Entre Visual et Enjoy Scher Lafarge, douze années de bonheur

Description

Cent mille francs. C'est avec cette modique enveloppe que Visual a confié sa communication à Christophe Lafarge et Gilbert Scher. C'était il y a douze ans. À cette époque, les deux publicitaires officient chez Euro RSCG. La marque Visual est totalement inconnue, le budget serré, mais Lafarge et Scher relèvent le défi. Avec, à leurs côtés, un jeune créatif dénommé Christophe Caubel. C'est le début d'un beau roman, d'une belle histoire publicitaire...
Une douzaine d'années plus tard, le Grand PrixStratégiesvient couronner cette longue collaboration. Un trophée pour l'irrévérencieux spot « La conférence », dans lequel un porte-parole du Pentagone, raide comme la justice, explique que ce que l'on a pris pour de l'anthrax était en réalité du sucre en poudre et que les supposées armes de destruction massive n'étaient autres que des silos à grain. Une erreur dantesque imputable à... la mauvaise vue du spécialiste ! Plutôt gonflé.
Tellement, d'ailleurs, que la genèse de ce spot s'apparente à un parcours du combattant. Le film, qui intervient à un moment charnière de la communication de Visual (lire l'interview ci-contre), repose au départ sur une nouvelle stratégie :« Les précédentes campagnes montraient ce qui se passait lorsqu'on avait une mauvaise vue, avec la signature « Choisir Visual, c'est déjà y voir clair »,explique Christophe Lafarge, président d'Enjoy.Ici, nous avons pris le parti opposé : montrer les problèmes qui se posent lorsqu'on retrouve une bonne vue... »
L'angle stratégique, plutôt pointu, est d'emblée adopté par l'annonceur. Le créatif Christophe Caubel conçoit alors trois films. C'est la procédure habituelle : plusieurs campagnes sont proposées aux opticiens adhérents du réseau Visual, qui ont droit de veto.« Quand on a montré « La conférence », on pensait qu'il ne serait jamais élu,se souviennent Christophe Lafarge et Hugues Reboul, qui gèrent le budget chez Enjoy.Mais quand il est passé au vote, nous avons vu toutes les mains se lever pour lui... C'était extraordinaire ! »
Conscients du potentiel contenu polémique de ce film, l'agence a décidé de se border. Elle a travaillé conjointement avec le Bureau de vérification de la publicité (BVP), pour éviter tout risque de diffamation ou tout symbole rappelant un pays existant...« Rien n'a été laissé au hasard lors du tournage, effectué en décembre,souligne Christophe Caubel.Les uniformes sont de vieilles pièces de l'armée tchèque remaniées, l'insigne derrière le conférencier rappelle des ailes sans que l'on montre un aigle... La seule inquiétude que nous avions portait sur le bleu des rideaux, un peu Maison-Blanche... »
Toutes les précautions prises, les publicitaires et leur client attendent la diffusion du spot. Avec un seul souci : que l'on ne trouve effectivement pas d'armes de destruction massive en Irak, auquel cas le principe créatif de la campagne serait quelque peu obsolète... Mais les surprises viendront d'ailleurs : trois jours avant la diffusion, en février, France Télévisions décide de ne pas passer le film. Raison invoquée : il serait de nature à heurter la sensibilité des téléspectateurs...« Malgré ce contretemps fâcheux, Visual a continué à soutenir ce spot et sa diffusion »,précise Christophe Lafarge. Et TF1 décide de passer le film.
Aujourd'hui, on ne cache pas sa joie, chez Enjoy !« Ce Grand Prix montre que l'on peut allier stratégie et créativité,se félicite Gilbert Scher, coprésident de l'agence.Il montre aussi qu'en publicité, les meilleures campagnes se font à partir de relations annonceur-agence pérennes, à un moment où la rotation moyenne d'un budget est de trois ans : regardez BBH et Levi's, Wieden&Kennedy et Adidas... »De fait, cette relation agence-annonceur fusionnelle est assez rare. Christophe Lafarge la résume ainsi :« L'agence est autant au client que le client à l'agence. »À quand les noces d'or ?