Création
«Indignez-vous !» Tel était le brief, succinct mais riche en actualité, que le concours étudiants du Club des directeurs artistiques a soumis aux écoles d'arts graphiques pour sa dixième édition.

Depuis sa création en 2002, le concours étudiants du Club des directeurs artistiques - qui s'adresse aux élèves des écoles d'arts graphiques de tous niveaux - a cherché à être en résonance avec l'actualité, à faire travailler les jeunes talents sur des sujets du moment. C'était particulièrement aigu cette année, avec le brief adressé aux candidats: «Indignez-vous!»

Le mouvement des Indignés a été l'un des faits marquants des derniers mois en Europe et aux Etats-Unis. Mais comme l'observe Bertrand Suchet, président du Club des directeurs artistiques, dans un texte liminaire adressé aux candidats, «ce mouvement pourtant initié par un Français [Stéphane Hessel] manque de visibilité en France. On a tous vu les sittings dans des lieux stratégiques, Wall Street, La City, les parlements, mais il manque peut-être encore des idées au mouvement. Des messages qui donneront envie d'adhérer, de soutenir ou de prendre des initiatives. Une source de motivation. Le mouvement doit avoir un second souffle. Ce en France, mais partout ailleurs».

Il s'agissait donc pour cette édition 2012 du concours étudiants d'imaginer des actions «militantes» de communication pour faire davantage connaître les Indignés en tant que mouvement intellectuel et ce, avec une contrainte forte: pas d'achat d'espace. Pour le reste, tout était possible: guérilla urbaine, buzz, Internet, affichage sauvage, badges, street marketing, détournements, opérations spéciales... Plus de trente écoles ont participé, inscrivant plus de huit cents travaux.

Si la qualité générale n'était pas au rendez-vous cette année, le prix en revanche a frappé les jurés (1) par sa justesse stratégique tant en termes d'idée que dans le choix des moyens. Ariel Martin Perez et Sara Tazartez, de l'Ecole de communication visuelle-ECV Paris, ont imaginé de mettre en rapport les plaques de rue des grandes capitales du monde avec d'autres plaques - nouvelles - qui rappellent autant de motifs d'indignation (voir ci-contre). Le jury a aussi attribué trois nominations: Alex Delauw-Rivière, Arthur Alazard, Pierre Courtois et Victor Tual de l'école ENSAAMA-Olivier de Serres (catégorie rédaction) ; Emma Gautier, Lucie Bascoul et Sarah Duclent, de l'école Estienne (dispositif général) ; Cécile Pimont et Charles Dessaux, de Sup de création-Roubaix (dispositif général).

Retour sur l'édition 2012 avec Isabelle Schlumberger, directrice générale de JCDecaux, sponsor du concours étudiants et présidente du jury, et Bertrand Suchet, président du Club des directeurs artistiques, dont le mandat - son troisième et dernier consécutif - court jusqu'en février 2013.

 

Que pensez-vous des travaux présentés cette année et du travail des lauréats?

I.S. Le brief était - nous le pensions - très enthousiasmant pour des étudiants, avec le travail de fond demandé pour accompagner en France le mouvement des Indignés. Il faut reconnaître que certains travaux se sont avérés décevants, inaboutis, comme dépassés par l'ampleur du sujet. Le travail présenté par les lauréats n'en a que plus de prix, par sa réponse parfaite au brief mais aussi sa dimension internationale et très participative.

 

B.S. D'année en année, le brief devient de plus en plus complexe, de plus en plus professionnel, et les étudiants sont de moins en moins aptes à répondre à l'intégralité du brief. C'est logique, car les écoles préparent souvent les étudiants à des spécialités différentes. Aussi, le travail récompensé correspond-il à des réponses plus spécialisées de la part des écoles et des étudiants. Cela peut simplement être le dessin d'une nouvelle typographie, un site Web, une mécanique générale, un type de rédaction, de graphisme ou d'illustration. Comme toutes les années, les lauréats ont été sélectionnés pour l'excellence du travail ou partie présentés. Plus souvent pour la partie, d'ailleurs.

 

L'enseignement dans les écoles de publicité et de création vous paraît-il satisfaisant?

B.S. A niveau d'années comparables, certaines écoles sont supérieures à d'autres, simplement parce qu'elles sont plus spécialisées. Aujourd'hui, peu ou pas d'écoles sont capables de répondre à l'intégralité des briefs, tels que nous les posons. C'est dommage, mais cela est compréhensible. Le Web est globalement, et en dépit des apparences, en retard. Par exemple, le brief de cette année, le sujet des Indignés, était une porte grande ouverte à la création d'un dispositif réel, un site en ligne actif. Nous nous attendions à des propositions en état de marche, voire avec déjà des résultats. Mais toutes n'ont présenté que des exercices théoriques. C'est incompréhensible. Et dommage.

 

Quelles sont les relations, au quotidien, entre les écoles et le Club des directeurs artistiques?

B.S. Il n'existe pas vraiment de relation quotidienne entre le Club et les écoles, mais notre concours rassemble de plus en plus d'écoles aux profils différents. Etudiants et écoles sont demandeurs d'un concours «philanthropique» financé et jugé par les professionnels en exercice. On les comprend dans le sens où ce concours est à la fois unique et pragmatique.

 

Pourquoi le Club des directeurs artistiques a-t-il créé en 2002 une catégorie étudiants?

B.S. Ce prix s'inscrit dans la vocation du Club: être une société d'encouragement de toutes les filières graphiques, audiovisuelles et publicitaires. Le Club récompense à l'origine les professionnels de la profession. Avec le concours étudiants, il fait la promotion du futur de la profession et, depuis trois ans, il honore aussi les meilleurs annonceurs, ceux qui «consomment» le mieux la profession. La boucle est bouclée.

 

Pour quelles raisons JCDecaux soutient-il ce prix?

I.S. JCDecaux est depuis de nombreuses années l'ami du Club des directeurs artistiques. Ce partenariat a pris une forme encore plus dynamique, il y a trois ans, avec le soutien particulier au prix étudiants. Cet engagement auprès de la jeunesse correspond bien à nos valeurs: dynamisme, entrepreneuriat, innovation et formation.

 

Soutenez-vous d'autres opérations ou manifestations du même type en France ou dans le monde?

I.S. En France, ce prix, unique dans son genre, est le seul que nous soutenons. Ailleurs, dans le monde, JCDecaux encourage différentes actions destinées à promouvoir la créativité des jeunes.

 

Allez-vous permettre la réalisation «pour de vrai» du gagnant cette année?

I.S. Notre direction de la création et des contenus digitaux étudie en ce moment même comment JCDecaux pourrait aider à une mise en œuvre «grandeur nature» du prix.

 

Les créatifs publicitaires s'intéressent-ils toujours à la publicité extérieure?

I.S. Oui, et c'est tout à l'honneur de ce média de les séduire, génération après génération. Sa portée immédiate, l'immersion de la création et de l'idée au cœur du quotidien, la connivence instantanée avec le public, sont des ressorts puissants et pérennes. Mais l'affiche est aussi un média très exigeant qui nécessite «le meilleur».

 

B.S. La publicité extérieure est toujours un média roi pour nos métiers, mais il est malheureusement maltraité, comme d'autres - la presse quotidienne régionale et la radio -, par les annonceurs et leurs centrales d'achat. Et devient souvent un média d'urgence et promotionnel.

 

Les créations sur les panneaux et dispositifs digitaux sont-elles satisfaisantes aujourd'hui?

I.S. Les progrès sont visibles de semaine en semaine! Il faut laisser le temps aux créatifs de s'approprier ces nouveaux usages du média. Il ne s'agit ni de films TV, ni de Web, mais d'un incroyable champ des possibles au cœur des flux. Certaines réalisations en aéroports ont déjà pleinement utilisé ces ressorts créatifs inédits, en s'adressant aux passagers dans leur langue selon les vols par exemple. Ce ne sont ici que les prémisses d'un formidable bouleversement, qui va offrir aux créatifs un extraordinaire terrain de jeu.

 

B.S. Les créations sur les panneaux et dispositifs digitaux sont un eldorado créatif qui n'est pas encore investi à 100% par les grandes agences ou les meilleurs créatifs. Ceci ne peut que progresser.

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