Incentive l'arme anticrise ?

Description

Plus de 80 % des entreprises sont concernées par des problématiques de stimulation. C'est ce que montre la dernière étude relative au marché de l'incentive, réalisée en 2002 par la société Incentive House France. Ces opérations de stimulation ciblent en priorité des clients finaux (60 %), puis des publics internes (50 %) et en troisième lieu des réseaux de distribution (40 %). Pour récompenser l'interne, les managers privilégient à 40 % les chèques-cadeaux. Pour les publics externes, les entreprises choisissent à 60 % des cadeaux. Dans les critères de choix des agences ou fournisseurs, la compétence domine (66 %), suivie de la capacité à gérer les opérations (58 %), du prix (56 %) et de la créativité (54 %). Près d'un tiers des dirigeants d'entreprises (30 %) inscrivent la stimulation dans l'univers légitime du marketing relationnel, 22 % dans la communication et 20 % dans le marketing opérationnel. C'est un sujet important pour eux. Voici quelques règles à connaître pour partir dans la bonne direction.

Le salaire, socle de la motivation

L'incentive doit s'agréger au sommet d'une structure managériale pyramidale dont il ne faut pas négliger les fondations. Le schéma est bien connu des consultants en entreprises : la récompense ne fait que s'ajouter à la reconnaissance, elle-même excroissance de la sécurité qui repose sur les besoins essentiels statutaires des salariés.« Attaquons le besoin essentiel et la sécurité, et on a tout perdu »,lance Patrick d'Auvigny, directeur du département conseil d'Accentiv. Les enquêtes régulièrement menées ont beau confirmer que la revendication première des salariés reste, à l'unisson, d'ordre salarial, il est de bon ton, chez les employeurs et certains de leurs consultants, de dire que l'on ne motive pas par l'assiette de rémunération.« Le salaire, c'est le socle. Si le socle n'est pas solide, on ne peut rien faire. Le problème, c'est que les entreprises inscrivent parfois leurs décisions dans une logique d'opposition ou de substitution, et non de conjugaison »,souligne Xavier Bonduelle, directeur général de Do It, une société de conseil en développement du capital humain des entreprises. Autrement dit : l'incentive fait trop souvent office d'ersatz, loin de toute approche stratégique.

Génération cohésion

Le vivier commercial susceptible de faire l'objet d'actions de stimulation se recrute à 85 % chez les 25-35 ans, tous secteurs d'activité confondus.« Quand les professionnels de l'incentive se décideront-ils enfin à prendre en compte la donnée générationnelle, sans laquelle toute approche est biaisée ? »,s'emporte Xavier Bonduelle. Les leviers comportementaux ont bougé ces dix dernières années. Les sociologues d'entreprise savent qu'il est vain de demander à cette génération de « se défoncer » durant trois mois pour un objectif aussi collectif qu'incertain.« À quoi fonctionne cette génération ? Au respect des grands et petits équilibres de valeurs environnementales et éthiques, à l'exemplarité. Ce n'est pas avec un séjour à Marrakech qu'on les tient »,résume le DG de Do It. La crise, les ruptures professionnelles successives, la globalisation ont poussé l'ensemble du corps salarial, commerciaux compris, vers une forte exigence de cohésion : entre les mécanismes de stimulation et les principes structurants de la motivation ; entre la nature et la valeur des dotations d'une part et la situation générale de l'entreprise, le discours du management et l'environnement économique, d'autre part.

Les commerciaux et d'autres

Si l'incentive vise en priorité les forces de vente internes ou indirectes, son périmètre - souci stratégique de cohésion oblige - recouvre depuis peu d'autres types de population : assistantes commerciales, techniciens, agents de back-office, caissières, agents d'accueil, personnels administratifs... Pourquoi ne pas stimuler des comptables pour le nombre d'avoirs réalisés ou de jours de recouvrement gagnés ?...« La demande glisse des cibles commerciales externes vers des cibles internes non commerciales »,confirme Véronique Windal, directrice marketing de Kadéos. Cette filiale de Pinault-Printemps-Redoute enregistre des demandes de plus en plus nombreuses de la part des services qualité et sécurité, dans le cadre d'opérations visant la diminution des accidents du travail. Cette évolution se double d'une recherche d'effets très ciblés.« Les entreprises sont entrées dans des logiques chirurgicales,souligne Christophe Lasserre Ventura, associé chez PBB, cabinet-conseil en rémunération variable.On voit des managers de directions fonctionnelles être primés sur leur aptitude à recruter et fidéliser de jeunes collaborateurs. »

Égalitarisme ou sélection ?

Par-delà les publics visés, quelle option retenir entre la récompense collégiale ou le bonus sélectif ? En matière d'incentive comme ailleurs, la posture égalitaire est souvent la plus injuste.« En récompensant les mauvais au même titre que les meilleurs, on prend le risque de faire exploser repères et valeurs »,commente Xavier Bonduelle. Mais en contingentant le challenge à une minorité - a fortiori si c'est toujours la même-, on prend celui d'écarter la majorité du processus de valorisation. Dangereux dans les entreprises revendiquant la synergie des intérêts. Comment va-t-on vendre aux assistantes le fait qu'elles ne partent pas, contrairement à leurs supérieurs ? Pas simple et risqué.

Quel quota de bénéficiaires ?

Une fois la cible circonscrite, quel quota de bénéficiaires faut-il prévoir ? L'entreprise doit au préalable avoir choisi entre challenges (dotations distribuées en fonction des performances sur chiffre d'affaires, volume de ventes, etc.) et concours (budgets fermés, nombre de gagnants et classement selon les performances). En matière de performance, il est convenu d'identifier trois catégories d'effectifs : les « bons » (15 à 25 % des troupes), les « moyens » (40 à 60 %) et les « mauvais » (20 à 25 %). Le mécanisme mis en oeuvre doit au moins permettre aux « moyens » d'accéder à la dotation. Idéalement, on peut envisager de faire gagner jusqu'à 50 % des participants. Quitte à opter pour un modèle de dotations dégressives. Mais en n'oubliant pas que, pour les meilleurs, le bonus avoisinera un mois de salaire net.

Animer sur la durée

Corollaire direct de l'organisation et de la culture de l'entreprise, l'incentive doit être présenté et expliqué.« Si on veut que l'effet ne retombe pas immédiatement, une opération de stimulation doit se programmer sur trois, six, voire douze mois »,affirme Patrick d'Auvigny. Une opération inscrite dans la durée nécessitera de programmer des animations régulières, avec relances, suivi, reporting, voire des petits challenges intermédiaires avec distribution de minibonus. Une fois l'opération terminée, le management devra en officialiser le terme et en présenter les résultats. Plus les enjeux et la valeur des dotations sont importants, plus il est nécessaire de prévenir, voire d'associer les représentations salariales (délégués du personnel et membres du comité d'entreprise).

Budget : trouver l'équilibre entre dotation et animation

Un budget de 25 000 à 60 000 euros sera vite avalé par le coût de la dotation. Et celle-ci se limitera en grande partie à du chèque-cadeau. À partir de 100 000 euros, les entreprises peuvent engager des programmes sur trois à six mois. Le montant des dotations variera en fonction des objectifs, du nombre de participants et de bénéficiaires, ainsi que du ratio animation/dotation. L'investissement consenti au lancement, à la communication, au suivi, grèvera le poste bonus. Les plus grosses opérations de stimulation peuvent atteindre des sommes de plusieurs millions d'euros, mais elles restent l'apanage de très grandes entreprises, généralement pourvues d'un puissant réseau de revendeurs.