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Qualité des contenus, développement du contrôle parental, réduction du temps d’écran… Les médias pour enfants mettent en avant le caractère sécurisé de leurs plateformes et applications. Démonstration avec Gulli et Okoo. Un article également disponible en version audio.

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Les enfants et le numérique : la question est hautement sensible. Elle recoupe une multitude de sujets, qu’il s’agisse des freins au développement du cerveau pour les moins de trois ans, de la collecte des données personnelles, de l’influence et de la publicité ciblée, des risques de cyberharcèlement dès l’entrée au collège, sans oublier la menace pédocriminelle. Mais derrière cet angoissant abîme, la réalité est la suivante : le temps passé devant les écrans par les petits Français (âgés de moins de six ans) a augmenté ces dernières années, d’après une étude d’envergure nationale relayée en avril par l’AFP. Ainsi, quotidiennement, les enfants passent en moyenne 56 minutes devant les écrans à l’âge de deux ans, 1h20 à trois ans et demi, puis 1h34 à cinq ans et demi.

Autre fait surprenant de cet état des lieux des usages digitaux des enfants : l’avancée de l’âge du premier smartphone. En 2020, Médiamétrie révélait que les enfants recevaient leur premier smartphone à l’âge de neuf ans et neuf mois. Et si les réseaux sociaux sont interdits aux moins de 13 ans, 87 % des enfants de 11-12 ans disent y avoir un compte (hors YouTube) et y publier du contenu régulièrement, d’après la dernière étude « Born Social » de l’agence digitale Heaven en partenariat avec l’association Génération Numérique. Les réseaux sociaux les plus populaires auprès des mineurs interrogés sont Snapchat (54,5 %), TikTok (44,2 %) et Instagram (23,6 %). Mais l’application la plus utilisée est l’indétrônable YouTube (59,5 %).

Vérification manuelle

YouTube a d’ailleurs lancé en 2014 YouTube Kids, une plateforme sans collecte de données (contrairement à sa plateforme principale accusée de récupérer les données des moins de 13 ans), disponible en France depuis 2016. Les vidéos de cette plateforme pour enfants de 3-9 ans sont vérifiées manuellement par des employés de l’entreprise, propriété de Google. « Il y a toujours un risque que votre enfant accède à des contenus qui vous semblent inappropriés. Vous pouvez signaler ces contenus pour que nous les examinions dans les plus brefs délais », prévient dès l’inscription la plateforme américaine qui a le bénéfice d’être entièrement gratuite. Des contenus choquants, voire dangereux, peuvent passer entre les mailles de sa modération. En 2019, le média Clubic relatait un fait sordide : aux États-Unis, une mère a eu la très mauvaise surprise de découvrir un tutoriel pour se taillader les veines glissé en plein milieu d’un dessin animé.

En France, des alternatives gratuites à YouTube Kids existent et revendiquent la sécurité de leurs écosystèmes fermés. C’est notamment le cas d’Okoo, la plateforme sans publicité pour les 3-12 ans de France Télévisions, média du service public, qui a été lancée en 2020. Okoo dispose d’un paramétrage commun aux applications pour enfants. Comme sur YouTube Kids, il s’agit de résoudre une opération mathématique facile comme 31 x 2. « C’est un premier verrou que seuls les parents ou les enfants d’un certain âge peuvent débloquer », commente Amandine Roussel, directrice de la programmation de la plateforme de divertissement. Chez sa concurrente du privé, la chaîne Gulli, du groupe M6, cette première barrière consiste à taper un chiffre écrit en toutes lettres.

Une fonctionnalité de Gulli qui est sortie début mai, avec sa nouvelle application gratuite « téléchargée plus de 800 000 fois en quelques semaines », exulte Julien Figue, directeur délégué adjoint jeunesse du groupe M6. Derrière cette refonte, il y a la société Go&Up, cofondée par Julien Vivier. Pour ce dernier, construire un écosystème digital pour les enfants comporte une complexité assimilable à la sécurisation des applications bancaires. « Au sein de l’application, il faut concevoir le parcours des adultes, avec un “parent gate” (un paramétrage et un suivi de consommation), et les parcours des enfants qui, au sein d’un même foyer, n’ont pas forcément le même âge. Cela implique une interface qui s’adapte en fonction de l’utilisateur », décrit-il. Et pour limiter l’effet zapping des enfants, Julien Vivier révèle que le player n’est pas cliquable avant cinq secondes, « pour forcer le focus ». Du côté des magasins Google Play et App Store d’Apple, le développeur rappelle qu’il existe des critères spécifiques pour les applications soumises dans les catégories enfants, aussi bien en termes de fonctionnalités, de recueil des données que de publicité.

Une « éditorialisation très fine »

« Les enfants aiment se rassurer avec un héros ou une histoire. Ils aiment la répétition. Nous souhaitons aussi les ouvrir à d’autres choses », souligne Amandine Roussel. Ainsi, sur Okoo, la plateforme aux 8000 épisodes disponibles, il n’y a pas d’algorithme mais une recommandation humaine avec une équipe qui flèche les contenus par âge. « C’est une éditorialisation très fine qui tient compte du calendrier, des saisons et des nouveautés de notre catalogue », poursuit Amandine Roussel. Quant à la qualité des contenus, Julien Figue rappelle la réglementation : « Nous ne devons pas susciter une mauvaise alimentation. Dans les dessins animés commandés ou produits par Gulli et M6, nous faisons en sorte que les personnages ne consomment pas de sodas », illustre-t-il. Un comité d’éthique se réunit aussi deux fois par an avec des pédopsychiatres, des enseignants et des parents d’élèves pour discuter des programmes de la chaîne, affirme le directeur délégué adjoint qui se dit soucieux de la bonne représentativité de la diversité des milieux sociaux sur Gulli.

Toutes les plateformes pour enfant, qu’elles soient gratuites ou payantes, disposent d’une fonctionnalité de limitation du temps de visionnage dans les contrôles parentaux, que ce soit à la minute ou à l’épisode. Mais, et c’est peut-être la nouveauté de cette année 2023, les applis cherchent à se diversifier et à sortir les enfants des écrans. Comment ? Par les contenus audio. « Nous avons lancé nos premiers podcasts le 7 juillet, s’enthousiasme Amandine Roussel. Il y en a pour tous les âges avec Askip, c’est les vacances ! pour les adolescents, Edmond et Lucy pour les petits de trois ans, Foot2rue ou encore LoliRock à partir de six ans ». Même chose chez Gulli depuis le mois d’avril avec, entre autres, Le podcast des bizarres, une création sonore autour du personnage Mortelle Adèle qui répond aux questions que lui posent les enfants, en toute sécurité.

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