salue l’approche de l’agence. « J’avoue que j’appréhendais d’être confrontée à un autre langage et une autre façon de voir les choses, mais on a été poussés dans nos retranchements et cela nous a permis de prendre conscience qu’il ne fallait pas un message trop élaboré pour être entendu. » Sans avoir « esthétisé » la misère, Josiane a plutôt voulu mettre en avant la « dignité » des personnes. « On les croise tous les jours mais on ne les voit plus », déplore Baptise Thiery. Du coup, l’agence réfléchit à porter la campagne dans le métro parisien, un lieu où elle pourrait interpeller.