cinéma
Carine Roitfeld, directrice de la rédaction de Vogue de 2001 à 2011, qui inventa le porno-chic, se voit consacrer un documentaire, en salles le 16 octobre.

Avant de devenir une icône, elle était déjà un personnage: celui du Diable s'habille en Prada de Jacqueline Follet, ennemie jurée de la terrible Miranda Priestley. Un film médiocre, très grand public et cousu de fil blanc: le diable avait les cornes d'Anna Wintour, papesse du Vogue US, tandis que son éternelle rivale, chevelure de jais et accent français à couper au couteau, rappelait l'allure affûtée de Carine Roitfeld.

La compétition se poursuivra-t-elle en salles? Anna Wintour était certes une figure centrale, mais pas la seule, de The September Issue (2009), documentaire de R.J. Cutler sur la réalisation du «spécial mode» de Vogue, le plus gros numéro de l'année. Carine Roitfeld, quant à elle, constitue l'unique objet des attentions de Fabien Constant dans Mademoiselle C, sorti le 11 septembre aux Etats-Unis et le 16 en France.

Muse d'acier

Carine assure le show sur les tapis rouges, Carine ne trébuche jamais sur ses stilettos, Carine est toujours «happy», Carine est le genre de femme à proférer des phrases du genre: «Je ne lâche rien.»«Quand j'arrive à la douane, on doit toujours écrire son métier, et je ne sais jamais quoi dire: doit-on écrire "Fashion editor"? Doit-on écrire "Image Maker"? Ça m'intéresserait de le savoir, pour ma prochaine fiche d'immigration», avoue Roitfeld, faussement modeste et toujours minaudeuse, à 59 ans, à demi cachée derrière un rideau de cheveux raides.

Sous sa férule, pendant dix ans, les ventes du Vogue français ont bondi (de 98 892 exemplaires en 2007 à 121 103 en 2011, DFP). On lui doit l'invention du porno chic. Celle qui se voit surtout comme «une inventrice d'histoires» fut, comme elle le rappelle «la muse de Tom Ford, la styliste de Mario Testino».

Son conte enfantin un brin pervers, qui montrait, en 2011, des petites filles fardées et bijoutées comme les plus rompues des courtisanes, lui coûta, raconta-t-on alors, son poste à la tête de Vogue, où elle fut remplacée par Emmanuelle Alt, liane en noir et blanc beaucoup plus «low-profile».

Passage à l'ennemi

La nostalgie est encore palpable. Carine Roitfeld le reconnaît dans un soupir: «Quand on quitte Vogue, il faut déposer sa couronne.» Et, aussi, affronter les embargos de Condé Nast, son ancien employeur, qui interdirait à certains photographes de travailler pour le nouveau magazine de Carine, CR Fashion Book.

Lèse-majesté: l'ancienne reine de Vogue est passée à l'ennemi. Depuis octobre 2012, Carine Roitfeld est devenue directrice de la mode du concurrent, Harper's Bazaar (groupe Hearst). C'est donc elle qui supervise l'ensemble des éditions du mensuel qui... sera lancé début 2014 en France par le groupe Marie-Claire. Y marquera-t-elle l'empreinte de ses talons aiguilles?

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