L’audio digital trouve enfin sa place dans les plans de communication et les plans médias des annonceurs. Présentation d’un secteur en pleine effervescence. Un article également disponible en version audio.

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La monétisation de l’audio digital poursuit sa folle ascension sans toutefois atteindre des sommets. Entre 2019 et 2023, les investissements publicitaires ont crû de 74 %, avec 3,7 fois plus d’annonceurs, d’après le Baromètre de l’audio digital de Kantar Media, « mais sur des petits investissements », tempère Julien Mosse, président et fondateur d’Edisound, ad tech spécialisée dans la diffusion de l’audio digital. Il n’empêche que, d’après le Syndicat des régies internet (SRI), 73 millions d’euros ont été investis en publicité audio digital en France en 2022. « Pour 2023 [dont les chiffres devaient être publiés le 6 février], on pourrait être autour de 100 millions d’euros », estime le spécialiste. Prolongement logique de la radio, ce sont les distributeurs qui sont les plus gros pourvoyeurs de publicités sur l’audio digital avec E.Leclerc, Auchan et Lidl pour trio de tête. Malgré ce bilan positif, les investissements dans l’audio digital restent bien en deçà des investissements dans la vidéo (en comparaison, 809 millions d’euros ont été investis dans la vidéo en ligne en 2022) et ne sont pas à la hauteur des audiences en forte progression (lire p. 33).

Aberration française

Plusieurs raisons expliquent ce décalage, selon Hortense Thomine-Desmazures, directrice générale adjointe chargée du digital, de l’innovation et du marketing de M6 Publicité, la régie de RTL, RTL2 et Fun Radio. « Le pricing de la radio reste très économique. Un contact en radio coûte moins cher qu’un contact en digital », débute-t-elle. Une aberration française, d’après l’un de ses pairs. « La radio est aussi un média très plébiscité sur les ventes », poursuit-elle. La radio est perçue comme le média ROIste par excellence, celui du coup de volant (le spot promotionnel ayant un effet immédiat sur l’automobiliste). Pourtant, l’audio digital convainc de plus en plus, en particulier pour ses promesses de couverture additionnelle (+13 % énonce une plaquette de Lagardère Publicité News), surtout auprès d’une cible jeune, et de son attention publicitaire auprès d’une audience captive et qualifiée. « Fin 2023, nous avons introduit une technologie permettant de traquer le drive-to-web afin de parler le même langage que les annonceurs digitaux », explique Clément Berthet, directeur général adjoint de la régie NRJ Global. « On s’engage sur des KPI, notamment sur les audiences et la visibilité », informe pour sa part Marion Girard, directrice de Louie Creative, l’agence de création du studio Louie Media. « Notre ad network (podcasts replay, natifs, text-to-speech, plateformes de streaming) compte 45 millions d’utilisateurs uniques par mois : c'est aussi robuste que ce que l'on peut observer sur le display ou la vidéo », fait valoir Kamel El Hadef, cofondateur d’Audion.

Quant aux formats publicitaires, « le pré-roll reste le plus populaire sur le flux premium et le podcast », expose Franck Godin, directeur général adjoint radio & digital de Lagardère Publicité News, la régie commerciale d’Europe 1, RFM ou encore Oüi FM. « Courant 2023, nous avons développé le format mid-roll sur l’audio digital et notre objectif 2024 est de développer le post-roll alors que nos taux de complétion y sont favorables », poursuit-il. À côté des adservers, la publicité digitale peut s’exprimer via le « host read ». L’animateur ou l’animatrice lit un discours commercial, souvent coécrit avec l’annonceur. Au sein de NRJ Global, on cite la sponsorisation de la saison 4 du podcast pour enfants Conte-moi l’aventure par Petit Filou de Yoplait qui, en post-test, a fait gagner 16 points de considération à la marque chez les auditeurs exposés. Le label Orso Media, qui regroupe 24 podcasteurs indépendants dans les domaines de la finance, fait de l’host read [publicité lue par l'animateur du podcast] sa spécialité. « Nous faisons de l’insertion dynamique : le message publicitaire est enregistré séparément du podcast afin de l’insérer, généralement après le générique, sur une période donnée », explique Thomas Alombert, head of partnerships et associé d’Orso Media. Un message publicitaire de 2024 peut, par exemple, être entendu en pré-roll d’un épisode de 2019 du podcast Génération Do It Yourself de Matthieu Stefani.

Voix Louie

Chez Louie Media, c’est une « voix Louie » qui incarne les messages publicitaires, comme pour le podcast dénicheur de talents Pépites, actuellement sponsorisé par SNCF Connect. D’autres formes de partenariat sont possibles, jusqu’au podcast de marque, souvent produit en marque blanche. Louie Creative a ainsi élaboré des podcasts pour Crédit agricole, Kenzo, L’Occitane ou encore Blissim. « CMI France est entré au capital de Louie Media en 2022 et nous envisageons des connexions entre le podcast et d’autres contenus (écrit, vidéo, événementiel) en partenariat avec les autres titres du groupe, ajoute Marion Girard. La diversification est un sujet pour les acteurs de l’audio digital. » Première synergie visible : la création du podcast Les Vagues avec le magazine Elle. Les plateformes de streaming développent aussi leur monétisation avec les lancements de nouveaux formats, orientés mix média. Gautier Drouard, director of advertising operations de Deezer, plateforme engagée pour une meilleure rémunération des artistes, évoque un nouveau format lancé en janvier 2024 : la vidéo instream qui, selon ses dires, aurait déjà séduit une marque du luxe. Côté Lagardère News, on souligne l’importance du social media : le sponsoring de la revue de presse d’Olivier de Lagarde est ainsi proposé en radio et en vidéo.

Les régies des radios se lancent aussi dans une course aux impressions avec l’expansion de leurs inventaires sur l’audio digital. En octobre, Lagardère Publicité News a annoncé la commercialisation des inventaires de Crooner Radio, Sonos Radio et BTLV. Du côté de NRJ Group, on communique sur la création d’un « hub audio digital » rejoint par Brut et Nova. « On se positionne en one stop shop pour que ce soit plus facile pour les agences média d’accéder au marché de l’audio digital », commente Clément Berthet. Si les professionnels font preuve de corporatisme, il y a un sujet qui en irrite plus d’un : la monétisation des audiences par un certain agrégateur international, TuneIn. Enfin, si l’on déborde du cadre de la monétisation, l’audio digital est aussi un sujet investi par les agences RP, à l’instar d’Hopscotch PR qui a développé son pôle HopCast avec des clients invités par les plus gros podcasteurs.

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