Les magazines goûtent aux joies du naturel

Description

Home sweet home », d'accord, mais ce n'est pas une raison pour rester enfermé chez soi ! Pour 35 % des Français, le logement doit susciter du va-et-vient, selon une étude du laboratoire Cetelem. La maison est moins perçue comme un refuge qu'auparavant. Fini le « cocooning » des années quatre-vingt-dix : désormais, on soigne son intérieur... pour être mieux vu à l'extérieur. Et la presse décoration se frotte les mains : plus de 50 % d'audience supplémentaire en cinq ans !
Le marché a connu une évolution positive et surtout constante entre 2000 et 2005, si on en croit une étude réalisée par l'agence médias Carat. La presse déco attire aujourd'hui pas moins de 11,4 millions de lecteurs. En 2006, on dénombrait 27 magazines contrôlés par l'Office de justification de la diffusion (OJD). Des chiffres à faire pâlir d'envie bien d'autres familles de presse. Autre signe de bonne santé : la part de la diffusion par tiers, c'est-à-dire hors ventes au numéro et abonnements, n'est plus que de 8 %, alors qu'elle atteignait jusqu'à lors un niveau élevé pour certains titres. Quant au nombre total de pages de publicité, il s'est monté l'année dernière à 13 792, en hausse de 4,5 % par rapport à 2005. Bref, tous les indicateurs de la presse déco sont au vert.
Mais le marché demeure très concurrentiel. Aussi les initiatives pour conquérir un lectorat plutôt volage - les lecteurs n'achètent pas toujours le même titre et les abonnements ne représentent que 15 % du lectorat - sont-elles nombreuses. Nouvelles maquettes, à l'instar de C déco (Éditions Ventillard) au cours de l'année 2006, mais aussi changements plus radicaux. Elle décoration, créé en 1987, a ainsi lancé une nouvelle formule en octobre 2006 en ajoutant de nombreuses rubriques. Le développement des marques médias n'épargne pas non plus la presse déco. Les titres les plus anciens comme les plus récents se doivent d'innover et cherchent toujours à conquérir des lecteurs, non seulement à l'occasion de salons mais aussi de hors-séries sur des thématiques récurrentes. Tous jouent également sur la multiplicité des canaux de diffusion et investissent Internet et le hors-médias, avec l'organisation de salons tel celui de Marie Claire idées.
Trois positionnements éditoriaux principaux peuvent être identifiés parmi la cinquantaine de titres du secteur, dont une vingtaine majeurs. Chacun remporte un succès comparable, analyse Sophie Renaud, directrice de l'expertise presse chez Aegis Media France. « Tout d'abord, le très haut de gamme, qui montre des intérieurs luxueux avec une évidente part de rêve. Ensuite, des titres plus accessibles et plus pratiques, pour savoir comment aménager son intérieur. Ceux-ci, à l'image de Viva déco, lancé cette année, ciblent surtout une population jeune, d'autant que les Français accèdent de plus en plus tôt à la propriété. Or, on a davantage envie d'investir dans son intérieur quand on en est propriétaire. Enfin, les thèmes du développement durable et du logement naturel remplissent de plus en plus les colonnes de ces journaux. »

Variations saisonnières

L'environnement est donc promis à un bel avenir. Ce thème devrait cartonner au cours des prochaines années, fort du succès des maisons en bois, en paille ou bioclimatiques, et grâce à l'apparition d'architectes spécialisés dans ce domaine. « Personne n'échappe à la vague de l'environnement et du développement durable, confirme Régine Heurteur, rédactrice en chef de Maison créative. C'est une notion encore floue pour les lecteurs, il y a donc un important travail de sensibilisation à faire. La consommation d'énergie et de matériaux a un impact sur l'environnement et la santé. On peut par exemple expliquer ce qui apporte naturellement de la fraîcheur dans la maison. »
Autre valeur sûre : le contenu pratique. Dans sa nouvelle maquette, C déco a davantage mis l'accent sur le « fait soi-même », qui répond à la volonté des ménages de personnaliser leur intérieur. Résultat : une progression des ventes de 33 % ! Le néophyte craint d'autant moins de se lancer que, d'une part, la médiatisation a pour effet de dédramatiser la décoration et le bricolage en les rendant plus accessibles et que, d'autre part, les magasins de jolis meubles bon marché se multiplient.
Nombreux sont ceux qui veulent se consacrer à leur intérieur, mais avec la possibilité de changer de décor aussi souvent qu'ils le souhaitent. D'où le succès des « stickers », ces autocollants plus ou moins grands chargés d'égayer de façon éphémère les murs ou les vitres de la maison. « Actuellement, les stickers constituent la tendance principale en matière de décoration, constate Caroline Munoz, qui présente l'émission Déco 8 sur Direct 8. J'ai par exemple reçu en plateau une créatrice de tags autocollants. Cela plaît énormément pour les chambres d'ados. » Présentatrice de Téva déco, sur la chaîne Téva, Cendrine Dominguez décrit le sticker comme « un pansement pour une maison que l'on ne souhaite pas forcément refaire complètement ».

Esthétisme et performance

Désormais, on fait évoluer son intérieur en fonction des saisons, à l'image de la mode vestimentaire. « Jadis, les meubles se transmettaient de génération en génération. Maintenant, on vit dans une société et une décoration de consommation », insiste ­Caroline Munoz. Le consommateur veut pouvoir changer de meubles comme de paires de chaussures. Une souplesse également rendue nécessaire par les évolutions que connaît notre société. « Les espaces à géométrie variable remportent un vif succès depuis l'avènement des familles recomposées, observe Maryelle Allemand, responsable du secteur intérieur chez Carlin International. Les membres du foyer vivent ensemble de façon décoordonnée, donc les moments passés en famille sont particulièrement valorisés. »
Lectrices assidues et très nombreuses de la presse décoration - plus de 7 millions - les femmes jouent, on s'en doute, un rôle important dans le passage aux travaux pratiques. « Elles sont souvent à l'origine des aménagements et de l'acte d'achat. Les enseignes de bricolage ont de plus en plus de connexions avec la décoration. Il faut montrer un projet de A à Z, avec une fusion des codes du bricolage et de la décoration. La stratégie marketing pour les enseignes de bricolage consiste donc à adapter leur discours en prenant en compte la finalité esthétique, au détriment des indications de performance », explique Maryelle Allemand, de Carlin International. Des rayons décoration ont d'ailleurs fait leur apparition dans des enseignes comme Leroy Merlin ou Castorama. Et les fabricants ont réfléchi à l'allégement des outils. Il va falloir s'habituer à croiser de plus en plus de femmes dans les rayons.