Pour espérer accélérer la transition alimentaire, il convient d'exploiter cette convergence inédite entre climat, santé et pouvoir d’achat. Sans oublier la dimension plaisir.
« On aimerait que vous passiez à l’énergie verte pour d’autres raisons que le prix. » Il y a quelques semaines, la campagne d’affichage dans le métro parisien pour La Bellenergie, un « fournisseur d’énergie verte et française », a attiré particulièrement mon attention. Ce slogan vient titiller les freins et leviers du changement vers une consommation plus responsable. Elle joue sur le décalage évident entre nos idéaux projetés par les sondages et nos comportements de consommateurs du quotidien.
En effet, alors que l’on déclare (le papier ne refuse pas l’encre) un engagement pour des causes environnementales ou encore de justice sociale, au moment de passer en caisse, nous arbitrons le plus souvent en fonction de critères beaucoup plus basiques comme le prix.
Relier les enjeux entre eux pour créer du sens
Ainsi, pour espérer engager le plus grand nombre, il faut non seulement faire un lien entre tous ces enjeux, mais veiller à prioriser les bénéfices individuels par rapport aux bénéfices collectifs.
Ce type d’argumentation résonne particulièrement dans une société de plus en plus individualiste, où les thèmes liés au destin commun ont du mal à émerger. Par ailleurs, il révèle aussi que nous sommes défiants, lorsque l’on nous projette sur des impacts sur le temps long ou sur des dimensions difficilement contrôlables. C’est, par exemple, le cas de la promesse de ruissellement des revenus vers les agriculteurs, ou la durabilité de certaines démarches agricoles.
Biocoop, qui s’adresse à une cible particulièrement engagée et avancée dans la transition alimentaire, peut se permettre de communiquer en vitrine de ses magasins sur « La bio : la solution pour le climat ». Mais ce type d’argumentation risque de ne pas embarquer de façon plus large. Autre exemple avec cet article « Moins de barbaque pour sauver la baraque », publié dans Libération il y a quelques jours. La formule est percutante, mais dans la réalité elle s’avère contre-productive. En effet, manger moins de viande devrait être présenté comme meilleur pour son budget, pour sa santé et, aussi pour la planète.
Prioriser les bénéfices individuels
Trois exemples se révèlent particulièrement inspirants. D'abord, cette communication incitant les habitants de l’agglomération de Tours à préférer les transports en commun. L’argumentation met en avant trois points : « c’est économique, c’est bon pour la santé et c’est tendance ». On notera que l’aspect écologique n’est pas utilisé et que l’argumentation « tendance » vient jouer habilement sur les représentations sociales, un puissant levier du changement.
Autre exemple avec une affiche d’Interfel (la collective des fruits et légumes frais) faisant la promotion des fruits de saison : « Consommés à la bonne saison, les fruits et légumes frais restent légers dans votre budget. » Le slogan utilise le levier économique comme argumentation principale. Dans la réalité, on aurait tout intérêt à continuer à dérouler le fil de l’argumentation en montrant que consommer de saison est également une garantie d’acheter des produits meilleurs gustativement et avec un impact environnemental moindre.
Enfin, prenons le cas de FIG, une association indépendante qui accompagne les restaurateurs dans leur transition environnementale avec à la clef, la réduction de leur empreinte carbone. Pour espérer convaincre les restaurateurs, l’association met en avant une promesse de réaliser des économies en luttant à la fois contre le gaspillage et aussi en rééquilibrant la part des protéines animales par rapport aux protéines végétales dans les assiettes.
Repositionner le plaisir de mieux-manger au coeur des récits
Exploiter la convergence des bénéfices pour le consommateur est une véritable opportunité d’accélération de la transition alimentaire et doit pouvoir inspirer les récits et les stratégies d’innovation. Mais il est nécessaire de veiller à bien hiérarchiser les messages pour espérer embarquer au-delà des déjà convaincus.
Enfin, et peut-être même surtout, il est indispensable de relier le plus possible les argumentations rationnelles aux bénéfices gustatifs car, ne l’oublions pas, il n’y aura pas de transition alimentaire sans le plaisir positionné au cœur du mieux-manger.