Après deux burn-out en agences de pub, Souen Lê Vân, artiste dans l’âme, décide de reprendre sa vie en main. Elle migre en Bretagne pour revenir à sa passion qu'est le dessin, sans pour autant mettre de côté sa formation publicitaire.
En 2008, Souen Lê Vân a seulement 20 ans et se fait déjà embaucher par les agences de pub les plus en vogue de Paris. D’abord chez Marcel en tant que directrice artistique puis directrice de création. « À 23 ans, je recevais déjà mes premiers Lions à Cannes. J’avais déjà un bon morceau de carrière, avec de très belles campagnes à mon actif, c’était chouette », aime-t-elle se rappeler.
Sauf qu’au bout de huit ans, elle est victime de son premier burn-out. « La faute ne vient pas forcément de l’agence mais cela reste un milieu très compétitif qui demande beaucoup d’investissement pour sortir des campagnes de qualité. C’est un métier qui n’a pas de mémoire, il faut constamment faire ses preuves. J’ai fini par développer une relation toxique à mon travail », témoigne la créative.
En 2015, elle plaque tout et part en Asie. Un an d'arrêt avant de retourner dans la gueule du loup. Elle décide d'intégrer l’agence Buzzman mais au bout de trois ans, rebelote. « À 32-33 ans, j’étais déjà cramée. » Cramée par la pression et un milieu baigné de clients qui finalement n’ont que faire de la création.
De Trouville à Paimpol
Alors du jour au lendemain, elle troque les pavés parisiens pour le sable fin et déménage à Trouville, en Normandie. Elle s’y sent plus apaisée et prend enfin le temps de revenir à l’essence même de son métier, le dessin. « Au départ, je m’étais lancée dans la production d’une BD très intello, très cinéma d’auteur. À côté de ça, j’ai commencé à dessiner cette femme capitaine, la Trouvillette. C’était ma bulle d’air ! Je m’étais tellement enfermée dans un personnage de parisienne condescendante, engluée dans l’état d’esprit des agences parisiennes qui regardent de haut la publicité populaire et qui détestent les jeux de mots que lorsque j’ai lancé le projet de la Trouvillette, je cachais mon nom par peur des moqueries. J’avais clairement un problème de légitimité. »
Pourtant, si les éditeurs ont fermé leurs portes en recevant la BD intello, la Trouvillette a su trouver un écho. Derrière ce personnage de femme capitaine, féministe et engagée dans le respect de l’environnement, se cache une projection d'elle-même. En témoigne sa rencontre avec un marin, devenu depuis son compagnon, qui la fera migrer à Paimpol, dans les Côtes-d'Armor. La Trouvillette devient alors la Paimpolette.
Un atelier boutique
Grâce à cette femme fictive, son soi rêvé, Souen Lê Vân a ouvert un atelier boutique dans sa ville d'adoption et propose à la vente des œuvres dont des livres pour enfant, mais aussi des tirages qu’elle appose sur des packaging ou t-shirts d’artisans locaux. Aujourd’hui, elle ne regrette rien de son virage professionnel. D'autant que son travail lui permet de bien vivre : elle affirme réaliser son chiffre d’affaires de l’année sur les deux mois d’été, avec une clientèle à 80% féminine.
Lors des périodes creuses, elle continue de bosser en freelance pour des agences. Tous ces projets cumulés ne laissent-ils pas présager une nouvelle forme de pression ? « Si je dois être sincère, en ce moment je travaille 12 heures par jour, mais cette fois-ci je travaille pour mon bébé. Là, ça a du sens et ça soulage la peine. Tout ce que je fais, je le fais pour moi. Et j’ai une assistante qui va rejoindre le navire pour m’aider. » Le temps est venu d'amarrer le bateau .