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Malgré la crise, la communication attire toujours autant les jeunes. Mais, à la sortie de l’école, les déconvenues sont multiples: salaire bas, piston généralisé, boulots précaires et surtout, de longs mois avant de trouver un emploi.

Paradoxe. La communication est un secteur touché de plein fouet par la crise, comme en attestent les 32 000 demandeurs d'emploi dans les secteurs de l'édition et de la communication recensés en juillet 2012 par la Dares, le service statistique du ministère de l'Emploi. Un chiffre très élevé qui n'a été dépassé qu'une fois ces dix dernières années. Et pourtant la «com» continue de faire rêver bien des jeunes. «Je sais bien que la communication est plus touchée par la crise que d'autres secteurs, car c'est la première dépense que l'on sacrifie en période de crise. Mais les entreprises ne pourront pas se passer de communiquer, c'est indispensable pour elles», veut croire César Cornil, étudiant à l'ISCG.

«Dès mon entrée à l'Iscom, les professeurs nous ont dit d'emblée que le secteur de la communication était bouché. Malgré tout, il y a toujours autant de jeunes qui souhaitent y travailler», constate Louis Demarly, diplômé il y a un an. De son côté, Jean, qui vient de trouver un premier emploi de reporter d'images et rédacteur chez Story Box Press, s'étonne «qu'il y ait de plus en plus de formations de journaliste, alors qu'il est de plus en plus difficile de trouver un travail».


Des salaires peu élevés

A la sortie de l'école, les jeunes diplômés «galèrent», comme ils disent. Ainsi, Louis Demarly a méthodiquement contacté la quasi-totalité des agences médias. «Seule une sur cinq m'a répondu pour me dire soit qu'elle cherchait des stagiaires, soit qu'elle ne recrutait pas, soit que le budget de recrutement était gelé, soit que je n'avais pas assez d'expérience... Mais j'ai persévéré.» Et il a fini par trouver le poste de média planneur qu'il recherchait à l'agence Oconnection.
Même son de cloche pour César Cornil, qui «a eu du mal à trouver une entreprise qui veuille [le] prendre en alternance: quasiment toutes recherchaient des stagiaires, qui coûtent moins cher». Finalement, il sera retenu par l'agence de relations publiques 1r2com. Thibault Arnould, sorti de l'Iscom il y a un an, constate qu'«une partie de la promotion cherche encore du travail. Et beaucoup ont préféré continuer leurs études en raison de la crise». Joanna*, diplômée de Sciences po Lyon, a vu «quasiment toutes les boîtes répondre en même temps, fin 2011, qu'elles gelaient les recrutements...»
Théa*, diplômée du Studec en 2006, se souvient avoir été l'une des rares «à sortir de sa promotion avec un CDI». Quant aux autres, «quelques-uns ont réussi, mais beaucoup galèrent, même les très talentueux. La plupart ne font pas ce qu'ils espéraient: ils travaillent dans les relations publics, dans la production TV, quand ils ne vendent pas des voitures...»

Certains jeunes diplômés critiquent leur école: «Une vraie pompe à fric, qui trouvait tous les prétextes possibles pour facturer des suppléments», dit Julia*, diplômée d'une école privée de journalisme. Mais tous reconnaissent que leurs professeurs leur ont ouvert les yeux sur la réalité du marché du travail. «Dans ma promotion au Studec, certains s'imaginaient devenir une star en deux ans, mais les professeurs leur ont expliqué que c'était peu probable, et que le marché du travail était difficile», raconte Théa*. «Beaucoup d'étudiants à l'Iscom avaient des illusions, mais le corps professoral nous a bien refroidis en nous expliquant que c'était difficile, et que les salaires étaient bas. C'était dur à entendre mais nécessaire», abonde Thibault Arnould.

Car nos jeunes diplômés subissent une désillusion supplémentaire en découvrant, derrière les paillettes, des salaires peu élevés. Ainsi, Thibault Arnould, après son diplôme, a prospecté les agences de com, «mais elles proposaient des salaires vraiment très bas pour notre niveau d'études: moins de 1500 euros nets par mois». Finalement, il a trouvé un poste dans l'agence Lifting, en tant que commercial, donc avec un salaire plus élevé. Louis Fouché, en master 2 à Sup de Co Reims, souhaite devenir créatif dans la publicité, mais a découvert que «certains sont toujours rémunérés 1400 euros après 5 ans d'expérience. Heureusement, d'autres gagnent le double ou le triple». De son côté, César Cornil a renoncé à son envie d'être animateur radio car «c'est mal payé, sauf dans les grandes stations». Quant à Tancrède, qui vient d'être admis à l'Institut français de presse, il a fini par accepter que le salaire moyen des journalistes avoisine le Smic: «Si j'avais voulu faire un métier lucratif, j'aurais continué mes études de droit», résume-t-il.

 

Importance du carnet d'adresses

Autre désillusion: les critères de recrutement apparaissent parfois dépassés. «Internet est un secteur très récent et paradoxalement, les entreprises demandent de premières expériences dans le Web. Résultat: les régies Internet disent souvent rechercher des commerciaux, sans arriver à les trouver», constate Hugo Danielian, qui a finalement été recruté par Criteo. «En ces temps de crise, un parcours cohérent et classique rassure les entreprises, c'est déplorable», regrette ce diplômé de l'ESCE.
Autre exemple: Alexis*, diplômé d'une école d'ingénieur, puis d'un master HEC en management et nouvelles technologies. Son objectif était d'intégrer une start-up Internet. «Mais il y avait peu d'offres, et même les start-up exigeaient plusieurs années d'expérience...» Sans compter que la vie d'une start-up n'est pas de tout repos. La première que trouva Alexis -un site de rencontres- fit faillite. La seconde -spécialisée dans le commerce électronique- est «petite, "sous-staffée", mal organisée, manque de process... En somme, il est difficile de savoir où l'on va». Mais Alexis ne se décourage pas: «Je fais quelque chose qui me plait même si ce n'est pas facile tous les jours.»

Last but not least, les jeunes diplômés découvrent l'importance du carnet d'adresses. Thibault Arnould a «l'impression que les recrutements dans les agences de com ne marchent que par piston». Pour Aksel Oz, qui termine un cursus de communication visuelle à l'EPSAA, «la publicité a la réputation d'être un milieu fermé où il est quasi impossible de travailler sans piston. Parfois, on m'a découragé avant même que je tente ma chance, me faisant comprendre que peu de personnes y avaient leur place».
Avec Louis Fouché et deux autres amis, ils ont eu l'idée de créer un blog, Lesfrancspublicitaires.com, où ils interviewent des figures du secteur. «Cela nous a permis de cultiver notre réseau et de trouver notre stage chez BETC», racontent-ils. «Il y a toujours du travail pour ceux qui se bougent», (se) persuade Louis Fouché.

 

* Le prénom a été modifié.

 

Les mutations du métier de journaliste

Les aspirants journalistes sont confrontés à une désillusion supplémentaire: les postes à pourvoir ne correspondent pas du tout à l'idée qu'ils se font du métier. Le plus souvent, il s'agit de produire pour des sites Web des articles à la chaîne (jusqu'à une dizaine par jour) en recopiant des dépêches d'agences ou d'autres sites. Julia*, prise à l'essai une semaine pour un tel poste dans un grand quotidien, a «prié intérieurement pour ne pas être embauchée tant c'était abrutissant». Sa prière sera exaucée...

«Les diplômés de la promotion précédente ont souvent décroché des jobs sans grand intérêt, où ils alimentent des sites Internet», constate Jean, bientôt diplômé de l'IEJ, qui a dû revenir sur sa vision initiale du journalisme: «Pour moi, c'était enquêter, partir sur le terrain, rencontrer des gens, raconter des histoires... Mais c'était une vision idéalisée. Cela ne correspond ni à la réalité de mes stages, ni à l'enseignement reçu à l'école, où on nous apprend à coller à l'actualité immédiate
Tancrède veut encore croire au «rôle social et citoyen» du journaliste, «médiateur entre les faits et le public». De même, Mehdi Gacemi, en DUT de techniques de commercialisation, est attiré par le journalisme pour son «rôle utile», à savoir «témoigner de ce qui se passe sur le terrain». Pour ne rien arranger, les aspirants journalistes sont le plus souvent attirés par les mêmes secteurs (politique, culture, sport), qui, en réalité, n'emploient qu'une maigre fraction de la profession -la majorité des journalistes travaillent dans la presse régionale. Ainsi Mehdi Gacemi, qui veut devenir reporter de guerre, s'enflamme lorsqu'on lui rétorque que c'est mission impossible: « A mon âge, on a quand même encore le droit d'être ambitieux, de vouloir relever des défis?»

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