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Sur les unes de la presse automobile, les accroches rivalisent de clinquant : « Les 100 stars du Mondial », « Fascinante 608 », « Volvo : classé chic »... Pourtant, les temps sont durs. Baisse de la production aux États-Unis et en Europe, flambée du prix de l'essence, montée en puissance de l'écologie : les constructeurs sont sérieusement touchés, notamment les généralistes, pris en tenailles entre l'érosion de leurs débouchés habituels et l'émergence de nouveaux marchés.
Les constructeurs japonais Toyota et Honda s'en tirent mieux, continuant à croître aux États-Unis et en Europe. Mais pour les autres, la situation est périlleuse. Les profits de demain sont dans les pays émergents et le niveau des investissements impose de conclure des alliances. C'est ce que font déjà Renault et Nissan (en discussion avec GM), Toyota et PSA ou Chrysler, qui cherche un partenaire pour lancer un petit modèle.
Sur un marché européen qui progresse faiblement (1,7 %), la tension est palpable. En France, les immatriculations étrangères ont atteint un sommet (44 %), tandis que l'atomisation du marché n'a jamais été aussi forte. Conséquence : la reconquête commerciale passe plus que jamais par l'innovation marketing. Carlos Ghosn, président de Renault- Nissan, en a fait la pierre angulaire de son « Contrat 2009 » pour Renault, Dacia et Samsung (26 nouveaux modèles lancés à partir de la fin 2007), tandis que Nissan prévoit vingt et une nouveautés. Le renouvellement est la règle. Le patron de PSA, Jean-Martin Folz, qualifié d'« homme de process » est ainsi appelé à céder sa place en janvier prochain à un « homme de produits ».
« Se serrer les coudes et les dents jusqu'en septembre 2007 », a prévenu Carlos Ghosn. Il va aussi falloir ouvrir grand ses yeux et ses oreilles. Avec cette concurrence exacerbée, les constructeurs courent après les consommateurs, dont la versatilité, vérifiée dans l'univers des produits de base, s'observe à présent dans l'univers automobile. À quoi correspond la disparition des grosses berlines dans les grandes villes, sinon au souhait des automobilistes de rouler dans des voitures plus petites ? Ou bien la multiplication des motorisations Diesel, conséquence de la hausse du prix de l'essence ? Les exigences des consommateurs font bel et bien plier les lignes de coût industriel. Des mots comme « praticité », «personnalisation » ou « modularité » ont fait leur apparition dans les manuels des marketeurs.

à chacun sa voiture

Les voitures sont plus petites ou extravagantes, elles sont « néorétro », très luxueuses ou carrément « low cost ». C'est presque à chacun sa voiture. Du sur-mesure. Tandis que les anciennes « vaches à lait » des groupes voient leurs volumes fondre, de nouveaux segments sont apparus : les 4x4, les « subcompactes », les sportives, etc. Dans le sillage de la Logan de Renault, les projets de voitures à bas coût fourmillent (Peugeot 107, Citroën C1, Fiat, etc.). D'autres courants contradictoires s'affrontent. À celui, féminin, qui modifie le statut de la voiture pour la rendre moins puissante et plus sécurisante, s'oppose un courant masculin avide de sensations. De même, la logique du monospace « espace de vie », qui incite les constructeurs à offrir aux automobilistes des surfaces vitrées toujours plus grandes. Et pendant ce temps, Peugeot présente au Mondial dix modèles de série pour sa nouvelle 207, en plus du ­concept Epure, d'une Spider et d'une Super 2000... Le design, premier critère de choix pour l'achat d'une voiture, se bat avec le grand retour de la qualité-prix.
Plus que jalmais, les constructeurs sont à l'écoute de leurs clients. D'ailleurs, le marketing automobile est l'un des plus sophistiqués qui soient, il a placé depuis longtemps le client au centre de son attention. Mais les instruments de veille dont dispose cette industrie se sont multipliés (études, presse, Internet), rendant plus complexe la lecture du marché. « Les problématiques sont plus étroites, ce qui implique une plus grande vigilance, explique Bruno Lalande, directeur des études du pôle Information de TNS Media Intelligence. Avant, les constructeurs nous sollicitaient pour valoriser les retombées de leurs plans de communication. Ils veulent désormais qu'on les aide à comprendre ce qui s'est passé et qu'on les conforte dans le choix des signaux à donner au marché. »
Mais quels signaux ? Après des années d'obsession sécuritaire, il semble que les questions écologiques prennent aujourd'hui le dessus. Le contexte (prix de l'essence, menaces sur l'environnement) explique largement la montée en puissance du phénomène. Les progrès technologiques, comme les succès d'image des hybrides de Toyota (Prius) et de Honda (Insight et Civic Hybrid), sont autant de signes qui montrent que le marché est mûr pour changer de braquet et « clignoter écolo ». Michel Gardel, directeur général de Toyota France, n'a-t-il pas présenté la Prius comme un « accélérateur de particules de sympathie pour la marque » ?
À l'instar des bons élèves brésilien et suédois, qui programment déjà de se passer de pétrole, la France s'apprête donc à amorcer vigoureusement ce tournant écologique. Le Mondial de l'automobile donne d'ailleurs l'occasion à toutes les parties prenantes de prendre position. Renault a annoncé que, d'ici à trois ans, 50 % de ses véhicules à moteur essence vendus en Europe pourront fonctionner à l'E 85 (85 % d'éthanol). Les pouvoirs publics multiplient les gestes : le gouvernement souhaite ainsi que les biocarburants représentent 7 % de la consommation nationale d'ici à 2010 et 10 % d'ici à 2015, et prépare un dispositif d'incitation fiscale.
Les études et les faits confirment ce que les constructeurs anticipent. Selon le dernier sondage Direct Assurance réalisé par l'Ifop, les Français font preuve d'une grande maturité sur la relation voiture-pollution : ils sont 89 % à se déclarer disposés à acheter un véhicule roulant au biocarburant et 68 % sont prêts à payer plus cher à la pompe pour « rouler propre ». Parallèlement, 50 % des automobilistes disent utiliser moins leur voiture et, de fait, le kilométrage moyen a reculé (pour la première fois) de 3 %.

Renouveau du langage publicitaire

Ce n'est pas un hasard si deux constructeurs japonais ont pris une longueur d'avance sur ces questions d'environnement. En février dernier, Honda organisait à Paris une exposition publique, intitulée Ergodesign, du design à l'environnement, présentant des objets commercialisés ou conceptuels ayant comme point commun l'innovation, en termes de design et de respect environnemental. La puissance du modèle nippon repose sur cet équilibre entre esthétique et développement responsable, une quadrature parfaite que les constructeurs européens et américains recherchent à leur tour.
D'une certaine manière, on retrouve cette conciliation sémantique dans l'oscillation permanente que prend la communication des marques entre discours rationnel et émotionnel. Pour Christophe Gautier, directeur commercial de McCann-Erickson en charge du budget Opel, « cette alternance est frappante entre 1999 et 2005, les registres passant de la maîtrise technologique - « Technologie 100 % utile » de Citroën, Peugeot dans la lignée de BMW et Audi - à l'onirisme le plus total, pour Renault Clio. Le robot dansant du spot Citroën C4 réalise finalement une synthèse des deux. »
Dernièrement, les approches affinitaires de Dodge (DaimlerChrysler) ou de Pontiac (GM) ont renouvelé un peu le langage publicitaire. Comme la volonté de Toyota d'ancrer son image dans la « francité » à travers son partenariat avec l'équipe de France de football, ou celle de Fiat de briser les codes du secteur. Pour le lancement européen de la nouvelle Corsa, Opel a aussi misé sur un dispositif innovant, qui intègre de la « guérilla marketing » et une coproduction musicale avec MTV, stratégie proche de celle adoptée par la Classe A de Mercedes pour rajeunir sa cible et rendre les voitures plus « émotionnelles ». Le constructeur américain veut à nouveau faire rêver, comme Volkswagen avec le lancement, en mai, de son coupé cabriolet Eos. « On s'est autorisé à aller sur un territoire plus esthétique et émotionnel, explique Luc Wise, directeur du planning stratégique de V, l'agence de publicité de Volkswagen. On a fait glisser le discours, historiquement axé sur la solidité et la fiabilité, vers un peu plus de " désirabilité ". » Sur le problème du prix de l'essence, le constructeur allemand avait anticipé. Sa saga qui traite le carburant comme un produit de luxe remonte au début 2005... Le marketing automobile exige un réglage très fin.
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