Avec MeToo en 2017, le mouvement de libération de la parole a eu des répercussions profondes. Dans cette continuité, les festivals féministes ont émergé, afin de mettre en lumière ces sujets pour l’égalité durant un week-end dans l’année.
Les festivals féministes sont de plus en plus présents en France, avec au moins une dizaine de répertoriés. Le principe de base reste le même, mais contrairement à un week-end « classique », les enjeux de ces rendez-vous annuels sont plus grands : se réunir autour de problématiques sociétales, en donnant la parole à des minorités. Il y avait déjà le Cineffable créé en 1989, qui est le festival international du film lesbien et féministe de Paris, ou encore celui du magazine féminin Causette, organisé en 2017 à Bordeaux. Le mouvement #MeToo a donné une raison supplémentaire d'en faire émerger davantage, autour de différents axes comme l’afroféminisme, l’écoféminisme, ou encore sur l’initiative citoyenne, et bien d’autres. Stratégies a interrogé quelques-unes de ces initiatrices.
« Cela nous permet d’offrir un espace de visibilisation à des artistes qui traitent de ces sujets et qui ont tendance à être dans des cases pour répondre à un cahier des charges, et à un pourcentage de représentativité. Notre idée, c’est de donner de la lumière à des problématiques actuelles, et de le faire dans un espace “safe” », présente Sephora Haymann, actrice et dramaturge, cofondatrice du WeToo Festival. Lancé en 2020 aux côtés de Cécile Martin, Caroline Sahuquet, et Del Kilhoffer – qui a quitté la direction –, cet événement est porté par l’association Mi-fugue Mi-raison, une fabrique culturelle féministe engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, ainsi que contre toutes les discriminations. Ces trois jours dans l’année sont l’occasion de rassembler tous les types de famille, à travers des propositions artistiques engagées « et de réflexions fortes ». Assez rapidement, le festival a pris en réputation puisqu’elles reçoivent entre « 200 et 300 dossiers par an », précise la comédienne Caroline Sahuquet. Quant au prix, les visiteuses et visiteurs ont le choix du montant, avec à la fin de la commande la possibilité pour les hommes de payer une taxe « équité » sur leur billet de trois euros supplémentaires dans le but de participer symboliquement à rétablir l’écart salarial de 25%.
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La finalité de ce genre d’événement n’est pas de cultiver un entre-soi mais de « chercher un autre public, faire du terrain en allant dans les associations pour que la diversité qu’on annonce se retrouve aussi dans les festivaliers », ajoutent-elles. Il faut du temps pour être « reconnu » et se faire une réelle communauté. « On l’organise depuis trois ans à la Cité fertile à Pantin, un endroit qui a déjà un public à lui seul, et lors de la dernière édition un déclic est arrivé. Cette année, les gens sont venus exprès pour l’événement et non plus pour l’endroit connu pour sa programmation », confie la comédienne. Soazig Barthélémy, créatrice de l’ONG Empow’Her en 2013, un réseau international d’organisations dédiées à l’autonomisation sociale et économique des femmes, a lancé le festival du même nom avec déjà trois éditions à son actif. « Il est nécessaire de pouvoir accompagner les femmes dans leur parcours et changer l’écosystème, en se faisant garant des principes d’égalités. Cela permet de les faire évoluer puisqu’on parle de culture, de sororité. On propose une voie narrative qui permet de faire avancer l’empowerment. »
L’épidémie de covid a aussi été un moteur pour la création de ce genre d’événement. « Avec la pandémie, on a eu un recul des sujets et un effacement des prises de parole. Il n’y avait pas mille benchmarks de festival déjà existants. C’est un travail permanent d’ouvrir la réflexion sur la programmation, pour ne pas être en concurrence avec les autres. Cela correspond à un besoin au sein de la société d’apprendre différemment. On touche un public jeune qui se projette dans des découvertes et des rencontres. » Un signal positif pour le mouvement : « Les féminismes se recoupent d’un tas de sujets différents qui permettent de diffuser des messages, mais attention à ne pas croire que parce qu’il y a de plus en plus d’événements de ce genre, que tout est acquis. Il y a trois enjeux : normaliser, ne pas combler des besoins individuels, et toucher des personnes qui ne se sentent pas concernées », conclut-elle.
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Cet élan a donné l’envie à Marie de Lerena, Julie Dentzer et Marion Degorce de lancer Burning Womxn, d’abord une association, puis un festival d’art féministe intersectionnel et inclusif, dont la première édition s'est tenue en 2022. « On dit les termes, on ne se cache pas au niveau du ton. On a des signes forts qui font référence aux sorcières, à nos grands-mères, à embraser les choses », raconte Marie de Lerena, productrice, compositrice et musicienne. Une direction artistique underground, dans le même ton que le mouvement musical des Riot grrrl, un mélange de punk rock et rock alternatif aux idées féministes des années 1990. Ce nom est également une réponse au festival Burning Man aux États-Unis. « Le mouvement #MeToo a infusé cette émergence des festivals : il y a eu tant de personnes indignées ! On a commencé à se parler entre amies. Créer des choses concrètes, ça aide socialement. Ce genre d’endroit est nécessaire, on a besoin de se retrouver de cette manière. C’est une sorte de câlin de 48 heures », ajoute Julie Dentzer, doctorante en Histoire de l’Art.
Un mois après ces interviews, un nouveau festival a été annoncé par Melody Madar, cofondatrice du média Les Éclaireuses, avec le « C’est qui la boss ? » en partenariat avec Brut. Cet événement se donne pour objectif de « réunir plus de 500 personnalités féminines le 30 mars prochain et a pour but de célébrer les femmes, leur force, leurs ambitions, leur résilience et leur potentiel illimité », écrit-elle dans un post LinkedIn. Jusqu’à maintenant, ce genre de rendez-vous annuel a rassemblé autour de 3 000 personnes pour le WeToo et Empow’Her Festival, quant au Burning Womxn, il se rapproche des 700 entrées. Tous ces événements sont de retour cette année pour de nouvelles éditions.
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