Il y a dix ans, Jessie Varin ouvrait La Nouvelle Seine, une péniche où se mélangent gastronomie et spectacle. Elle a fait de ce lieu un tremplin pour les humoristes, en particulier les femmes et les minorités.
Dans l’humour, les femmes ont longtemps été aux abonnées absentes du fait de leur manque de mise en lumière. Jessie Varin a renversé la tendance en leur proposant un endroit pour briller : La Nouvelle Seine, une péniche dîner-spectacle nichée en face du 3 quai de Montebello dans le 5e arrondissement de Paris. La fondatrice, originaire de Rouen, ne se prédestinait pas à l’humour, elle qui a baigné dans une culture musicale et les expos qu’elle faisait enfant. « À la télé, je ne regardais pas vraiment ce genre d’émission [humoristique], je n’y prêtais pas attention. À cette époque, j’avais une image assez poussiéreuse de ce milieu », confie-t-elle. Jessie Varin multiplie les expériences dans les festivals, événements qu’elle affectionne tout particulièrement. Elle travaille au sein de ces organisations et souhaite mettre en avant la culture populaire, tout en se spécialisant dans la sociologie pendant ses études.
Derrière cet attrait pour la culture, se cache une ancienne sportive de haut niveau en gymnastique : « J’étais en sport-étude tout mon collège. Je suis persuadée que le sport m’a aidé et m’a beaucoup apporté dans le dépassement de soi », raconte-t-elle. Elle arrive dans la capitale après ses études et se retrouve hôtesse d’accueil au Point-Virgule. En assistant chaque jour à des représentations, elle s’aperçoit de la richesse de cet univers. « Je me suis rendu compte que c’était un vecteur de message de dingue, et que derrière les blagues, il y a un fond de dénonciation. »
Au bout de cinq ans de loyaux services dans la salle parisienne, elle cherche un soir les offres disponibles pour acheter un théâtre dans la capitale. C’est là qu’elle tombe sur cette péniche tenue par un ancien couple de magiciens. Tout de suite conquise par le lieu, elle ne voit pas d’autre choix possible. Mais problème, en tant qu’entrepreneure, peu d’aides sont mises en place et les banques sont difficiles à convaincre. Par le biais d’une amie, elle fait la connaissance d’un couple qui souhaite acheter un restaurant. Naît l’idée de faire de cet espace un endroit où on peut rire et manger. La Nouvelle Seine est inaugurée en juillet 2013. Parmi les artistes qui ont foulé la scène, Blanche Gardin, Audrey Vernon, Rosa Bursztein…
C’est en sollicitant des humoristes aux discours engagés que la directrice artistique a davantage impulsé les réflexions autour des questions d’égalité, de féminisme, et transformé cette salle en terrain d’expression. « C’est important de donner la parole à des personnes aux parcours différents. Je me rends régulièrement au Festival d’Avignon pour déceler les prochains profils. » Toujours en quête de nouveautés, elle a transformé depuis juin sa partie restauration en résidence culinaire, en invitant tous les deux mois un(e) chef(fe) qui proposera une nouvelle carte. La Nouvelle Seine, qui fête ses dix ans, a vu sa convention d’occupation temporaire renouvelée pour les dix prochaines années. Avec sa « pugnacité », comme elle le dit elle-même, Jessie Varin poursuit son ambition de mettre en avant ces humoristes engagés, tout en développant la partie restauration de ce lieu.