L'Arcom va devoir étendre son contrôle du pluralisme de l'information dans l'audiovisuel, au-delà du temps de parole des personnalités politiques. Le mode d'emploi est loin d'être évident.

« Il ne faut pas une usine à gaz » et « il ne s'agit pas de conforter des lignes éditoriales contre d'autres. » C'est ce qu'a estimé Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), ONG à l'origine de la décision mardi 13 février du Conseil d'Etat élargissant les pouvoirs de l'Arcom. Le régulateur va devoir se prononcer à nouveau dans les six mois sur le respect de ses obligations par CNews, la chaîne dans l'escarcelle du très conservateur Vincent Bolloré, que visait RSF.

Le site Les Jours vient d'enquêter sur ce que déclarait CNews à l'Arcom, révélant que le temps de parole du souverainiste Philippe de Villiers, qui a son émission sur la chaîne, n'y figurait pas. La polémiste Eugénie Bastié, qui intervient régulièrement à l'antenne, s'est inquiétée le 13 février d'un possible « contrôle de la liberté d'expression », après la décision du Conseil d'Etat. « Va-t-on obliger les chroniqueurs à déclarer pour qui ils votent ? Si un chroniqueur se déclare de gauche, mais tient des propos contre l'insécurité, sera-t-il classé d'office à droite ? », s'est-elle interrogée sur X.

Dans le détail, la plus haute juridiction administrative a demandé que l'Arcom contrôle que « les chaînes assurent, dans le respect de leur liberté éditoriale, l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinions en tenant compte des interventions de l'ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités ».

Contributeurs aux think-thanks marqués politiquement

L'économiste Julia Cagé, marquée à gauche, a rappelé récemment devant des députés que « des chaînes comme CNews changent leur programmation » pour davantage « d'information-divertissement », « mettant en scène des débats opposant des éditorialistes et des "spécialistes" », ce qui « leur évite d'inviter des personnalités politiques et elles échappent ainsi aux règles de l'Arcom ». Avec d'autres chercheurs, elle a notamment suggéré d'ajouter à la liste des personnalités politiques les contributeurs aux think-thanks marqués politiquement, les participants aux universités d'été des partis et les signataires de tribunes en faveur d'un candidat aux élections.

L'historienne Claire Sécail préconise elle de créer « un baromètre du pluralisme des contenus à la télévision » : il pourrait notamment « s'appuyer sur des données déclaratives et subjectives fournies par les intervenants, qui se positionneraient eux-mêmes librement sur une échelle d'opinions ». François Jost, sémiologue et professeur en sciences de l'information, dont une étude sur CNews est venue appuyer le recours de RSF, plaide aussi pour une analyse « qualitative ». « Faire une émission sur la religion catholique sur une chaîne n'est pas aussi un courant de pensée qu'il faudrait prendre en compte ? », demande-t-il par exemple au sujet du talk show En quête d'esprit, diffusé sur CNews.

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