Oscillant entre publicité et musique rock, ce directeur artistique belge réalise des films singuliers pour des marques comme Lee ou Eastpak.

Il fait toujours bon regarder vers la Belgique. Côté création, le Plat Pays n'a, en effet, jamais démérité avec dernièrement encore l'entrée du designer Raf Simmons au sein de la maison Dior. John Israël, directeur artistique de 39 ans, incarne, lui aussi, cette «belgitude».  Celle qui pousse à «dépasser ses propres frontières, peut-être à cause de notre petit pays», explique le fondateur du studio de création Satisfaction. Avec un père né au Zaïre, une double nationalité italienne et belge et une scolarité effectuée en langue anglaise, il parle lui-même en souriant d'un «pedigree de bâtard». Une mixité qui le prédestinait peut-être à se voir plus facilement confier des budgets internationaux comme les jean's Lee ou les sacs Eastpak. «J'ai toujours été attiré par l'exotisme de ce qui se faisait ailleurs», confie-t-il.

 

Les créations de Satisfaction s'en ressentent: teintées d'esthétisme, elles oscillent entre rêve et réalité, sans jamais verser dans la nostalgie ni le «déjà-vu». Son dernier film pour Lee, qui sort le 17 septembre, incarne cette facture originale. Illustration du nouveau slogan de la marque «Move your Lee» trouvé par le créatif, la campagne est une ode au mouvement. Pour cela, John Israël a mis une danseuse et chorégraphe américaine (Célia Rowlson Hall) derrière la caméra. Devant son objectif défilent une ancienne gymnaste russe, un danseur de rue en roue libre et des championnes de natation synchronisée tout habillées dans une piscine. Au final, cela donne un film assez addictif, capable de séduire adolescents, adultes, passionnés de danse ou épris de liberté. Pas si mal pour un jean's.

 

Son désir: imaginer une publicité fondée sur l'émotion. Dans sa récente campagne internationale pour Eastpak, le directeur artistique a, ainsi, mis en scène des envies folles: apprendre à voler, embrasser un inconnu dans la rue, déconnecter pour mieux se reconnecter... En posant la question «When was the last time you did something for the first time?» («Quand pour la dernière fois as-tu fait une chose pour la première fois?»), celui-ci a rédigé une "bucket list" (liste des choses à faire avant de mourir) inspirée des souhaits des fans de la communauté Eastpak.

 

Le directeur artistique semble savoir saisir l'air de son temps. Une inspiration certainement nourrie par une double vie. John Israël est en effet aussi John Stargasm, chanteur du groupe de rock belge Ghinzu. Avec de puissantes mélodies et un son très travaillé, ce groupe est une référence sur la scène indépendante depuis une dizaine d'années. «La musique occupe, de fait, une grande partie de ma vie car nous partons beaucoup en tournée», souligne le chanteur et compositeur. Les musiques de Ghinzu ont par ailleurs été plusieurs fois synchronisées par des marques (SNCF, Peugeot, Kenzo, Citroën), par la télévision et le cinéma.

 

Un univers musical que le créatif utilise avec prudence dans sa propre publicité. «Le rock est souvent représenté comme nostalgique donc forcément caricaturé vintage. C'est une erreur. Etre rock, c'est plus une attitude qu'une imagerie.» Comme de mettre dans sa publicité un champion de combat de boxe entre mannequins dans Manhattan. «Annoncées seulement le matin même, ces soirées clandestines provoquent une tension palpable car le physique de ces boxeurs-mannequins est leur gagne-pain, donc s'ils l'abîment...» Un soupçon de violence pour éviter de trop «lisser» son discours et ses productions.

 

Qu'il soit derrière son piano ou son bureau, le directeur artistique prolonge ainsi sa créativité. «J'ai du mal à me sentir cloisonné. Je n'ai pas ce complexe des Européens, comme si faire de la musique interdisait d'avoir une autre activité. Je ne fais pas de la publicité par défaut. Au contraire, je crois même que si je n'avais été que musicien, je ne serai plus en vie.» 

Musicien donc mais aussi photographe et réalisateur, John Israël mélange les cartes, poussé par le besoin de tenter à chaque fois quelque chose de nouveau. «Certains disent que tout a déjà été fait mais je ne suis pas d'accord. Toutes les couleurs existent dans la nature, certes, mais la création est une combinaison inédite.» Une fraîcheur qu'il conserve aussi en s'entourant au sein de Satisfaction de talents éclectiques. Parmi eux, des Belges comme Anthony Collard (38 ans), directeur artistique venu du cinéma, ou Valentine De Cort (30 ans), illustratrice, ou encore un Français, Bartolomé Sanson (28 ans), directeur artistique et éditeur (Shelter Press). «Ils sont bons en publicité parce qu'ils ne l'ont pas étudiée», lance, avec malice, John Israël. Aventureux, le créatif a même lancé sa propre marque de bière belge, Volga. Une audace qu'il conserve depuis ses débuts en publicité avec un premier spot, «Yiddish Mama», pour les préservatifs Durex (agence Garbarski Euro RSCG) sorti en 1993 et doté de cette chute qui faisait sourire: «Mettez-les au moins pour faire plaisir à Maman.»

 

Si John Israël est passé il y a une dizaine d'années par Paris (agence Air), il est vite retourné vivre à Bruxelles. «Aujourd'hui, j'aimerais beaucoup retravailler avec des marques françaises», avoue le directeur artistique, représenté à Paris par l'agence Bonus Track. L'intérêt suscité par ses dernières créations auprès de plusieurs marques hexagonales laisse justement présager de prochaines collaborations.

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