Avec une chronique et une émission quotidienne sur France Inter, l’humoriste Matthieu Noël titille ses camarades et invités. Toujours pertinent, un rien impertinent. Jamais méchant.

D’habitude, c’est lui qui tire le portrait des autres. Il le fait tous les matins sur France Inter à 7 h 57 en brocardant l’invité qui l’a précédé mais surtout en étrillant ses camarades, comme Nicolas Demorand et Léa Salamé. « J’ai tout de suite compris qu’elle adore qu’on se moque d’elle », avoue Matthieu Noël devant un jus détox dans ce café de son quartier, le 10e arrondissement. Yaël Goosz, le jeune chef du service politique ? « Il me donne parfois des idées de vannes en sortant du studio », dit-il. Quant à Dominique Seux, l’éditorialiste des Échos, il est peint en magnat du libéralisme triomphant. « France Inter étant vu, à tort, comme une radio de gauche, je me plais à le mettre en valeur. Et quand il n’est pas dans ma chronique, il me le fait remarquer avec regret ».

Son humour se veut apolitique. « J’aime bien dénoncer les tartuffes mais je suis moins efficace dans un registre militant. J’ai envie d’une soupape de détente qui ne se transforme pas en édito ». Tacler ses camarades, Matthieu Noël en a fait sa signature dès 2010 dans l’émission C à vous où il est resté sept ans. Il croquait irrésistiblement Anne-Sophie Lapix sous les traits d’une baronne. « Mon humour repose sur l’autodérision et surtout l’autodérision de groupe. Et s’il y a quelqu’un que je n’apprécie pas trop, jamais je ne le raillerai. »

Seul Fabrice Luchini, dont il avait, à ses débuts sur France 5, moqué les folles envolées, s’était vexé. « Je déteste faire le buzz donc je n’avais pas répondu. J’étais pétrifié de terreur et triste car il fait partie des hommes qui m’ont inspiré pour vivre de sa plume et faire ce métier. Il ne voulait plus venir à l’émission jusqu’à ce que, des années plus tard, on me questionne sur cette séquence dans une émission média. J’ai expliqué mon regret. À peine sorti du studio, il m’a appelé très gentiment. La semaine suivante, il était de retour dans l’émission. »

Faire rire quand on n’aime pas le conflit relève de la gageure et signe le style Noël. L’humoriste compense son absence de malveillance par des piques et des montages savoureux, des sons qu’il isole et détourne dans sa chronique du matin. L’après-midi, place à une émission « plus audacieuse qu’un billet d’humour » reconnaît-il. Lui, qui avoue douter et se lasser de tout, savoure Zoom, Zoom, Zen. « Je suis heureux de l’alchimie qu’on a trouvée. L’émission mêle humour, humeur et fond autour d’un thème. Je signerai pour dix ans si on me le demandait », sourit-il.

Cage dorée

Matthieu Noël a passé 17 ans sur Europe 1, occupant toutes les cases de la grille : « J’y étais bien, comme dans une cage dorée. Comme je ne suis pas très carriériste, on est toujours venu me chercher ». L’offre de France Inter l’a convaincu « J’ai surmonté mon côté suisse très poli et qui ne veut jamais déranger en saisissant ma chance à 40 ans et en acceptant de remplacer dans la matinale Charline Vanhoenacker que j’admire énormément et qui m’a très bien accueilli », assure-t-il.

Mais il a fermement refusé de prendre sa suite à 16 heures la saison dernière. « Je n’ai pas du tout voulu qu’on puisse imaginer que j’avais fait un coup à trois bandes en la remplaçant le matin puis la saison suivante l’après-midi ». Ses deux quotidiennes lui valent « une vie monacale mais un peu rock’n’roll », aime-t-il à penser. Soit un coucher à 21 heures, une belle amplitude horaire à Radio France de 5 heures du matin à 18 heures avec une pause d’une heure dans une salle de sport attenante et un déjeuner en solo à la cantine à 11 h 45.

Il se ressource avec sa femme et ses deux enfants de 11 et 2 ans dans sa maison de campagne le week-end. Marc-Olivier Fogiel, directeur général de BFMTV, l’a connu stagiaire, encore à Sciences Po : « Il rédigeait des fiches riches, intéressantes en faisant preuve d’une culture très variée. J’ai été touché par la façon dont il s’imposait des contraintes tout en voulant les dépasser. Son originalité et sa force de travail m’ont marqué, même s’il doutait parfois d’être à la hauteur. Quand j’ai fermé ma boîte, c’est la seule personne que j’ai emmenée avec moi sur Europe 1 ».

« Ce stage de fin d’études a fait basculer ma vie, se souvient Matthieu Noël. Pour moi, il y avait les arts majeurs, dont le cinéma qui me faisait rêver, et mon idole de l’époque était Édouard Baer. Je lui avais même écrit et donné à lire un scénario de 212 pages, ce qui ne se conçoit jamais. Et il y avait les arts mineurs dont la télé, fait par des rigolos, pensais-je. Marc-Olivier Fogiel m’a donné l’idée de faire de l’antenne, pour montrer mon style et ma patte. Je n’y aurais jamais pensé ».

Parcours

1982. Naissance à Genève de parents français traducteurs pour l’ONU.

2004 - 2005. Stagiaire chez PAF Productions, dirigé par Marc-Olivier Fogiel. Fiches pour Vous écoutez la télé sur France Inter. Première chronique dans Le fou du roi de Stéphane Bern.

2008-2020. Assiste Marc-Olivier Fogiel à la matinale d’Europe 1 et y devient chroniqueur. Chroniqueur chez Michel Drucker dans Faites entrer l’invité, animateur de la petite matinale en 2018.

2010-2017. C à vous, débriefing humoristique de l’émission de la veille.

2020-2022. Coprésente Historiquement vôtre avec Stéphane Bern.

Depuis 2022. France Inter, billet d’humour de 7 h 57 et animateur de Zoom Zoom Zen à 17 heures.

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