Lunettes et baskets rouges, chaussettes vertes. Le photographe italien Oliviero Toscani ne fait jamais dans le classique. Ni dans la vie ni dans la publicité. Et pour lui, «aucun détail n'est petit». Ses six élèves photographes l'apprendront vite à leurs dépens... À partir du 21 novembre, le maestro sera en effet à l'antenne sur Arte dans le cadre d'une «master class» un peu particulière (1). Photo for life est une émission de télévision dans laquelle Oliviero Toscani confronte son regard à celui de jeunes talents européens (français et germanophones). Une série coproduite par BBC Worldwide France et qui s'inscrit dans la lignée d'une précédente émission, Design for life avec Philippe Starck, diffusée en 2009 en Grande-Bretagne.
Photo de nu, de reportage, de mode ou de publicité... Tous les genres artistiques seront abordés au cours des cinq épisodes de Photo for life. Mais loin d'une Star Academy, la rencontre entre l'ancienne et la jeune génération en dit surtout long sur l'évolution de l'art photographique, que ce soit en publicité ou en presse. Dans ces deux supports, la photo s'est engouffrée dans «une esthétique de masturbation», estime le maestro. Durant l'émission, Oliviero Toscani n'épargne, d'ailleurs, aucunement ses jeunes élèves et leurs travaux. «C'est comme une galerie d'art... mais la seule chose qui manque, ici, c'est l'art», leur lance-t-il.
Pour Oliviero Toscani, la démocratisation technologique a desservi cet art. Dans le sens où le regard du photographe s'est perdu. «Aujourd'hui, tout le monde fait de la photographie mais combien de poètes restent-ils?» Pas de passéisme pour autant chez le photographe italien. Celui-ci attendait même d'être bousculé par la jeune génération. Mais au cours de ses échanges avec les six élèves, le maître leur a surtout rappelé l'importance du détail, les incitant à ne pas demander la permission avant de prendre une photo. « Il faut comprendre la scène que l'on veut photographier avant de mettre son œil derrière l'appareil photo», leur rappelle-t-il. Un conseil pas superflu visiblement.
Au-delà de cette émission, Oliviero Toscani milite, en effet, pour remettre la photo au centre de la publicité et de la presse. Même face à l'explosion du média audiovisuel ou d'Internet, la force d'une photo reste, pour lui, irremplaçable. Un discours soutenu par Peter Knapp qui intervient dans l'une des émissions. Le photographe et directeur artistique du magazine Elle dans les années 60 déplore qu'Arte ne soit pas allée jusqu'à filmer les photographies produites par les élèves en plan fixe. «C'est bien la preuve que l'image fixe fait peur à présent», regrette-t-il.
Au sortir de cette expérience télévisuelle, Oliviero Toscani révèle sa volonté de créer lui-même une école pour former les jeunes talents. Non pas à la simple prise de vue photographique mais à l'écriture de celle-ci. «Pour être un bon photographe, il faut avoir une culture et connaître ce qui a été fait avant. Il faut apprendre à lire et écrire cet art car c'est une lourde responsabilité», explique-t-il. Formé dans une classe de photographie très réputée d'une école d'art à Zurich, il déplore le remplacement de cette classe, désormais, par un cours de «communication visuelle».
(encadré)
Entre message sociétal et scandale
Le parcours d'Oliviero Toscani dans la publicité est parsemé de scandales. De 1982 à 2000, il signa les campagnes Benetton montrant des morts du sida ou des condamnés à mort aux États-Unis. Pour la marque Nolita, Oliviero Toscani photographiera aussi une jeune femme nue anorexique en 2007. Dernier remous en date: un calendrier réalisé en 2011 pour un groupe de tanneurs italiens et uniquement composé de photos de sexes féminins. Partisan d'une publicité à message, le photographe italien estime que «certaines fois, on comprend plus un pays en regardant ses affiches publicitaires qu'en lisant son journal quotidien».
