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Relancé en grande pompe avec le 17 mars, le nouveau France-Soir devra batailler pour se faire une place dans les kiosques.

Racheté il y a plus d'un an par le jeune milliardaire russe Alexander Pougatchev, France-Soir a mijoté sa relance pendant ces derniers mois, jurant de retrouver son lustre de la belle époque, quand le quotidien de Pierre Lazareff tirait à 1 million d'exemplaires par jour. Objectif affiché: ramener le quotidien moribond à 200 000 exemplaires, contre 22 000 en 2009.

Mais à ambition exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Et malgré le scepticisme ambiant, pour relancer son poulain, Alexander Pougatchev n'a pas hésité à aligner plusieurs dizaines de millions d'euros pour recruter une véritable rédaction (90 journalistes) et financer un déménagement sur les Champs-Élysées. Le 16 mars, c'est au dernier étage du Centre Pompidou que France-Soir met la dernière main à sa relance, avec une soirée d'inauguration à 100 000 euros. Le monde des médias et quelques people accourent pour baptiser au Ruinart Rosé le nouveau France-Soir sur fond de concert de Thomas Dutronc.

Pour assurer la visibilité du quotidien, une large campagne publicitaire de 20 millions d'euros brut a pris d'assaut jusqu'au 16 avril les panneaux du métro et les écrans de télévision pour vanter le nouveau prix de vente du quotidien: 0,50 euro, le moins cher du marché. Pour séduire les lecteurs potentiels et écouler les 500 000 exemplaires prévus pour son lancement, des hôtesses le distribuent à côté des kiosques.

Fortes progressions en province

Mais seulement deux jours après sa relance, premier couac pour le quotidien: il publie en première page une photo de Johnny Hallyday à Saint-Barthélemy en train de se baigner avec sa femme et l'une de ses filles. Mais le cliché datait en réalité de 2006, et le journal a affirmé avoir été abusé par l'agence Abaca Press.

Dix jours après sa renaissance, l'heure du premier bilan s'impose. Le titre a annoncé le 31 mars une diffusion France payée moyenne de 110 000 exemplaires, soit une progression de… 450%. Le même jour, Le Parisien-Aujourd'hui en France renonçait à tout plan de départs, notamment du fait d'un «environnement concurrentiel renforcé» – entendez la sortie du nouveau France-Soir.

Une belle performance, mais qui est contestée par nombre d'acteurs du marché, qui estiment que la diffusion du quotidien est en réalité bien en dessous de la barre des 100 000 exemplaires. Pour le moment, les plus belles progressions se sont faites en province. «En région Paca, nous avons multiplié les ventes par 14, dans le Nord par 12», rappelle Christiane Vulvert, directrice générale déléguée de France-Soir. «Mais au lieu de fléchir après le lancement, chaque jour nous enregistrons des progressions de nos ventes en kiosques», se félicite-t-elle.
Pour le moment, France-Soir a débauché quelques milliers de lecteurs au quotidien du groupe Amaury, Aujourd'hui en France. Mais c'est surtout grâce à sa rubrique hippique qu'il a détourné une partie des lecteurs de quotidiens comme Paris-Turf ou Paris-Courses, plus chers.

Le pari est loin d'être gagné. France-Soir doit maintenant s'attaquer à ses invendus. Le tirage, descendu à 400 000 exemplaires, doit progressivement diminuer jusqu'à 250 000. Le prix de vente du week-end, où le quotidien est vendu avec TV Magazine, a également été remonté à 0,90 euro.
«Le problème, c'est qu'ils veulent aller trop vite : France-Soir a mis trente ans à couler, il ne se relèvera pas en six mois», note Patrick Eveno, historien de la presse et maître de conférence à l'université Paris I. En son temps, Axel Springer avait tablé sur un investissement de 300 millions d'euros sur cinq ans afin d'installer sur le marché son quotidien populaire Bild.

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