Édition d'entreprise

Description

Après quatre à cinq années de crise, c'est enfin sur une note positive pour l'édition d'entreprise que s'est achevée 2005. Les marges brutes des grandes enseignes du secteur - L'Agence, Euro RSCG C&O, Textuel, notamment - sont à la hausse, même si certaines continuent de subir une crise de croissance et le fait d'être intégrées à des maisons mères en difficulté. Le métier, lui, a profondément changé en même temps que les attentes des entreprises. Ne dites plus « édition d'entreprise » : l'ère de la « communication éditoriale » a sonné ! La mutation ne s'est pas opérée sans douleur, comme en témoignent les grandes manoeuvres des derniers mois. La recomposition du paysage s'est poursuivie en 2005, avec des fusions (ByTheWay avec Créacom), des rapprochements (L'Agence avec Ligaris, Paname et le pôle Édition de Publicis Events avec Verbe, MCE avec Sequoia) et des repositionnements (celui de Creapress, après le départ de son fondateur François Blanc). Sans oublier la création de nouvelles enseignes, comme celle d'Éric Bentot, parti de Tagaro (DDB) pour fonder Editoria, ou Meanings, l'agence de Bruno Scaramuzzino, ancien d'Euro RSCG C&O.

Émiettement des budgets

Face aux grosses agences, ces petites structures, fortement réactives, mais très sensibles aux variations du marché, font leur trou. « Mieux vaut être petit aujourd'hui, pour éviter les lourdeurs invisibles des groupes », considère ainsi Éric Bentot, PDG d'Editoria. Une analyse que conteste Sophie Reinauld, présidente de L'Agence. Le nouvel ensemble L'Agence-Ligaris (170 salariés et 14,5 millions d'euros de marge brute) se place dans le peloton de tête des agences corporate. « J'ai tous les avantages d'un groupe, la solidité, la crédibilité, les passerelles avec les clients, le tout sans inconvénients », assure-t-elle. Gros, petit, et entre les deux, point de salut ? « Le marché reste très difficile pour les agences moyennes, elles vont être les premières à souffrir », tranche Éric Camel, président d'Angie.
Pour Anne-Laure Schiepan, « partner » en charge du pôle Édition d'Euro RSCG C&O, « le marché reste très déstructuré ». « Les problématiques des entreprises sont devenues extrêmement complexes, ajoute-t-elle. En matière de communication, elles se demandent que faire des gens, quoi leur dire et comment le leur dire. Cette quête du Graal turlupine tout le monde aujourd'hui... » La solution n'est pas une, mais plurielle. Car si, de l'avis général, les clients se montrent plutôt plus fidèles, ils persistent à émietter leurs budgets. « Les entreprises continuent de faire leurs courses en évitant de mettre tous leurs oeufs dans le même panier, constate Boris Éloy, directeur de la communication de Servair et nouveau président de l'Ujjef. Du coup, l'atomisation des achats reste dominante. Une plus grande concentration des fournisseurs serait bénéfique. »
La faute des directeurs de la communication et des achats ? À voir... Les relations entre agences et clients semblent s'être apaisées, même s'il reste du chemin à parcourir pour que tout le monde parle le même langage. En témoignent la multiplication des compétitions, la persistance d'appels d'offres mal ficelés, de briefs inexistants, de budgets secrets, d'exigences démesurées ou de compétitions qui ne débouchent sur rien. « Qu'il y ait davantage de compétitions est plutôt bon signe, considère Véronique Reille Soult, directrice générale de K Publishing. Mais il faudrait les encadrer davantage. » Boris Éloy, lui, brandit le serpent de mer de la rémunération des compétitions et milite pour un code de bonne conduite mutuelle. En attendant, certains dirigeants d'agence, tel Yves Camus, directeur général de Because (DDB), sélectionnent les appels d'offres. Gilles About, président de Textuel (TBWA), fait écho : « Il ne faut pas aller partout, nous faisons 80 à 100 compétitions par an, c'est un travail à plein temps. »
Autre phénomène, l'émiettement des budgets conduit à un croisement des métiers de plus en plus important, notamment en communication externe, avec un rapprochement de la communication éditoriale et des métiers du marketing opérationnel et des marketing services. Parfois, comme c'est le cas chez Euro RSCG C&O, où « l'intégration des métiers est inscrite dans le code génétique du groupe », rappelle Anne-Laure Schiepan, c'est à l'intérieur d'un même groupe que s'unissent les compétences. Chez Verbe, Patrick Laforêt, directeur de création, confie travailler pour certains clients avec d'autres enseignes de Publicis Groupe, comme Carré noir et Publicis Dialog (sur le budget Ferrero, par exemple). Chez Tagaro, Aurélie Boue Montron, directrice générale, se félicite de la force du groupe DDB, « une structure souple pluriprofessionnelle à géométrie variable ».

Attente précise, stratégie évolutive

Une façon pour les groupes, ainsi que le suggère Éric Bentot (Editoria), de compenser avec l'édition des ressources qui se tarissent côté publicité ? Pas si sûr. Le phénomène de croisement des disciplines prend de l'ampleur. Pour Éric Tazartez, coprésident de Publicorp, « plus le marché est éclaté et plus les métiers ont intérêt à se rapprocher. On se retrouve désormais parfois en compétition avec des agences comme Piment, 154, Les Corsaires, ou des agences de publicité comme McCann ou Dream On. » En véritables maîtres de chantier, « nous allons parfois puiser dans nos réseaux, chez les free lances ou nos partenaires ce que l'on ne peut ou ne sait pas faire », admet Nathalie Debray Del Valle, directrice générale de ByTheWay&Créacom.
Aller plus loin sur les contenus, avoir une approche budgétaire raisonnable, éveiller les clients et l'attention des lecteurs, apprendre à mixer les contenus, proposer des supports malins et inattendus... Les agences résument difficilement les attentes multiples de clients en mal d'exigence. Les professionnels de l'édition d'entreprise sont devenus des « superconseillers spécialistes », lance l'un d'eux. Une casquette obligeant les agences à recruter des profils différents, mais que personne, en agences et chez les clients, ne songe à remettre en question. « Plus que la créativité, ce qui importe aux clients, c'est la singularité du projet et que l'on rende compte de la réalité de l'entreprise », rappelle Sophie Reinauld (L'Agence).
Qu'importe le support pourvu qu'on ait l'info ! Ainsi, le rapport annuel, au-delà de la stricte information des actionnaires, s'est transformé en outil de communication des plus glamours, ainsi que le souligne une étude Sequoia-Clarefi. Et la communication externe est devenue le lieu d'un vrai changement. Le développement durable est une préoccupation montante, comme en témoigne le positionnement « alter corporate » de la nouvelle enseigne ByTheWay&Créacom . Quant à Internet, il est au coeur des solutions éditoriales. Désormais, les stratégies sont au moins bimédias, en général plurimédias. « Bientôt, il ne faudra plus parler de complémentarité des médias mais plutôt d'amplification du print par des médias périphériques », explique Éric Camel (Angie).
Autre demande en plein essor, la dimension internationale des supports. « C'est une attente montante des clients », expliquent en choeur les professionnels. « Il faut au minimum s'européaniser, au mieux s'internationaliser, ce qui demande quelques investissements et de la formation des équipes, notamment à l'anglais », note Patrick Laforêt (Verbe). Faute de quoi, on risque de voir des acteurs étrangers venir chasser dans l'Hexagone. EDF ne vient-il pas de confier son magazine monde à l'agence londonienne Red House ?