Une nouvelle étiquette semble avoir émergé du confinement et de la découverte des Teams et autres Zoom : l’injonction à se faire voir. Que peut bien cacher cette tyrannie de la monstration ?

Laissez-moi vous confier une expérience très personnelle, répétée, de plus en plus fréquente et de plus en plus pénible. Une blessure ? N’exagérons rien. Un profond agacement, ça, c’est certain. Une nouvelle étiquette semble avoir émergé du confinement et de la découverte des Teams et autres Zoom : l’injonction à se faire voir. De plus en plus, les interlocuteurs se froissent de ce que l’on n’allume pas sa caméra, comme si l’on avait gravement manqué à la politesse la plus élémentaire. 

Mais a-t-on vraiment envie de montrer son intérieur, son compteur Linky en arrière-plan, les scories de son intimité ? Est-on toujours, pour paraphraser Norma Desmond, pathétique héroïne de Boulevard du Crépuscule, «ready for my close-up » [prêts pour son gros plan] ? Parlons-en, des gros plans ! Sur ces images de piètre qualité, ce qui est le plus souvent donné à voir, ce sont des visages en contre-plongée aux quadruples mentons, aux pores dilatés, à l’épiderme luisant. Plaisir scopique : néant. 

Autrefois, on se passait des coups de fil et on n’en était pas plus malheureux. Alors, que peut bien cacher cette tyrannie de la monstration ? Un puéril «je te montre la mienne, alors montre moi la tienne ? » Ou un désir, beaucoup plus pernicieux, de contrôle, de panoptique sur Teams, d’étiquette fliquette ? En ce début 2024 déjà bien ubuesque, prenons cette saine résolution : éteignons nos caméras. Autorisons-nous un peu de hors-champ. Ca fera du bien à la planète. Et si la rencontre Zoom est si belle, on se reverra en chair et en os. Ou pas, d’ailleurs. C'est tout bête : ça s’appelle la liberté. 

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